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n'étoit pas encore regardée comme une fuite de la profeffion en religion, cette apoftafie étoit punie. On nous a confervé les canons d'un concile tenu à. Verneuil en 844, qui s'exprime ainsi canon 4: Monachos, qui cupiditatis caufâ vagantur, & Sanita religionis propofitum impudenter infamant; ad fua loca jubemus reverti, & regulariter abbatum folertiâ recipi. Eis autem qui, poft evidentem profeffionem, monachicum etiam habitum reliquerunt, vel qui fuâ culpâ projiciuntur; nifi redire, & quod Deo fpoponderunt implere confentiant, boc credimus poffe remedio fubveniri, fi in ergastulis inclufi tamdiù à conventu hominum abftineantur, & pietatis intuitu convenientibus macerentur operibus, donec fanitatem correctionis admittant. Namque illi qui, quondam monachi, pofteà relictâ fingularitatis profeffione, ad militiam, vel ad nuptias devolvuntur, papa Leonis decreto, publica pœnitentia fatisfactione purgandi funt.

Suivant la jurifprudence des capitulaires, les moines apoftats ne pouvoient être admis ni à la communion, ni aux ordres eccléfiaftiques. Quicumque, poft fancta religionis professionem, apostatant, & ad faculum redeunt, & poftmodùm pœnitentiæ remedia non requirunt; communionem penitùs non accipiunt, quos etiam jubemus ad clericatus officium non admitti.

Le concile de Rouen tenu en 1581, tit. de monaft. §. 32, 33 34, ordonne aux fupérieurs des monafteres de faire la perquifition des moines apoftats, & d'implorer le fecours du bras féculier pour les faire rentrer dans les monafteres. Il défend aux curés & à tous autres eccléfiaftiques, de les admettre à la communion, quand ils les connoîtront pour tels, il faut leur interdire même l'entrée de l'églife, & de leur refufer la fépulture après

leur mort.

Le concile de Reims tenu en 1583, tit. de regular. & eorum monaft. §. 16, veut que les ordinaires & les fupérieurs réguliers implorent le bras féculier pour faire rentrer dans leurs féminaires les religieux & les religieufes qui ont apoftafié, pour y être punis; ut tamen, ajoûte ce canon, mifericordia fuperexultet judicium.

Le concile de Bourges tenu en 1584, tit. de monaft. & domib. religiofis, cap. 17, ordonne aux évêques, ou aux fupérieurs de procéder contre les moines apoftats par la voie de l'excommunication, & même par la voïe extraordinaire, s'il eft néceffaire. Celui d'Aix tenu en 1585, tit. de monaft. prefcrit la même chofe.

Le pape Boniface VIII. cap. ut periculofa. ne clerici aut monachi

fecularib. negot. fe immifceant, in 6o. déclare qu'un religieux qui quitte l'habit de l'ordre dans lequel il s'eft engagé par des vœux folemnels, encourt, par le feul fait, une excommunication majeure: & ce decret eft obfervé parmi nous.

Si un moine apoftat eft excommunié ipfo facto, à plus forte raifon devient-il irrégulier ; & lorfqu'il a reçu les ordres facrés après fon apoftafie, quoiqu'il fe foit depuis réconcilié avec fon abbé, il ne peut faire aucune fonction des ordres qui lui ont été conférés, s'il n'a obtenu une difpenfe du pape. Cap. Confultat. ex. de Apoftat.

A l'égard des loix civiles fur cette matiere, nous ne trouvons qu'un arrêt du parlement de Paris, rapporté dans les mémoires du Clergé, tome 4, titre 6, chapitre 3. Cet arrêt eft du 4 Juiller 1542. Le provincial des Cordeliers de la province de Bourgogne préfenta requête à la cour, pour implorer le fecours de fon autorité contre plufieurs religieux de fa province qui avoient quitté leur ordre, & même leur habit de religieux. Sur cette requête, & fur les conclufions de M. le procureur général, il fut ordonné que » ledit provincial auroit commiffion de la cour à tous juges » & officiers roïaux & à l'un d'eux adreffante, pour informer > contre tous les religieux non tenans couvent, étant vagabonds >> par le païs fans expreffe obédience, fréquentans & corniflans » avec féculiers fans forme de religion ; & les coupables & » malversans constitués prisonniers; pour, ce fait, les renvoïer » incontinent en leurs couvens où ils ont été profès, par devant » leurs gardiens & fupérieurs, pour en faire la correction & pu »nition, afin de les contraindre à vivre en observance régulieré, » & procéder contre eux ainfi que de raison; & afin que lefdits » freres & religieux dudit ordre, n'aïant fupport de perfonne. »plus facilement foient enclins eux retirer en leurs couvents » ordonne ladite cour défenfes être faites à toutes perfonnes, fur » telles peines qu'il appartiendra, de favorifer & héberger lef »dits religieux qui ainfi feront trouvés vagabonds, malverfans » & fcandaleux, qui n'auront congé, permiffion, obedience, » ou licence de leurfdits fupérieurs,»

Quoique cet arrêt n'ait pas été prononcé en forme de régle ment, il y a tout lieu de croire qu'il en doit fervir en pareille occafion, & pour tous les fugitifs & apoftats, de quelque ordre & de quelque communauté qu'ils foient.

Lorfque les fupérieurs négligent de réclamer & de poursuivre ces religieux, le miniftere public doit s'en faifir, pour les ren

voïer dans leurs couvens. Quelquefois le Roi interpofe fon au torité lui-même, & les fait arrêter en vertu de lettres de cachet. y en a des exemples.

Il

Il arrive de tems en tems que des religieux prennent la fuite pour se mettre à l'abri d'une perfécution injufte de la part de leurs fupérieurs. Les magiftrats doivent alors les prendre fous leur protection, les faire remettre dans leurs monafteres, & veiller à ce qu'ils ne foient ni perfécutés, ni maltraités injustement. On en a vû auffi des exemples.

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Si un Religieux peut paffer, ou être transféré d'un ordre dans un

autre.

Dans les premiers tems de l'établissement du monachat, tous les moines ne formoient en quelque forte qu'une feule congrégation, & vivoient fous le même inftitut; en forte que l'on paffoit plus facilement & plus fréquemment d'un couvent dans un autre, que cela n'arrive aujourd'hui. Aussi voïons-nous que la régle de faint Benoît contient un chapitre tout entier fur la façon dont on doit recevoir les moines étrangers. C'est le chap. 61, qui a pour titre : De monachis peregrinis, qualiter fufcipiantur.

C'eft lui cependant quia introduit l'ufage du vœu de stabilité, par lequel ceux qui font profeffion s'engagent à ne point quitter leur ordre pour paffer dans un autre : & l'on regarde aujourd'hui ce vœu comme implicitement compris dans toutes les profeffions de religieux; même pour les ordres dans lesquels on ne le prononce pas expreffément.

Il faut faire attention que ce vœu de ftabilité n'attache & ne lie pas ceux qui le prononcent à une feule maison. Il les attache à une congrégation toute entiere; de façon qu'ils font comme ambulans, puifque les fupérieurs peuvent les faire changer de maison quand ils le jugent à propos, pourvû qu'ils les envoïent dans un monaftere de la congrégation dans laquelle ils ont fait profeffion.

Il y a cependant certains ordres où l'on promet la ftabilité dans une maifon en laquelle on a fait profeffion, comme dans l'ordre de Cîtcaux, dans celui des Chartreux & dans quelques autres mais comme les profès font en même tems vœu d'obéiffance, le fupérieur, quoiqu'ils aïent en quelque forte épousé

:

cette

cette maison, peut les envoïer dans un autre monaftere, foit de leur confentement, foit pour les punir de quelques fautes. L'auteur des dernieres notes fur Fevret rapporte à ce fujet, livre 2, chapitre 3, n. 9, lettre (p) un ufage particulier aux Freres Mineurs conventuels de Provence. Ils époufent tellement les maifons dans lesquelles ils font profeffion, que les fupérieurs ne peuvent pas les en tirer fans leur confentement, où fans leur faire leur procès. Il affure que plufieurs arrêts du parlement de Provence ont déclaré abufives plufieurs obédiences données à des religieux, & contraires à cet ufage.

Malgré l'introduction du vœu de. stabilité qui attachoit les moines à une certaine régle, ils ne laifferent pas de continuer d'en user comme par le paffé, & non-feulement de changer de monaftere, mais de fe transférer d'un ordre dans un autre. Cela devint néanmoins plus rare, & ne fe pratiquoit que dans des cas urgens. Les peres regardoient ce paffage d'un ordre dans un autre comme une preuve certaine de légéreté, qu'ils condamnoient. Voïez faint Bernard dans fon livre de præcepto & dispens. cap. 16, & faint Anfelme dans fes épîtres, lib. I, ep. 29.

Ainfi, on a toujours regardé de mauvais œil le paffage d'un ordre dans un autre, & on n'a jamais approuvé qu'un moine qui avoit promis la stabilité, & qui s'étoit engagé folemnellement à fuivre une certaine régle, renonçât à fes engagemens, pour se faire incorporer dans une autre communauté.

Dans l'ufage on diftingue en général deux fortes de tranflations, l'une fimple & d'un ordre dans un autre, appellée in perpetuum, feu in fratrem; & l'autre appellée ad effectum beneficii. Nous allons les traiter féparément.

DISTINCTION I.

De la translation fimple, appellée ad perpetuum, ou in fratrem.

Ces tranflations ont pour objet, ou de paffer dans un ordre plus austere que celui qu'on quitte, ou dans un autre également auftére, ou enfin dans un plus relâché. Chacun de ces trois objets nous fournira la matiere d'un paragraphe. Nous y en ajoûterons un quatriéme, dans lequel nous examinerons qui a le pouvoir d'expédier les brefs de translation.

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§. I.

De la tranflation dans un ordre plus austére.

Comme le vœu de ftabilité, par lequel les religieux s'obligent à ne point quitter la congrégation dans laquelle ils s'engagent, n'a été introduit que dans la vue de prévenir la légéreté & l'inconstance naturelle, & non d'empêcher de tendre à une plus grande perfection; il fut toujours permis aux religieux de quitter le monaftere dans lequel ils s'étoient engagés, pour paffer dans un autre où la régle fût mieux obfervée, ou dont les ftatuts particuliers exigeaffent une plus grande régularité; & quand il étoit conftant que l'ordre dans lequel on paffoit étoit en effet plus auftére que celui qu'on quittoit: il à toujours fuffi de demander le confentement de l'abbé duquel on fe féparoit, fans être obligé d'attendre fa permiffion. C'est la difpofition textuelle de plufieurs canons, & le fentiment de prefque tous les canoniftes. Petita licentia à primo fuperiore fufficit, etfi non obtenta. Cap. licet 18, ex. de regular. & tranfeunt. ad rel. glof. in cap. Cum fingula 32. de præbend. in 6°. Rebuffe, de tranflat. monach. & Fagnan, part. 2, lib. 3, decretal. tit. de religiof.

Quoique la permiffion du fupérieur ne foit pas effentielle, ce dernier auteur prétend néanmoins que c'eft une nullité dans une tranflation, lors même qu'elle fe fait dans un ordre plus auftére; fi l'on a négligé de demander cette permiffion; & le fupérieur feroit même en ce cas dans le droit de réclamer fon religieux. La raison eft que ce fupérieur doit examiner fi ce n'eft pas par efprit de légéreté & d'inconftance que le religieux fait cette démarche, & en ce cas, lui faire les remontrances néceffaires; & même s'oppofer formellement à fon deffein, s'il y a des preuves que ce n'eft pas en effet l'efprit de pénitence qui le fait agir.

Quelques auteurs foutiennent au contraire qu'il ne fuffit pas à un religieux de demander la permiffion à fon fupérieur pour paffer dans un ordre plus auftére, & qu'il eft néceffaire de l'obtenir. Ils fe fondent fur deux arrêts du confeil d'état des 8 Janvier & 11 Septembre 1676, rapportés dans les mémoires du Clergé, tome 4, col. 1006 & fuiv. qui font défenfes aux religieux de paffer dans les païs étrangers, ni dans d'autres couvents du roïaume, fans le confentement de leur provincial,

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