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profeffion avant dix-huit ans, & les laïques avant vingt ans : mais ils fe font relâchés de cette régle & admettent tout le monde indifféremment à la profeffion à l'âge de dix-fept ans accomplis. Les Minimes ne reçoivent point avant l'âge de dixhuit ans, & les Cordeliers conventuels de faint François ne donnoient point autrefois l'habit aux clercs avant l'âge de dixneuf ans, ni aux laïques avant l'âge de vingt-cinq. Ils fe font auffi relâchés de cette régle.

Il feroit trop long de rapporter ici les différens ftatuts des divers ordres fur cette matiere: mais on peut former ici une question qui confifte à fçavoir, fi la profeffion faite à l'âge de feize ans accomplis eft nulle dans les ordres dont les ftatuts exigent un âge plus avancé? Il ne paroît pas que cela doive emporter nullité; parcequ'elle n'eft pas ordinairement prononcée par les ftatuts particuliers des ordres qui dérogent en cette partie au droit commun.

D'ailleurs, quand cette claufe y feroit ajoûtée, elle ne pourroit pas opérer une dérogeance de droit aux loix canoniques & civiles qui font en ufage dans le roïaume. Ces loix veulent que toute profeffion faite à l'âge de feize ans & dans laquelle les formalités néceffaires ont été obfervées, lie celui qui l'a faite. Les fupérieurs des différens ordres peuvent bien ne recevoir perfonne chez eux avant l'âge porté par leurs ftatuts mais s'ils le font, le fujet qu'ils admettent eft lié vis-à-vis de l'état.

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Celui qui fe deftine à embraffer la vie monaftique, fe difpofe à contracter un engagement qui doit durer toute fa vie. Cer engagement confifte, entre autres, à obferver étroitement la régle de l'ordre dans lequel il veut être admis. Or, comme cette régle peut être au-deffus de fes forces, tant par rapport à la foibleffe de fon tempérament, qu'à la difpofition de fon humeur & de fon caractére, il eft jufte qu'il ait un certain tems pour s'éprouver; & ce tems ne peut être moindre d'un an; parcequ'il peut arriver que quelques jours, quelques mois même d'une vie extraordinaire ne fuffifent pas pour faire impreffion fur la fanté de celui qui s'y eft livré. Il peut arriver que la premiere ferveur de la dévotion cache & déguise pendant quel

que tems la réfistance du caractére à cette obéiffance fans bornes & à cette profonde humilité, qui font comme l'ame de la vie monaftique; mais il eft difficile que ces chofes ne fe développent pas dans l'efpace d'une année.

D'ailleurs toutes les Fêtes que l'Eglife, & chaque ordre en particulier célébrent, arrivent fucceffivement dans le cours d'une année. Chaque fête a fes cérémonies ou ses mortifications différentes. Il y a, dans la plupart des communautés, des jeûnes en certaines faifons. Il eft jufte que celui qui veut s'éprouver effaïe toutes les différentes fituations qu'il fera obligé de foutenir pendant le refte de fa vie, en cas qu'il s'engage.

D'un autre côté, le contrat qu'il fe difpofe à former doit être fynallagmatique entre la communauté à laquelle il fe deftine & lui. S'il s'engage envers l'ordre, l'ordre, comme nous le ferons voir dans la fuite, s'engage envers lui. Il eft donc jufte que les religieux qui doivent paffer le refte de leurs jours avec lui effaïent de leur côté s'il leur convient, s'il eft d'une humeur fociable, s'il n'est pas capable de les corrompre par fes mauvais exemples, de les pervertir par fes mauvais difcours, de troubler leur tranquillité par fes cabales & par fon ambition.

Le noviciat eft donc un tems pendant lequel celui qui se destine à la vie religieufe effaïe fi elle lui convient, & s'il eft en état de la foutenir; & pendant lequel les religieux examinent de leur côté s'ils pourront vivre en société avec celui qui veut s'aggréger parmi eux.

Comme un novice, quoiqu'il porte l'habit de l'ordre, n'a encore contracté aucun engagement, il conferve, quant à la vie civile, la même liberté que s'il étoit encore dans le monde.

Enfin, comme il pourroit arriver que l'on accordât trop précipitamment l'habit de novice, qui est le même que celui de l'ordre, & qu'un jeune homme qui n'auroit aucune vocation pour la vie religieufe la déshonorât par les fcandales que pourroit caufer fa vie licentieufe, il eft d'ufage d'examiner, & même d'éprouver ceux qui fe préfentent pour être admis au_noviciat.

Nous avons donc ici trois objets à confidérer. 1o. L'épreuve des poftulans avant d'être admis au noviciat. 2°. Le noviciat en lui-même & fa durée. 3°. L'état des novices relativement à la fociété. Chacun de ces trois objets nous fournira la matiere d'une divifion.

DIVISION I.

De l'épreuve des poftulans avant d'être admis au Noviciat.

Pour peu que l'on veuille faire attention aux caufes du relâchement de la difcipline monaftique, on comprendra facilement qu'une des principales eft la trop grande facilité avec laquelle on admet dans les monafteres ceux qui fe préfentent pour y être reçûs. On voit tous les jours quantité de gens qui n'ont aucune difpofition pour une vie fi fainte, qui font même remplis de l'efprit du monde & imbus de fes maximes, entrer dans les monafteres, corrompre les moines qui y font déja, énerver peu à peu & même détruire la difcipline.

C'eft pourquoi le premier foin des fondateurs & des légiflateurs d'ordre, a toujours été d'ordonner que l'on examinât fcrupuleufement ceux qui fe préfentoient pour être admis, fur leurs mœurs, fur leur vocation & fur leurs facultés de l'efprit & du corps. Saint Benoît, dans le chapitre 58, de fa régle, veut que l'on reçoive difficilement ceux qui fe préfentent pour être admis. Le pape Clement VIII. dans fes décrets pour la réception des novices, . 23, ordonne aux fupérieurs de s'informer de ceux qui fe préfentent, dans quel deffein, à quelle intention ils veulent embraffer la vie religieufe, fi c'eft pour fe corriger, pour mener une vie plus réguliére & plus auftére; ou s'ils ne font point conduits par quelqu'intérêt humain, ou par légèreté.

A l'égard de la façon & du tems dont cet examen fe doit faire, il y a eu de la variété, fuivant les différens inftituts & les différens fiécles. Saint Benoît veut que, fi celui qui fe préfente perfévere pendant quatre à cinq jours à demander d'être admis, malgré les difficultés qu'on lui fait naître & les injures qu'on lui fait effuïer, il foit admis,

Après cet examen, on lui donne à la vérité l'entrée dans le monaftere; mais on ne le met pas dans la chambre des novices; on le loge avec les hôtes pendant quelques jours.

C'eft-là comme une efpéce de fecond examen des poftulans. Saint Benoît ne prefcrit point ce qu'ils doivent faire pendant qu'ils font dans cet appartement des hôtes: mais d'autres régles fe font expliquées fur cette matiere.

L'auteur de la régle de Ternei dit qu'il doit y fervir les hôtes jufqu'à ce que fa patience ait prouvé fa vocation. Saint Fruc

tueux evêque de Prague, dans le feptiéme fiécle, preferit la même chofe dans fa régle, chapitre 21. Saint Ifidore, dans le chapitre 4 de fa régle, dit qu'il faut examiner, pendant trois mois, comment le poftulant fe comporte dans l'appartement des hôtes, & pendant qu'il les fert; afin de l'admettre au bout de ce tems dans la congrégation. Neque enim, dit-il, suscipi intùs quemquam convenit, nifi priùs foris pofitus ejus bumilitas, five patientia pro

betur.

Au refte, tous ces examens & toutes ces épreuves dépendent de la prudence & de la volonté des fupérieurs; & leur défaut n'emporte point la nullité des vœux; puifque ni les loix eccléfiaftiques, ni les loix civiles ne les exigent.

La foibleffe du fexe a fait prendre des mefures pour empêcher que les filles & les veuves ne fiffent profeffion par contrainte. Le fixiéme concile de Paris, tenu en 829, porte qu'on ne peut donner le voile aux veuves fans le confentement de l'évêque ; & le canon 42 de ce concile fe plaint de la légéreté des femmes qui prennent le voile d'elles-mêmes. Il veut qu'elles foient préalablement examinées par l'évêque. Concil. to. 7, col. 1625. Un capitulaire de Louis le Débonnaire, lib. 1, addit. 2, cap, 11, avoit ordonné la même chose.

Le concile de Trente, feff. 25, de Regular. cap. 17, défend de donner l'habit régulier à aucune fille avant l'âge de douze ans, & veut que cette cérémonie foit précédée d'un examen fait par l'évêque, ou par fon grand-vicaire, ou autre perfonne par eux commife; lequel examen doit être réitéré avant l'émiffion des vœux. Ils doivent rechercher avec foin dans cet examen quelle eft l'intention de la fille, fi elle n'a point été féduite, & fi elle connoît bien l'engagement qu'elle veut contracter. Si fa volonté eft contrainte, ou fi elle eft libre, & déterminée feulement par la piété; fi elle a les difpofitions néceffaires pour obferver la régle de l'ordre & du monaftere en particulier; fi celui dans lequel elle veut s'engager lui eft propre; fi elle eft en liberté de faire des vœux. Et afin que l'évêque foit inftruit du tems de la profeffion, la fupérieure du monaftere eft obligée de l'en avertir un mois avant, à peine de fufpenfe quand & fi long-tems que l'évêque le jugera à propos,

Les termes du concile de Trente, qui expriment les difpofitions dont nous venons de rendre compte, font répétés dans le concile d'Aix, tenu en 1581, & dans celui de Rouen, tenu en 1585.

Le

Le concile de Tours, tenu en 1583, veut que l'examen qui précéde la prise d'habit soit fait hors du monaftere, & que celui qui doit intervenir avant la profeffion foit fait dans l'intérieur du monaftere, ou dans l'églife extérieure, quand il y a des raifons qui empêchent qu'il ne fe faffe dans l'intérieur.

Il doit donc, fuivant la difcipline du concile de Trente & celle des conciles poftérieurs qui ont traité la même matiere, y avoir deux examens : mais c'est une question parmi les canoniftes de fçavoir s'ils font néceffaires tous les deux pour la validité de la profeffion.

Zipæus, in jur. nov. tit. de Regular. prétend que, fuivant la coutume de ces derniers tems, il est à la vérité plus louable de les faire subir, afin de fe conformer à la difcipline prescrite par les faints canons : mais qu'à la rigueur un feul fuffit.

Van-Efpen eft d'un fentiment contraire, & cite le concile de Cambrai, tit. 20, cap. 20.

Suivant l'article 34 du réglement général arrêté dans l'assemblée du Clergé de France en 1625, la fupérieure d'un monaftere, quoiqu'exempte, avant de donner l'habit de novice à une fille, ou de la recevoir à faire fes vœux, eft tenue d'en avertir l'évêque diocéfain, ou fon grand-vicaire, un mois ou environ auparavant, afin qu'elle foit examinée.

Il faut cependant convenir que l'usage eft de n'avertir l'évêque qu'une fois, & avant la profeffion; & que par conféquent il ne se fait qu'un feul examen. L'ordonnance de Blois, art. 28, porte que » les abbeffes, ou prieures, auparavant que faire » bailler aux filles les habits de profeffes, pour les recevoir à la » profeffion, feront tenues, un mois devant, avertir l'évêque, >> fon vicaire, ou fupérieur de l'ordre, pour s'enquérir par eux » & informer de la volonté defdites filles, & s'il y a eu con» trainte ou induction, & leur faire entendre la qualité du vœu >> auquel elles s'obligent. >>

Cet article femble, comme on voit, laiffer à la fupérieure le choix de faire avertir l'évêque diocéfain, ou le fupérieur de l'ordre mais il ne doit & ne peut être obfervé en ce point. En effet, comme le remarque Theveneau, en fon commentaire fur les ordonnances, livre I, titre 10, article 2, ce n'eft 1, pas l'intention du concile de Trente, duquel cette difpofition a été tirée. Il a laiffé les évêques, & non les fupérieurs de l'ordre, directeurs en cette partie, quoique les monafteres foient exempts de la jurisdiction épifcopale; ce qui eft fondé en raison.

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