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Comme il n'y a point de vœu de pauvreté, il n'y a point de mort civile. Chaque membre jouït de fon revenu, & en difpofe comme le refte des citoïens. Il peut même aliéner, foit à titre onéreux, foit à titre gratuit. Il n'a les mains liées que vis-à-vis de la congrégation, en faveur de laquelle il ne peut difpofer de

rien.

Au reste cette congrégation eft du corps du clergé féculier; en forte que ceux qui en font membres peuvent pofféder des bénéfices féculiers. SECTION V.

Du Tiers-ordre de faint François.

Les prédications de faint François firent tant d'impreffion fur les efprits, que les maris vouloient quitter leurs femmes, & les femmes leurs maris, pour s'engager dans fon ordre. Il eut peur que ces profeffions multipliées ne fiffent ouvrir les yeux aux puiffances temporelles, qui n'auroient pas manqué de couper pié à une dévotion fi préjudiciable au bien de la fociété civile. Il prefcrivit à tous ces difciples zélés une régle qui', fans les retirer du monde où ils avoient contracté des engagemens, les mettoit à portée de vivre dans la piété. Mais ils ne vivoient qu'en communauté de prieres & de bonnes œuvres, continuant d'habiter chacun dans leurs maisons & avec leurs familles, fans que la régle à laquelle ils fe foumettoient apportât aucun changement à leur état, relativement à la fociété civile.

Saint François avoit diftingué ceux qui s'étoient attachés à lui en deux ordres. Le premier étoit compofé des Freres Mineurs ou Cordeliers, auxquels fe font joints ceux qui ont embraffé les nouvelles réformes, comme les Capucins & les Recollets. Le second ordre étoit compofé des Cordelieres, ou religieufes de fainte Claire. Ceux qui embrafferent la régle dont nous venons de parler, furent appellés du Tiers-ordre: mais ce n'étoit originairement qu'une congrégation féculiere de perfonnes de l'un & de l'autre fexe, comme on en voit encore aujourd'hui. Ce n'eft pas de ceux-là dont il eft ici queftion. Il eft conftant qu'ils ne peuvent être regardés comme morts civilement. Ils ne contractent aucun lien qui puiffe leur enlever la qualité de

citoïens.

Quelques-uns de ces freres & fœurs du Tiers-ordre, pour fe mettre en état d'obferver plus exactement & avec plus de faci

lité la régle qui leur étoit prefcrite, formerent des établiffemens & des communautés, & prirent le nom de frerés & de fœurs grifes du Tiers-ordre.

Il s'établit une jurifprudence différente à l'égard des religieux, & à l'égard des religieufes.

Quant aux religieufes, les auteurs les plus accrédités penfent qu'elles ne font point mortes civilement. parcequ'elles ne font point vœu de pauvreté perpétuelle. Le Preftre, centurie 1, chapitre 28, dit que cela a été ainfi jugé par trois arrêts, l'un du parlement de Toulouse du 20 Mars 1567, l'autre du parlement de Bordeaux du 23 Mai 1570, & le troifiéme du parlement de Paris, prononcé en robes rouges en 1578. Ces arrêts ont jugé, dit cet auteur, que le vœu des filles du Tiers-ordre de faint François n'eft pas proprement un vœu perpétuel de religion; mais plutôt une forme de dévotion, qui ne dure qu'autant qu'elles veulent refter dans la maison, & qui ne les empêche pas de fe marier, ni de venir à partage. Il cite à fe fujer Bartole, & la glofe fur plufieurs Clémentines.

Sur ce paffage de le Prêtre, il y a une note marginale, dans laquelle on rapporte deux arrêts conformes à ces principes : le premier du 30 Mars 1554, contre les Cordelieres de Mirebeau; & le fecond du 9 Juillet.

Le Brun, en fon traité des fucceffions, livre 1, chapitre 2, fection 2, eft auffi de cet avis. Ferriere, fur la coutume de Paris, article 337, fommaire unique, n. 26, & l'auteur de la Bibliothéque canonique, tome 1, page 364, s'en expliquent de même.

Il est vrai que Brodeau fur Louet, lettre C, fommaire 8, penfe autrement : mais il ne s'appuïe d'aucun arrêt. D'ailleurs il eft feul de fon parti: ainfi il y a lieu de croire qu'il ne doit pas être fuivi.

Il faut cependant obferver que cela ne peut avoir lieu que pour les fœurs grifes du Tiers-ordre feulement, & non pour quelques autres communautés de filles religieufes du même ordre, qui font des vœux folemnels, & qui par conféquent font mortes civilement. Telles font les Recollectines, ou Recolletes.

A l'égard des religieux du Tiers-ordre de faint François, ceuxmêmes des anciennes communautés dont nous venons de parler, il paroît qu'on les a toujours regardés comme morts civilement. On trouve une note fur la centurie I. de le Preftre, chapitre 28,

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où il eft parlé d'un arrêt du 24 Mai 1672, qui a jugé qu'un religieux du Tiers-ordre de faint François ne pouvoit, avant fa profeffion, se réserver aucune partie de fes biens, pour en jouïr à titre d'ufufruit & par forme d'alimens. D'où il fuit néceffairement qu'on les regarde comme morts civilement.

Ce Tiers-ordre a produit de nouveaux établissemens. Comme il s'étoit beaucoup relâché, un des religieux nommé Vincent Maffart, Parifien, entreprit d'y mettre la réforme vers l'an 1595. Le premier couvent de cette réforme fut bâti au village de Franconville, entre Paris & Pontoife; & le fecond au lieu appellé Piquepuz, entre Paris & Vincennes; d'où le vulgaire a nommé ces religieux Piquepuffes. Ils font fondés en bulles & en lettrespatentes leurs vœux font folemnels, & emportent par conféquent mort civile.

SECTION VI.

Des Hermites.

Par Hermite on entend en général un homme qui, rompant tous les liens de la nature & de la fociété, fe retire feul dans le fond d'un défert, pour ne s'occuper que de l'autre monde.

On en diftingue de deux fortes. Les uns vivent abfolument feuls, fans être en fociété ni en communauté avec perfonne & fans faire aucune espèce de vœux, ni par conféquent fans contracter aucun engagement. Lorfqu'ils ne font point dans les ordres facrés, on les met au rang des laïques & féculiers, ils font foumis en tout à la jurifdiction féculiere. Quand ils font engagés dans l'état eccléfiaftique, ils n'ont d'autre fupérieur que l'évêque diocéfain: mais ils font exactement dans le rang des autres citoïens, & capables de tous les effets de la vie civile, fans en excepter un feul. C'eft le fentiment unanime des auteurs qui ont eu occafion de parler de cette matiere. Il eft inutile de les citer. Il fuffit d'avertir le lecteur qu'il n'y en a aucun qui s'écarte de l'opinion générale.

On trouve cependant des arrêts qui ont jugé le contraire. L'auteur du journal des audiences, Brodeau fur Louet, lettre C, fomm. 8, & Bardet, tome 2, livre 2, chapitre 10, en rapportent deux rendus contre un nommé la Noue le 17 Février 1633. Dans l'efpéce de cet arrêt, Jérome de la Noue avoit porté l'habit d'Hermite pendant vingt-cinq ans, & le portoit encore lors du jugement. Il avoit demeuré pendant tout ce tems enfermé &

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reclus dans un hermitage qu'il avoit bâti fur le mont Valérien près de Paris, & y avoit admis d'autres Hermites avec lui. Il avoit changé fon nom de Baptême qui étoit Jérôme, pour prendre celui de frere Séraphin: en un mot, il avoit fait toutes les fonctions de la vie hérémitique ; quoiqu'il n'eût fait aucun vœu, ni aucune profeffion, qu'il ne fe fût foumis à aucune communauté réguliere, & qu'il fe fût même fait promouvoir à l'ordre de prêtrife par l'évêque diocéfain, fous le titre féculier de cent cinquante livres de rente, que fon pere lui avoit donnée en attendant fa fucceffion.

Après la mort de fes pere & mere, il demanda à être admis à partage avec fes freres & fœurs : par arrêt il fut mis hors de cour fur fa demande; & néanmoins fes freres & fœurs condamnés à lui païer quatre cens livres par an, fa vie durant.

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centurie 3,

On trouve dans les annotations fur le Preftre chapitre 28, un extrait du plaidoïer de M. Talon, qui porta la parole lors de cet arrêt. Il établit deux maximes certaines en France la premiere, que tout religieux eft incapable d'aucuns des effets civils, & fur-tout de fuccéder. La feconde, que ce n'eft ni le nom, ni l'habit, ni le tems qui font le religieux : on n'acquiert cette qualité que par des vœux folemnels, & par une profeffion autentique & rédigée par écrit. Il ajoûta que, généralement parlant, un Hermite ne faifant ni vœux ni profeffion, devoit être regardé comme capable de fuccéder : mais que, dans l'efpéce présente, il étoit étrange de voir un homme vivre en religieux pendant vingt-huit ans fans être religieux; qu'on ne fçavoit en quelle catégorie le mettre; qu'il étoit à craindre qu'il n'emploïât le bien qu'il demandoit à bâtir & fonder des hermitages, comme il en avoit déja bâti plufieurs.

De ces raifons, ce magiftrat conclut qu'il y avoit lieu de déclarer la Noue capable de fuccéder; mais de lui interdire l'administration de fon bien, ou de lui adjuger feulement une penfion fa vie durant; afin qu'en la caufe d'un folitaire on prononçât un arrêt folitaire, & qui ne pût tirer à conféquence.

Il fe pourvût au confeil, contre cet arrêt, par propofition d'erreur: & fur l'avis de meffieurs les maîtres des requêtes du 28 Juin 1634. il fut jugé qu'il n'y avoit point erreur.

Quelque tems après, il quitta l'habit d'Hermite, & demanda à être admis à partager la fucceffion d'un de fes freres. M. Talon, qui porta encore la parole, dit qu'il étoit question de fçavoir fi l'incapacité prononcée par l'arrêt de 1633, étoit inhérente à

707 l'habit ou à la perfonne de la Noue. Si elle étoit inhérente à l'habit, il devoit être admis au partage qu'il demandoit; puifqu'il ne portoit plus cet habit: mais fi fon incapacité étoit inhérente à fa perfonne, comme il n'y avoit pas lieu d'en douter vû les circonstances qui avoient déterminé la cour; il devoit être débouté de fa demande, & reftreint à la penfion qui lui avoit été adjugée. Par arrêt du 30 Juillet 1697. Il fut encore mis hors de cour fur fa demande. Bardet, tome 2, livre 6, chapitre 24. Ces arrêts, comme on le voit par les circonftances dans lefquelles ils ont été rendus, ne font point contraires au principe que nous avons établi : en forte qu'il eft toujours vrai de dire que ces fortes d'Hermites font capables des effets civils. Mais on leur interdit quelquefois l'ufage de cette capacité, fuivant l'occurrence des cas, fans la leur ôter.

Il y a une autre efpéce d'Hermites, qui vivent en commųnauté, qui fuivent une régle, & qui font des vœux folemnels entre les mains de l'évêque diocéfain, ou d'une perfonne commise par lui. Il eft certain que ceux-là font morts civilement.

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Des Oblats & des Freres laics, ou Freres convers.

Il paroît qu'il y a des auteurs qui confondent les Oblats avec les Freres convers. Il y a cependant une grande différence.

Le titre d'Oblat eft très-ancien dans les maisons religieufes. On donna ce nom à des perfonnes féculieres qui donnoient tout leur bien à des monafterès au service defquels ils fe confacroient pour le refte de leurs jours, fans cependant faire aucun vœu, ni aucune profeffion, & même fans quitter l'habit féculier; à la charge que les monafteres leur fourniroient pendant leur vie les chofes nécessaires à la nourriture & à l'entretien.

Les Rois se mirent dans l'usage de donner, à leur avénement à la couronne, une place d'Oblat dans chaque monaftere quiétoit de fondation roïale, ou qui étoit fous leur protection. On nommoit ces Oblats religieux lais. Ceux qui étoient ainfi nommés par le Roi ne donnoient rien au couvent, quoiqu'ils dûffent y être nourris & entretenus, comme ceux qui avoient fait des donations. On trouve dans la conférence des ordonnances de Guénois, livre 1, partie 2, titre 3, §. 14, plusieurs ordonnances & plufieurs arrêts fur cette matiere.

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