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obtenir un bref de tranflation. Nous parlerons dans le paragraphe fuivant de ces fortes de brefs. Ils doivent être fulminés par l'official diocéfain, après une information juridique de la vérité des faits expofés dans la fupplique fur laquelle le bref a été

obtenu.

Lorfque la perfécution ne vient que de la part des fupérieurs du couvent dans lequel le religieux fait fa réfidence, & que l'ordre dont il eft membre eft en congrégation, il n'eft pas befoin en ce cas de recourir à l'autorité du pape. Il fuffit d'une obédience du provincial pour paffer dans un autre couvent du même ordre.

Mais fi la perfécution vient de la part des fupérirurs généraux, comme leur autorité s'étend fur tous les couvents de l'ordre, & que le religieux perfécuté fe trouveroit également expofé à leur vengeance dans quelque monaftere de l'ordre qu'il se retirât; c'eft alors qu'il doit implorer l'autorité du pape, qui le met à couvert de l'injuftice de fes fupérieurs en le faifant paffer dans un autre ordre, dont l'austérité soit à peu près égale à celle qui eft observée dans celui qu'il quitte.

Il y a plufieurs exemples de ces fortes de translations. Le grand-confeil, par arrêt du 9 Mai 1702, a autorifé celle du frere Germain Thevenin, de l'ordre des Cordeliers, dans celui de faint Auguftin. Cet arrêt eft rapporté dans le dictionnaire des arrêts, au mot Tranflation.

Au refte, comme le remarque Fagnan, in cap. dilecti 15 exà de renuntiat. ces motifs de tranflation font de nouvelle invention, & ne font pas fuffifans pour opérer une tranflation ad laxiorem

ordinem.

§. III.

De la tranflation d'un ordre plus austére dans un autre moins austére.

Le concile de Trente, feff. 25. cap. 19, de regular. défend en général à tout religieux de paffer dans un ordre moins auftére que celui dans lequel il a fait profeffion; fans même qu'il puiffe s'aider pour cet effet de quelque privilege que ce puiffe être. Nemo regularis, cujufcumque facultatis vigore. transferatur ad laxiorem religionem. Mais la congrégation des cardinaux préposés pour l'interprétation de ce concile a décidé, que ces tranflations peuvent avoir lieu en cas d'infirmité affez grande pour empêcher de fupporter l'austérité de la régle.

Les canoniftes difent que, pour être sûr de la légitimité de cette translation, il faut examiner s'il ne feroit pas plus convenable, pour , pour éviter le fcandale, de relâcher quelque chofe de la rigueur de la régle en faveur de celui que la foibleffe de fon tempérament empêche de la fupporter; & s'il ne résulte aucun inconvénient de cette complaifance, qu'on doit plutôt s'y prêter, que de fouffrir la translation.

Comme la défense de paffer dans un ordre plus doux est émanée d'un concile, & que d'ailleurs il s'agit de l'exécution d'un vœu folemnel, par lequel on s'eft obligé envers Dieu à vivre dans un certain dégré d'austérité; l'ufage a voulu que l'autorité des fupérieurs ordinaires ne fuffît pas pour opérer ces tranflations: il faut avoir recours à celle du pape, qui accorde un bref à cet effet : c'est ordinairement à la requête du général, ou du procureur de l'ordre, & du confentement des deux communautés ou congrégations, de celle que le religieux veut quitter, & de celle dans laquelle il veut entrer. Fagnan, in cap. dilecti 15, ex. de renunt. n. 18, attefte qu'il l'a vû pratiquer ainfi en plufieurs rencontres. D'où il fuit, dit-il, que les fupérieurs reconnoiffent eux-mêmes qu'ils n'ont pas le pouvoir d'accorder ces fortes de permiffions, puifqu'ils ont recours au faint fiége.

Ce bref eft adreffé à l'official diocéfain pour le fulminer, & la fulmination doit être précédée du rapport des médecins. L'official doit auffi au préalable entendre les fupérieurs des deux ordres.

Pour accorder ces brefs de tranflation, on demande en cour de Rome que l'infirmité foit telle qu'il y ait danger de mort pour le fuppliant; & ce n'eft point une chofe qui foit purement de ftile, comme quelques-uns le prétendent. Quand il eft queftion de ceffer d'obferver un vœu folemnellement fait à Dieu au pié de fes autels, les motifs qui y engagent ne fçauroient être trop férieux & trop forts. Comme il dépend de la volonté du pape de refufer ou d'accorder ces fortes de refcrits, qui font par conféquent purement de grace; toutes les claufes qu'il y infére font de droit étroit, & lient abfolument ceux qu'elles concernent; parceque fa fainteté aïant bien voulu accorder la grace, & ne l'aïant fait que fous telle condition, l'inexécution de la condition annulle la grace qui n'étoit fondée que fur tel ou tel motif. In litteris gratia, dit Louet fur la régle de infirmis refignant. n. 195, tale decretum ligat ignorantes... Totum enim negotium, tota gratia pendet omninò ex purâ & merâ liberalitate concedentis, ex ejus voluntate

&intentione. Il ne fuffit donc pas de prouver dans ces cas, que le pape a le pouvoir de faire une chofe; on ne lui contefte pas ce pouvoir: il eft question de fçavoir s'il l'a réellement faite. Dato quòd papa poffit, nifi id nominatim exprimat, non debet cenferi id votuiffe, dit Dumoulin fur la même régle, de infirm. refign. n. 138. Lors donc que, dans la fupplique, on n'expofe pas toutes les circonftances effentielles, & capables de déterminer le pape, ou quand on en ajoûte qui ne font pas vraïes, le bref accordé fur une telle fupplique eft obreptice, & par conféquent nul; parceque, comme le pape étoit le maître d'accorder ou de refuser; s'il a éte trompé dans l'expofition des faits, l'erreur dans laquelle on l'a induit ne lui a pas laiffé la liberté du confentement: ainfi il est présumé n'avoir point confenti. Si cependant on obmettoit un fait qui pût se suppléer aifément par ce qui a été exprimé, & qui d'ailleurs ne fût pas effentiel, il n'y auroit pas fubreption.

On rapporte dans le recueil de jurifprudence canonique, donné depuis peu au public, fur les mémoires de feu M. Fuet un arrêt du parlement de Paris du 16 Décembre 1734, qui prouve que les claufes inférées dans les brefs de tranflation doivent être exécutées à la lettre. En voici l'efpéce. Le frere Gentil après avoir fait profeffion chez les Cordeliers en 1711, s'être fait prêtre, & être devenu prédicateur, s'évada & alla à Rome en 1726 pour fe faire transférer. Pendant fon abfence, ses fupérieurs firent faire perquifition de fa perfonne, & le déclarerent apoftat par une fentence. Il revint en France, & fe retira dans le couvent des Recollets de Melun. Il obtint une place de bénévole du prieur de l'abbaïe de laPeliffe, ancien ordre de faint Benoît. Il fe fit délivrer une atteftation d'un médecin de Melun & de deux médecins de Paris qui ne l'avoient jamais vû, portant qu'il étoit fujet à des hémorragies qui le mettoient hors d'état d'obferver la régle de faint François. Sur ces attestations, il obtint un bref de tranflation dans l'ancien ordre de faint Benoît, adreffé à l'official du Mans. avec la claufe de confenfu fuperiorum utriufque monafterii. Le provincial des Cordeliers, qui avoit donné fon confentement par écrit, dans lequel il avoit déclaré que le religieux étoit fugitif depuis trois ans, fut affigné pour voir enteriner ce bref. Il y forma oppofition, & refta enfuite dans le filence & dans l'inaction. L'abbé de Pontac, abbé de la Peliffe, intervint dans la conteftation, & foutint que le prieur clauftral n'avoit pas le droit de donner des bénévoles. L'official du Mans,

après avoir interrogé le frere Gentil, le débouta de l'entérine ment de fon bref, & ordonna que l'abbé de Pontac & le prieur clauftral se pourvoiroient devant les juges qui pouvoient connoître de leur conteftation. Cette fentence fut infirmée par l'official métropolitain de Tours, qui entérina le bref de tranflation, & fur le furplus, ordonna que la fentence de l'official du Mans fortiroit effet.

L'abbé de Pontac interjetta appel comme d'abus, & propofa pour moïens d'abus. 1°. Que le frere Gentil étoit déclaré fugitif & apoftat. 2°. Qu'il n'avoit pas le confentement des fupérieurs des deux ordres, aux termes de fon bref de tranflation, puifque le fupérieur des Cordeliers, qui avoit donné le fien d'abord avec une note contre le frere Gentil, l'avoit rétracté, & que l'abbé de Pontac, fupérieur du monaftere dans lequel se devoit faire la translation, refusoit le fien. 3°. Que l'obfervance réguliere n'étoit pas en vigueur dans l'abbaïe de la Peliffe, n'y aïant que trois religieux, dont aucun ne réfidoit.

L'arrêt dit qu'il y avoit abus dans la fulmination de bref par l'official métropolitain de Tours; & il fut enjoint au religieux de fe retirer dans un mois chez les Cordeliers.

L'auteur qui rapporte cet arrêt obferve qu'il n'a pas eu pour motif le défaut d'obfervance dans l'abbaïe de la Peliffe, parceque tres faciunt capitulum; & que, comme l'établit M. le Nain avocat général lors d'un arrêt du 7 Juillet 1707, rapporté au journal des audiences, la préfomption eft que la discipline réguliere eft en vigueur dans un couvent, s'il n'y a preuves au

contraire.

Ce n'eft pas non plus la prétendue apoftafie de frere Gentil qui fert de prétexte à cet arrêt; parceque, comme l'établit ensore M. le Ñain, dans le plaidoïer dont nous venons de parler, les procédures faites par les fupérieurs réguliers pour la correction dans l'intérieur, n'étant point affujetties aux formalités de l'ordonnance, ne font aucune foi en juftice.

Le motif ne pouvoit donc être que le défaut de confentement des fupérieurs, dont la clause étoit expreffe dans le bref.

On pourroit encore dire qu'il y avoit défaut de cause légitime, puifqu'on alléguoit que les deux médecins de Paris n'avoient jamais vû le frere Gentil: mais, outre que ce fait n'étoit point prouvé, on va voir par l'arrêt que nous allons rapporter d'après le même auteur, que la connoiffance de la fuffifance d'infirmité, pour donner lieu à la tranflation in mitiorem, appartient au feul

juge

juge d'Eglife: par conféquent il ne pouvoit pas y avoir abus à cet égard dans la fentence.

Dom Carpentier, religieux de l'abbaïe de faint Germain des Prez à Paris, avoit obtenu en cour de Rome un bref de translation dans l'ancienne obfervance, pour caufe d'infirmité. Le supérieur général de la congrégation de faint Maur & les religieux & prieur de l'abbaïe de faint Germain avoient interjetté appel comme d'abus, tant de l'exécution de ce bref, que de la fentence de l'official de Paris qui avoit ordonné qu'il feroit paffé outre à fa fulmination.

M. Joly de Fleury, lors avocat général au grand-confeil, où cet appel comme d'abus avoit été porté, & depuis avocat général au parlement de Paris, obferva que dans les tranflations pour infirmités, le fujet doit appeller les fupérieurs réguliers pour la fulmination du bref: mais que leur confentement n'est pas néceffaire, & que nous ne fuivons point à cet égard le concile de Trente, cap. 19, de regular. ni le chapitre 7, ex. de regular. & tranfeunt. ad relig.

Bien des canoniftes trouveront la décifion de ce magiftrat trop générale; & nous ne croïons pas qu'elle dût s'appliquer au cas où le bref en contiendroit une claufe expreffe. Nous en avons expliqué les raifons plus haut.

Il remarqua que l'arrêt du confeil d'état du 11 Septembre 1676, dont nous avons déja parlé, n'a point été revêtu de lettres patentes regiftrées; & que d'ailleurs il n'a eu pour objet que de réformer l'abus dans lequel étoient les mendians de fe faire transférer dans des ordres où l'on pût pofféder des bénéfices fur la fimple approbation de leurs généraux, qui réfident hors du roïaume.

Il dit que le bref de Clement X. du 19 Septembre 1672, & celui d'Innocent XI. du 17 Août 1683, & les lettres patentes du 21 Septembre de la même année, regiftrées au grand-confeil, portant défenses aux religieux de faint Maur de paffer dans des ordres plus auftéres fans le confentement des fupérieurs, n'ont point d'application aux tranflations pour infirmités, leur point de vûe n'étant que d'empêcher les translations trop fréquentes dans l'abbaïe de la Trappe.

Il ajoûta que les infirmités font une caufe canonique de tranflations; que la question de fait, fi l'infirmité eft fuffifante pour opérer la tranflation, eft purement de la compétence du juge d'Eglife; qu'il faut diftinguer le fond d'avec la caufe de l'abus;

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