Imágenes de páginas
PDF
EPUB

Il y a, dit-il, dans le Hainault, & dans quelques provinces de l'Allemagne, des filles qu'on appelle chanoineffes féculieres, ou demoiselles: car, comme les chanoines féculiers ne font pas moines, elles ne veulent pas non plus qu'on les regarde comme des religieufes. Elles ne veulent recevoir parmi elles que des filles nobles, & préferent ainfi la nobleffe à la piété & aux bonnes mœurs. Elles font vêtues de pourpre, de fin lin, de peaux de couleur grife, & d'autres vêtemens mondains fuivant qu'il leur plaît. Leurs cheveux font entrelaffés, & leur tête ornée de coëffures précieuses. L'aumuffe dont elles fe fervent eft de la peau la plus fine & la plus précieuse. Elles demeurent dans des maifons particulieres, où elles font environnées d'un nombreux cortege de domestiques, compofé de clercs, de jeunes filles & de jeunes hommes. Leurs tables font fervies avec appareil & avec délicateffe, & elles y admettent leurs parens.

Il y a, continue le même auteur, dans la même église, des chanoines féculiers, qui, les jours de fête, font dans le chœur des chanoineffes, & du côté oppofé à celui qu'elles occupent, où ils chantent l'office avec elles.

Elles marchent en proceffion avec tous leurs ornemens: elles font toutes fur la même ligne, & les chanoines fur une autre.. Quelques-unes d'entr'elles, après avoir vécu du patrimoine de Jefus-Chrift pendant long-tems, quittent leur prébende & leur églife, pour le marier.

Nous voïons qu'elles vivent encore aujourd'hui à peu près comme elles vivoient du tems dont parlé cet auteur. Il y a beaucoup de ces chapitres où l'on n'admet que des filles de princes & de grands feigneurs. Il faut au moins qu'elles prouvent quatre quartiers, tant du côté du pere que du côté de la mere. Il y en a quelques-uns où l'on n'est pas auffi rigide à cet égard : mais il n'y en a point où l'on puiffe être admis fans être noble. Elles peuvent auffi fe marier quand elles le jugent à propos : mais elles perdent alors leur prébende. Cependant l'abbeffe & celles qui ont des offices ou des dignités dans le chapitre font obligées de conferver leur chasteté toute leur vie, à l'exemple fans doute des doïens & des autres dignitaires des chapitres d'hommes, qui, étant obligés de fe faire prêtres dans l'an de leur prise de poffeffion, s'interdisent le mariage.

Quant aux habillemens des chanoineffes : le matin, pendant leur office, elles font vêtues de blanc, & portent des aumuffes précieuses; & l'après-dîné, elles n'ont dans leur extérieur

aucune marque de diftinction. Elles font vêtues comme les filles de qualité qui vivent dans le monde, & qui ne tiennent en rien à l'état eccléfiaftique.

Elles avoient anciennement des prêtres pour leur adminiftrer les Sacremens, & pour faire dans leur église les cérémonies eccléfiaftiques qui font interdites au fexe. Ces prêtres vivoient auffi en commun, & étoient foumis à une régle: mais, quand les chanoineffes abandonnerent la vie réguliere, ces eccléfiaftiques s'érigerent auffi peu-à-peu en chanoines. C'eft pourquoi dans toutes ces églifes il y a toujours deux chapitres, l'un d'hommes & l'autre de femmes.

Les hommes célébrent la Meffe dans l'églife des femmes ; & ils ont en outre leur églife particuliere, dans laquelle ils font l'office divin: mais dans les jours folemnels ils célébrent cet office dans l'églife des chanoineffes, & en commun avec elles.

Quoique ces chanoines foient égaux en dignité aux chanoineffes, celles-ci néanmoins ne les regardent pas autrement que comme leurs chapelains, & les traitent en conféquence avec beaucoup de hauteur. Ce qui vient, felon toutes les apparences, de ce que ces chanoines font foumis à la jurisdiction de l'abbeffe.

Au fujet de la jurisdiction de l'abbeffe fur les chanoines & fur les chanoineffes, nous avons une décrétale du pape Honoré III. au chapitre Dilecta. ex. de majorit. & obed. qui prouve que les abbeffes peuvent interdire de leurs fonctions les clercs & les chanoineffes qui font foumis à leur jurifdiction. Ce pape écrivant à l'abbé du Mont-faint-Michel, au diocèse d'Avranches, lui dit: Quatenùs dictas canonicas & clericos, ut abbatissa præfata obedientiam reverentiam debitam impendentes, ejufque falubria monita obfervent ; monitione præmiffa, per cenfuras ecclefiafticas,appellatione remotâ compellat. Cette difcipline eft encore en vigueur dans prefque tous les chapitres de filles. L'abbeffe de Nivelle, par exemple, a prefque tous les honneurs de la prélature dans fon églife. Elle eft dame fpirituelle & temporelle de la ville & du territoire, qui ne laiffe pas d'avoir une certaine étendue.

Quoique ces chanoineffes ne foient plus regardées en aucune façon comme des religieufes, chaque chapitre eft néanmoins réputé corps eccléfiaftique. C'eft pourquoi leurs abbesses assistent aux conciles provinciaux. Celui de Cambrai tenu en 1565 eft foufcrit par l'abbeffe de Maubeuge, & par celle de Nivelle. La plupart de ces chapitres font cenfés être de fondation

roïale. C'est pourquoi ils font fous la protection immédiate des fouverains du païs dans lequel ils font établis. Ainfi les évêques n'y ont point droit de vifite; ce qui eft conforme à la difpofition du concile de Trente. qui, dans la feffion 22, cap. 8, de Reformat. après avoir déclaré que les évêques ont droit de vifite dans les hôpitaux, dans les communautés, même celles de laïques, ajoûte cette restriction : Non tamen quæ fub Regum immediatâ protectione funt, fine eorum licentiâ.

On voit affez par tous ces détails qu'il n'y a rien dans la condition des chanoineffes qui approche en aucune façon de la mort civile.

[blocks in formation]

De plufieurs Communautés tant d'hommes que de filles.

Il y a plufieurs autres communautés, tant d'hommes que do femmes, dont les membres ne contractent aucun engagement. Tels font les Peres de l'Oratoire, les Miramionnes, &c. Il y en a même plufieurs qui ne font fondées ni en bulles, ni en lettres patentes, comme la prétendue congrégation des Eudiftes, qui ont plufieurs maifons en Normandie, lefquelles ne fubfiftent qu'a l'abri des féminaires que les évêques ont bien voulu lear confier. Ils ont encore une petite maison à Paris au fauxbourg faint Marceau, où celui qu'ils nomment leur général fait fa réfidence. Mais, comme ils n'y ont point de féminaire, & que d'ailleurs ils n'ont point de lettres patentes, ils ne peuvent pofféder cette maison en commun. La propriété réfide fur la tête de leur prétendu général, auquel on a grand foin de faire faire quelque acte qui affure cette propriété après lui à quelque autre membre de la congrégation; en forte que cet établissement ne fubfifte à Paris que par une attention continuelle à frauder la loi.

Il en eft de même des filles que l'on nomme filles de la Providence. Ces deux établissemens & plufieurs autres ont paru fi peu utiles à l'état & à la religion, qu'ils n'ont jamais pû parvenir à fe faire reconnoître par le gouvernement politique. İls ont cependant des poffeffions qu'ils confervent par des détours continuels, fur lefquels ceux qui ont la manutention des loix ferment les yeux; on ne fçait trop pourquoi. Comme on ne contracte en entrant dans ces prétendues communautés aucune efpéce d'engagement, on n'encourt point la mort civile,

X xxx ij

En un mot, dans quelque communauté qu'un particulier s'engage, il ne perd la qualité de citoïen & les prérogatives qui y font attachées, qu'en prononçant des vœux qui l'engagent au corps dans lequel il eft admis, lorfque ce corps eft d'ailleurs légitimement établi dans le roïaume.

[ocr errors]

CHAPITRE II I.

De l'engagement contracté réciproquement entre le Profès & la Communauté dans laquelle il a fait profession.

C

fon

E chapitre nous préfente trois questions à examiner. La premiere confifte à sçavoir si un religieux peut quitter couvent pour fe ranger au nombre des féculiers. La feconde, s'îl peut paffer d'un ordre dans un autre. Et la troisième, si les fupérieurs & les religieux de l'ordre peuvent le renvoïer pour cause de mécontentement. Chacun de ces trois objets fera Ia matiere d'une fection.

[blocks in formation]

Si un Religieux peut abandonner son état pour rentrer dans le

monde.

Nous avons vû dans l'expofition des loix Romaines, que les moines pouvoient à Rome abandonner leurs monafteres & reprendre leurs fonctions civiles. On fe contentoit de leur infliger une punition, en les chargeant de quelques fonctions pénibles dans la fociété. La raifon eft que l'on ne connoiffoit point alors la folemnité des vœux, qui s'eft introduite parmi nous avec le lien qui en est une fuite.

Nous n'avons point adopté la jurifprudence Romaine à cet égard.

Les régles des ordres, les loix canoniques & les loix civiles, affez mal exécutées à cet égard, font de concert pour empêcher. les religieux de fortir hors du monaftere fans néceffité urgente, & fans permiffion par écrit des fupérieurs; avec injonction aux évêques de poursuivre, comme déferteurs de leur ordre, ceux qui feront trouvés fans être munis de ces permiffions, de les

faire emprisonner, & de les mulcter de peines ou amendes arbitraires : & ces jugemens doivent être exécutés nonobftant privileges, exemptions, appellations quelconques, & fans préju. dice d'icelles.

Ceux qui font envoïés dans les univerfités pour y faire leurs études ne peuvent loger ailleurs que dans des monafteres de la ville où eft l'univerfité, à peine d'être poursuivis extraordinairement par l'ordinaire.

A l'égard de ceux qui font obligés de fortir du monaftere où ils doivent faire leur réfidence, pour aller folliciter quelque procès, ou pour quelque affaire importante qui dure plus d'un mois; ils font tenus d'avoir une permiffion par écrit du fupérieur majeur, & de fe retirer dans une maifon de leur ordre, s'il y en a une dans la ville où ils ont affaire, ou dans une autre communauté religieufe. Ils doivent, pendant leur féjour en cette ville, porter un habit qui marque d'une maniere visible & apparente l'ordre dans lequel ils font engagés. Voïez la régle de faint Benoît, chapitres 66 & 67, le concile de Calcédoine, canon 4; le concile in Trullo, canon 46; celui de Trente, Seff. 25, de Regular. cap. 4; l'édit de 1616, art. 7, & deux arrêts rapportés dans les loix eccléfiaftiques, partie 3, chap. 12, article 1, aux notes fur la maxime 40.

A l'égard des religieufes, de quelque ordre & de quelque congrégation qu'elles foient, elles doivent garder une clôture ftricte & exacte, & ne peuvent fortir de l'enclos du monaftere fans une permiffion par écrit de l'évêque diocéfain & du fupérieur régulier, fi elles font en congrégation, à peine de cenfures eccléfiaftiques, même d'excommunication. Voïez le chap. Periculofo, de ftatu regular. in 6o. & le §. Quoniam, ibid; le concile de Trente, feff. 25, de regular. cap. 25, l'édit de 1695, article 19, & l'ordonnance de Blois, article 31.

La raison pour laquelle on oblige les religieufes à obferver une clôture auffi ftricte eft la fragilité & la foibleffe de leur fexe, qui expoferoit leur pudeur & leur chafteté à des affauts & à des périls continuels, fi elles avoient la liberté de fortir à leur gré.

S'il n'eft pas permis, fuivant les faints canons & fuivant les loix du roïaume, aux religieux & aux religieufes de s'abfenter de leurs couvens fans une permiffion expreffe des fupérieurs, ils ne peuvent pas, à plus forte raison, quitter la vie & l'habit religieux, & apoftafier. Dans les tems même où la mort civile

« AnteriorContinuar »