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ciles particuliers, par les papes, par nos Rois, & par les cours fouveraines: une fimonie auffi honteufe que celle qui fe pratique à l'entrée des religieuses, devroit être bannie des monasteres. Cependant on voit encore tous les jours refufer d'admettre des filles, en qui on ne reconnoît d'autre défaut que celui de n'avoir pas affez de bien, pour faire profeffion de pauvreté dans

une abbaïe riche & bien rentée.

Au furplus, nous obferverons que la déclaration dont nous venons de rapporter les difpofitions n'eft pas fuivie à la rigueur au grand-confeil, à l'égard des religieufes d'ancienne fondation : on y juge qu'elles peuvent recevoir des fommes modiques pour la dot des religieufes qui s'y préfentent. Il y en a un arrêt du 8 Juillet 1713 pour l'ordre de Fontevrault.

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Du confentement de celui qui fait profession.

L'engagement que l'on contracte par les vœux en religion doit être abfolument libre. Celui qui confent de s'y foumettre facrific, une chofe dont il n'y a que Dieu & lui qui puiffent difpofer; c'eft la liberté naturelle. Il ne peut la perdre qu'autant qu'il y confent. La plus légere apparence de contrainte dans ce confentement lui conferve tous fes droits. Tous les canons, toutes les ordonnances du roïaume, la jurisprudence de tous les parlemens, & tous les auteurs ne refpirent que cette vérité, quand ils parlent de la profeffion religieufe. Des vœux ne font regardés comme vœux, qu'autant qu'on eft fûr que celui qui les prononce, ne s'y eft déterminé qu'après une mûre réflexion; & fans y avoir été contraint par aucunes menaces, ni par aucune

crainte.

De-là il fuit que, fi celui qui fait profeffion eft furieux ou infenfé, il n'eft pas obligé de tenir fon vou, s'il ne le ratifie lorfqu'il eft dans fon bon fens. La raifon eft qu'un homme en cet état ne peut pas être regardé comme libre; puisqu'il est incapable de réfléchir, & que la liberté n'eft autre chofe que la faculté de fe déterminer à une action plutôt qu'à une autre, après délibération fur le choix que l'on doit faire. Cap. ficut tenore, ex. de Regular. & tranf. ad relig. Réfléchit-on à seize ans ?

La crainte eft encore un obftacle à la liberté, & par conféquent un moïen de nullité contre la profeffion. Or, pour connoître

fi la crainte a pû rendre un vou nul, il faut confidérer quel est l'objet de cette crainte, la qualité de la perfonne menacée, fon âge, fon fexe, la foibleffe ou la force de fon efprit & de fon tempérament.

La crainte de la mort, de quelque traitement cruel, de la perte de l'honneur ou des biens, peut ébranler les perfonnes les plus conftantes; & par conféquent ne laiffe plus la liberté d'efprit néceffaire, pour délibérer tranquillement fur le choix entre la vie monaftique & la vie féculiere. Alexandre III. déclare nulle la profeffion d'une femme que fon mari avoit livrée à des fatellites, pour l'égorger au fond d'une forêt. Ces malheureux, touchés de fes larmes, confentirent à lui laiffer la vie, pourvû qu'elle s'enfevelit dans un monaftere. Après la mort de fon tyran, elle réclama avec fuccès. Cap. 1, ex. de his qua vi, metúfve caufà fiunt.

Au refte, il faut que le motif de crainte foit grave: on n'auroit pas égard à une crainte légere. Mais le dégré de la crainte doit fe mefurer fuivant l'âge, le fexe & le caractére de la perfonne. Il est bien plus facile d'épouvanter un enfant de feize ans qu'un homme formé, & qui a une certaine expérience des chofes de la vie. Une fille eft beaucoup plus timide qu'un garçon. Ce font donc les circonftances qui doivent décider, pluτότ que la chofe même. Si une mere répéte fouvent à fa fille qu'elle la deftine pour le cloître ; fi elle lui fait des reproches & des menaces parcequ'elle n'embraffe pas l'état religieux; si elle lui a donné des marques d'une indignation continuelle jufqu'à ce qu'elle entrât dans le monaftere; fi, dans le cours du noviciat, elle lui a fait fentir qu'elle la rendra malheureufe en cas qu'elle rentre dans le monde; il n'y a rien qu'une fille ne faffe pour éviter des combats continuels qu'elle eft obligée de foutenir contre fa mere; pour fe fouftraire à cette contrainte elle fedéterminé à faire des vœux fans la liberté néceffaire pour le choix d'un état, fur les obligations duquel on ne peut trop faire de réflexions, lors même qu'on l'embraffe par un pur fentiment de piété. Des menaces de cette nature ne feroient pas réputées faire autant d'impreffion fur l'efprit d'un garçon, qui eft cenfé avoir l'efprit plus fort, & plus de reffources pour en prévenir les effets.

On peut donc dire en général que le feul refpect paternel & une révérence domeftique ne feroient pas des caufes fuffifantes pour annuller des vœux, s'ils n'étoient accompagnés de la crainte

de mauvais traitemens, de reproches, de menaces, & de marques fenfibles d'une forte indignation. Alors la profeffion eft involontaire ; & c'est le cas d'appliquer la régle de droit, velle non creditur, qui obfequitur imperio patris, vel domini. L. 4, ff. de diverf. Regul. juris.

Il eft cependant vrai de dire que des prieres & des remontrances preffantes & continuelles, quoiqu'elles ne foient accompagnées d'aucun mauvais traitement, bleffent griévement la liberté qui doit toujours accompagner la profeffion en religion; parcequ'elles troublent la réflexion, & entraînent l'efprit du côté de la complaifance. Nous voïons même qu'une grande importunité & une follicitation preffante paffent pour une telle contrainte, que des fouverains même proteftent quelquefois qu'ils n'accordent que par force ce qu'on leur a demandé avec tant d'inftance: Plerumque ita in nonnullis caufis, inverecundâ petentium inhiatione conftringimur, ut etiam non concedenda tribuamus. L. 1, cod. de petit. bon. fublat. A plus forte raison un enfant en qui la nature a gravé des fentimens de refpect & de complaifance pour fon pere, qui d'ailleurs a tout à craindre de fa vengeance, s'il n'acquiefce pas à ce qu'il exige de lui; ne doit-il pas être regardé comme libre dans les actions qu'il fait en conféquence des demandes & des prieres d'une perfonne qui eft en droit de lui donner des ordres. Nos livres font pleins d'arrêts qui ont déclaré nuls des vœux faits fans liberté de la part de celui qui les prononçoit. Voïez Papon, livre I, titre 7, n. 1. Voïez auffi le fixiéme plaidoïer de le Maître.

SECTION IV.

Du confentement des pere & mere de celui qui fait profeffion.

Tout le monde fçait qu'un enfant ne peut pas fe marier avant vingt-cinq ans fans le confentement de fes pere & mere. Le refpect filial l'exige. D'ailleurs un jeune homme, aveuglé par la paffion, peut fe précipiter dans une méfalliance, foit relativement à la fortune, foit relativement à la naiffance. Ce font des malheurs qu'on ne peut prévenir avec trop de foin. Mais c'eft une question de fçavoir fi l'autorité paternelle, fi refpectable dans toute autre circonftance, conferve fes droits fur un enfant de seize ans qui veut fe jetter dans un couvent.

Nous avons vu plus haut, en parlant de l'âge requis pour

faire profeffion que les peres & meres pouvoient autrefois mettre leurs enfans en religion, fous prétexte de les offrir à Dieu, avant même qu'ils euffent atteint l'âge de puberté; & que cette deftination des parens obligeoit les enfans auffi ftrictement & auffi irrévocablement que s'ils s'y étoient voués avec une pleine liberté. Nous avons rapporté le quarante-huitiéme canon du quatriéme concile de Toléde, qui nous a été confervé par Gratien, qui cite enfuite plufieurs canons qui autorifent cette discipline : & il en tire cette conféquence que, paterna profeffio pueros tenet obligatos; nec licebit eis à propofito difcedere, quod paternâ devotione in puerilibus annis fufceperunt.

Le pape Celeftin III. par un décret daté de 1191 & rapporté in cap. 14, ex. de Regular. abrogea cet ufage, & voulut qu'un enfant, offert par fes parens dans fon bas âge, eût le pouvoir de quitter la vie monaftique, s'il le jugeoit à propos, étant parvenu à l'âge de puberté ou de difcrétion. Tunc liberum fibi erit eum (babitum monachalem) dimittere, & bona paterna, qua ipfi ex fucceffione proveniunt, poftulare.

La difcipline de nos jours eft conforme à une régle auffi fage & auffi jufte; en forte que la volonté des parens n'oblige point les enfans malgré eux. Mais la queftion eft de fçavoir fi la volonté de celui qui fait profeffion & celle de fes parens doivent concourir? Le droit canon n'exige que celle de l'enfant. Si verò in fortiori atate adolefcentula, vel adolefcens fervire Deo elegerit, non eft poteftas parentibus prohibendi. Cauf. 20, qu. 2, can. 2. Par ces mots fortior atas, il faut entendre ici l'âge qui eft au-deffus de celui où l'on commence à atteindre la puberté.

Nous n'avons point admis dans nos mœurs cette régle du droit canon indiftinctement. L'expérience a fait voir que les moines emploïent quelquefois toutes fortes d'artifices pour féduire les jeunes gens, & pour les faire entrer parmi eux. C'est pourquoi l'on a crû devoir prendre des mefures contre une pratique fi dangereufe au bien de la fociété, & fi pernicieuse au salut de ceux qui fe laiffent ainfi féduire.

Charlemagne, dans fes capitulaires, défend abfolument de recevoir les jeunes gens dans les couvents fans le confentement de leurs peres & meres. Ne pueri fine voluntate parentum tonfuren

vel puellæ velentur, modis omnibus inhibitum eft: & qui hoc facere tentaverit, mul&tam, qua in capitulis, legis mondana, à nobis conftitutis continetur, perfolvere cogatur. Lib. 1, cap. 101.

On trouve, dans les preuves des libertés de l'Eglfe Gallicane,

plufieurs arrêts qui ont rendu à leurs parens des enfans qui vouloient s'engager en religion fans leur confentement & parcequ'ils avoient été féduits par les religieux. Il y en a un, chap. 33, n. 25, qui ordonne que Honoré Seguiran fera rendu à fon oncle en habit féculier, par le gardien des Capucins, pour être enfuite remis entre les mains de fes pere & mere jufqu'à l'âge requis par l'ordonnance, avec défenses aux Capucins de le recevoir en leur couvent, & injonction cependant aux parens de ne pas le détourner, fi après cet âge il perfifte dans fa volonté. Cet arrêt eft du 24 Juillet i 583.

Il 1 y en a un autre, n. 28, du premier Août 1601, qui mérite d'être rapporté en entier : » Ce jour, la requête préfentée » à la cour par Jean Laurens procureur au bailliage & fiége » préfidial de Chartres, tendante afin que les religieux & prieur » du couvent des Feuillans fuffent contraints lui rendre & mettre » és mains Claude Laurens fon fils unique, âgé de dix-fept à dix» buit ans, naguéres écolier en l'univerfité de Paris, demeurant >> au collège du Pleffis, qu'ils ont retiré à fon defceu. Après » que l'un des notaires & fécrétaires de ladite cour s'eft, de > l'ordonnance d'icelle, tranfporté audit couvent des Feuillans, » & rapporté avoir parlé à frere Jean de faint Malachie pro» vincial de l'ordre de la congrégation defdits Feuillans, lui a » représenté ledit Claude Laurens fils, qu'il a amené avec lui, >> & eft venu accompagné de deux autres religieux; eux man» dés, ensemble ledit Laurens pere, & ouï ledit faint Malachie > provincial, qui a reconnu en la présence defdits Laurens pere » & fils, qu'ils ont retiré en leur couvent ledit Claude Laurens » fils, & lui ont fait prendre l'habit fans en parler, ne s'enque» rir de fa volonté & confentement; déclarant néanmoins qu'il » leur est indifférent qu'il forte, ou qu'il demeure dans leur cou» vent : ouï auffi Servin pour le procureur général du Roi » qui a dit que, fous prétexte de piété, les religieux violent les > commandemens de Dieu, par lefquels les enfans qui font fous » la puiffance de pere, lui doivent l'obéiffance, & que, par » plufieurs arrêts, conformes aux faints décrets, a été ordonné >> ce qu'ils requiérent à préfent, que le fils foit remis ès mains du » pere, pour y demeurer, & lui rendre ce que les enfans doi>> vent à leur pere, avec défenfes auxdits provincial & religieux » de le recevoir en leur couvent fans le confentement dudit pere; >> & outre que pareilles défenses feront faites à tous autres reli» gieux. Ladite cour, ouï le procureur général du Roi, enjoint

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