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que

que

les tribunaux civils, juges de l'abus, ne peuvent connoître des contraventions aux canons, aux loix du roïaume, & des défauts de formalité : mais que par rapport au fond, c'est un objet qui n'est pas du reffort du juge féculier, & qui ne peut faire la matiere d'un appel comme d'abus, mais feulement d'un appel fimple.

Par arrêt du 14 Février 1741, il fut dit n'y avoir abus, fans approbation des claufes infolites & inufitées contenues dans le bref.

Dans la thése générale, tout religieux qui paffe d'un ordre dans un autre, demeure toujours engagé à l'obfervance des trois vœux qui font communs à tous les ordres; fçavoir ceux de pauvreté, d'obéiffance & de chafteté. Il n'eft donc question que du plus ou du moins d'austérité, du plus ou du moins d'exactitude dans l'obfervance des pratiques particulieres de la régle. Mais il y a des ordres dans lefquels on fait des vœux particuliers, & qui ne font point en ufage dans les autres ordres : or on demande fi un religieux qui a fait profeffion dans un tel ordre peut être transféré dans une communauté où il ne peut mettre ce vœu en pratique ? Par exemple, les religieux de l'ordre de faint Jean de Dieu ou de la Charité, font à leur profeffion un vœu folemnel de fervir les pauvres malades. Ce vœu eft particulier à ces religieux, & approuvé par le pape Paul V, forfqu'il érigea en congrégation cette communauté, qui n'étoit d'abord qu'une affemblée de féculiers.

Cette question fe préfenta au parlement de Paris en 1707; au fujet d'un bref de tranflation dans l'ordre de faint Benoît obtenu par le frere Baritel, de la Charité. Ce bref étoit revêtu de lettres patentes, qui dérogeoient aux ftatuts de l'ordre homologués au parlement. Le vicaire général des Freres de la Charité forma oppofition à l'enregistrement de ces lettres patentes, & interjetta appel comme d'abus de l'exécution du bref de tranflation, fous prétexte du vœu d'hofpitalité qui leur eft propre, & qui ne peut s'exécuter dans aucune autre communauté religieufe, que dans celles de leur ordre. Par arrêt du 7 Juillet de la même année, la grand'chambre jugea qu'il n'y avoit point d'abus; parceque le Roi & le Pape avoient dérogé d'un commun accord aux ftatuts de l'ordre, à caufe des infirmités du frere Baritel. Or, comme ces ftatuts tirent toute leur force de l'autorité de ces deux puiffances, quand elles fe réuniffent y déroger, il ne peut y avoir abus. Cet arrêt eft rapporté par

pour

Augeard, dans fon recueil d'arrêts notables, & dans le journal des audiences. Nous aurons bientôt occafion d'en faire encore mention.

§. IV.

Par qui les Brefs de tranflation doivent être expédiés pour avoir

leur exécution en France?

Lorfque les exemptions fe furent multipliées au point qu'il ne fe trouvoit prefque plus de couvent qui ne fût exempt de la jurifdiction de l'ordinaire, & que les moines fe furent mis dans l'usage d'adminiftrer les Sacremens; on vit s'élever quantité de conteftations, foit entre les religieux d'un même couvent, foit entre ceux de différens ordres, foit entre les religieux, les évêques, ou les curés, ou les chapitres, ou d'autres clercs féculiers. Le pape, qui s'étoit attribué la connoiffance de toutes les conteftations où les couvents étoient intéreffés, fe trouva furchargé; ce qui détermina Sixte V. à ériger une congrégation de cardinaux pour vuider ces différends. Il nomma cette congrégation, Congregatio fuper negotiis regularium. On l'appelle ordinairement la congrégation des réguliers; & il la réunit à une autre qui existoit déja sous le nom de congrégation pour les affaires des évêques, fuper negotiis epifcoporum.

Dans toute l'Italie, il ne fe peut faire aucune translation de religieux, même dans un ordre plus auftére, fans le confentement de cette congrégation, qui, avant que de le donner, entend le fupérieur de l'ordre qu'on veut quitter, & indique enfuite, par un bref, les ordres dans lefquels elle veut qu'on passe.

par

Les refcrits de cette congrégation ne font point reconnus en France, & n'y ont aucune autorité. Ainfi jugé par arrêt du lement de Paris, rendu fur les conclufions de M. l'avocat général Talon le 3 Juillet 1642, rapporté au journal des audiences. Nous aurons occafion de parler de cet arrêt au livre 3 de cette partie.

La raifon qui empêche d'admettre ces fortes de refcrits en France eft qu'il n'y a que le pape lui-même qui puiffe, en conféquence de fa qualité de fouverain pontife, accorder les difpenfes réfervées au faint fiége. Le droit de difpenfer appartient, après lui, aux archevêques & évêques, qui font les ordinaires des lieux. C'est une partie de leur jurifdiction, dans laquelle faint Louis voulut qu'ils fuffent confervés pas la pragmatique Aaaaa ij

intitulée de fon nom, conformément à la difpofition des anciens

canons.

Il y a encore à Rome un autre tribunal que l'on nomme la pénitencerie, qui délivre auffi des brefs de translation. Nous allons en donner une idée en peu de mots, & faire voir quelle eft l'autorité de ce tribunal en France.

Comme chaque évêque a dans fon diocèfe un grand pénitencier auquel on a recours, comme à l'évêque lui-même, pour l'abfolution des cas réfervés, & que les confeffeurs ordinaires doivent confulter dans les cas douteux & embarraffans; le pape, évêque de Rome, a toujours le fien pour fon diocèse.

Lorfque les papes fe furent attribué privativement le pouvoir d'abfoudre de certains crimes, de relever de certaines cenfures, & de difpenfer des vœux, des irrégularités & des empêchemens canoniques; ces réferves mirent les fidéles dans le cas de recou rir fouvent au faint fiége; ce qui furchargea tellement le pape, qu'il fut contraint de fe débarraffer de ce foin & de le confier à fon pénitencier. Enfin les affaires fe multiplierent au point qu'il fallut lui donner, pour le foulager, d'autres officiers qui ne font qu'un feul & même corps avec lui, & qui compofent une espéce de tribunal qui fe nomme la pénitencerie.

Originairement ce tribunal remettoit tant au for extérieur qu'au for intérieur, en forte que la plupart des affaires qui s'expédient à la daterie & au fécrétariat s'expédioient à la pénitencerie. Pie IV. & Pie V. ont apporté beaucoup de changemens dans ce tribunal, & lui ont ôté beaucoup de fonctions.

Les lettres qui en émanent font toujours au nom du grand pénitencier, ou de la pénitencerie; & elles déléguent ordinairement, in partibus, quelqu'un auquel elles donnent pouvoir d'accorder la difpenfe qu'on demande.

La pénitencerie s'eft confervée dans l'ufage d'accorder des brefs de tranflation dans un ordre plus relâché, pour raifon d'infirmités. Ils font reçûs en Italie, en Efpagne & en Flandres: mais on n'y a aucun égard dans tous les païs foumis à la domination du roi de France, tant par rapport à la forme dans laquelle ils font expédiés, que par rapport à l'autorité intrinséque de ce tribunal, dont le pouvoir ne paffe point le for intérieur, aux termes même des bulles de Pie IV. & de Pie V. Quant à la forme, nous ne connoiffons, pour le fpirituel, d'autre fupérieur au-deffus des évêques, que le pape : & le grandpénitencier de Rome parle, dans ces brefs, comme s'il l'étoit

que

les brefs qui

lui-même. En un mot, on n'admet en France viennent de la daterie dont il faut fçavoir l'origine & les opé

rations.

L'office de dataire, tel qu'il eft établi aujourd'hui à Rome n'eft pas ancien. Les papes ne fe regardoient autrefois que comme les premiers évêques du monde chrétien, & n'empiétoient point fur le gouvernement des diocèfes des autres évêques leurs confreres; en forte que l'on ne connoiffoit point les affaires qui occupent aujourd'hui cet officier: telles font les collations des bénéfices réfervés, les penfions fur ces bénéfices. Quant aux difpenfes pour le mariage, & aux autres difpenfes fur la naiffance, fur les irrégularités, fur la bigamie, fur l'âge & autres femblables; on avoit recours à l'évêque diocéfain, qui jouïffoit des pouvoirs attachés à fa dignité dans toute leur étendue. On ne demandoit point à Rome des confentemens pour l'aliénation des biens eccléfiaftiques, & autres chofes femblables, qui font toutes modernes & oppofées à l'ancienne discipline del'Eglife. Toutes ces chofes ne furent introduites que vers le quatorziéme fiécle; & les provisions que l'on fe mit à expédier à ce fujet, ne s'expédioient point en plein confiftoire, mais en particulier, fur des requêtes, ou fur des fuppliques que le pape fignoit de fa main.

La grande multiplicité des affaires ne permettant pas au pape de fe fouvenir de toutes les graces qu'il avoit accordées, il arrivoit souvent qu'il donnoit le même bénéfice à plufieurs perfonnes à la fois; ce qui occafionnoit une infinité de querelles & de procès au fujet de l'antériorité du tems de la grace accordée, dont il eft effentiel que la date foit conftatée; parceque celui qui l'a obtenue le premier doit être préféré à ceux qui ne viennent qu'après lui.

Pour prévenir les inconvéniens qui naiffoient d'un pareil défordre, le pape prit une efpéce de fecrétaire, auquel il confia le foin de ces fuppliques, & qui y mettoit la date après que le pape avoit figné; en forte qu'on pût fçavoir pofitivement quelles étoient les dates antérieures, quelles étoient les poftérieures ; & en même tems pour affurer une chofe qui n'eft pas moins effentielle : c'eft de fçavoir fi la grace pouvoit être accordée dans le tems où elle avoit été demandée, parcequ'on étoit dans l'ufage de requerir des bénéfices qui n'étoient pas encore vacans, mais qu'on prévoïoit devoir l'être bientôt.

Cet officier, continuellement occupé des matieres bénéficia

les, devoit y être très-verfé; c'eft pourquoi on le chargea auffi dufoin d'examiner fi la vacance arrivoit dans un tems de réserve; quelle eft la forme dans laquelle les provifions doivent être expédiées ; & fi ceux qui préfentent des fuppliques ont les qualités requifes pour pofléder des bénéfices.

Ainfi ce n'eft point cet officier qui accorde les graces; c'est le pape feul qui les accorde, & qui les figne fur fon rapport. Le dataire ne fait d'autre fonction extérieure que celle d'y appofer la date. C'est pourquoi l'on ne fait en France nulle difficulté de recevoir les brefs qui font expédiés à la daterie; parcequ'ils émanent du pape lui-même.

On a joint à ce dataire plufieurs autres officiers qui ont différentes fonctions, mais qu'il feroit hors de place de détailler ici. Au refte nous avons plufieurs arrêts qui ont déclaré abufifs des brefs de tranflation, parcequ'ils n'avoient pas été expédiés dans la daterie. Pelletier, dans fon inftruction, chapitre 31, en rapporte deux, l'un du grand-confeil du 3 Juin 1680, & un autre du parlement de Paris du 2 Août de la même année. Il y en a un autre du même parlement du 7 Août 1693, rendu fur les conclufions de M. Dagueffeau, lors avocat général, ensuite procureur général, & qui eft mort chancelier de France,

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Enfin, on en trouve un dans le journal des audiences du Juillet 1707, rendu fur les conclufions de M. le Nain. C'est le même que celui dont nous avons parlé plus haut d'après Augeard, qui fut rendu en faveur d'un frere de la Charité. Dans l'efpéce de cet arrêt, ce religieux s'étoit fait d'abord délivrer un bref de tranflation à la pénitencerie, & avoit en conféquence fait fon noviciat dans l'ordre de faint Benoît. Ce bref & le noviciat dont il avoit été fuivi furent déclarés abufifs mais il y avoit une circonftance particuliere; c'est que le frere Baritel avoit depuis obtenu un bref de la daterie qui confirmoit celui de la pénitencerie : & l'on jugea que ce dernier n'étoit point abufif & devoit avoir fon effet.

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M. l'avocat général obferva à ce fujet que ce dernier bref ne donnant rien que ce qui avoit été donné par le premier, il fembloit qu'ils devoient être l'un & l'autre également abufifs fuivant la maxime: Qui confirmat nibil dat : mais il ajoûta qu'il falloit faire cette diftinction, que quand l'acte confirmatif ne porte qu'une fimple ratification du premier acte fans aucune autre chofe, il eft abfolument relatif au premier, & par conféquent, il ne donne que ce que le premier a donné. Si done

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