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le premier a un vice qui lui ôte tout fon effet, le fecond ne peut fe garantir du même vice. Mais lorfque le fecond acte confirme non-feulement le premier, mais tout ce qui y étoit contenu, c'est un nouvel acte, c'eft une nouvelle grace accordée. Il n'est pas jufte, parcequ'on s'étoit adreffé d'abord à celui qui n'avoit pas d'autorité, que cette fauffe démarche puiffe vicier l'acte émané dans la fuite de celui dont nous reconnoiffons le pouvoir en France. C'eft la doctrine de Dumoulin fur l'article 5 de l'ancienne coutume de Paris, qui eft l'article 8 de la nouvelle, n. 87 & fuivant.

DISTINCTION I I.

De la tranflation ad effectum beneficii.

Nous examinerons dans le chapitre fuivant, comment les religieux peuvent pofféder des bénéfices, & quels bénéfices ils peuvent pofféder. Il nous fuffira d'obferver ici qu'il y a des bénéfices dépendans d'un ordre entier, & qui ne peuvent être poffédés par d'autres que par des religieux de cet ordre, à moins qu'ils ne foient en commende. Il y en a d'autres qui font affectés aux religieux qui ont fait profeffion dans un tel monaftere. Quoiqu'un bénéfice foit affecté à un ordre tout entier, il ne laiffe pas de dépendre toujours d'un feul monaftere de cet ordre. Or la queftion confifte à fçavoir fi dans le cas où il eft conféré à un religieux d'un autre couvent que celui duquel dépend le bénéfice, il est befoin d'une tranflation expreffe.

Si l'on confulte le texte du droit canon, il eft conftant qu'il faut une tranflation émanée du pape même. Boniface VIII. Cap. cum fingula 32, §. prohibemus, de præbend. in 6. le prefcrit en termes formels, & veut, en cas de contravention à fon decret de la part du collateur, qu'il foit privé, pour cette fois, de fon droit, qui eft dévolu à l'évêque diocéfain, fi le monastere n'eft point exempt, & au pape s'il eft exempt.

Louet, fur la régle de infirmis refignant. n. 432, foutient que cette constitution eft & doit être obfervée en France; parceque la collation des bénéfices faisant partie des fruits de l'abbaïe ils font dûs aux moines du monaftere. C'eft leur légitime, & il feroit injufte que le pere de famille donnât à des étrangers au préjudice de fes propres enfans. Rébuffe, dans fa pratique des bénéfices, tit. de difpenfat. cum regular. factâ, n. 2 & 3, eft auffi du même avis.

Brodeau fur Louet, lettre P, n. 43, in fine, dit que les translations ne font point ad effectum, ni du ftile de chancellerie romaine, étant certain qu'un religieux, qui eft comme adopté par le monaftere où il a fait profeffion, y doit, en conféquence de fon vau, l'obédience & la réfidence continuelle; en forte qu'il n'eft point capable de tenir un bénéfice dépendant d'un autre monaftere, quoique de même ordre, qui l'obligeroit à le deffervir & y réfider, qui le foumettroit à une autre obédience; à moins qu'il ne foit transféré. Cet auteur ajoûte même que le fupérieur le peut contraindre, & à cette fin le pourfuivre, non pardevant le juge laïc, mais pardevant le juge d'églife; & que le bénéfice doit être déclaré vacant & impétrable. Il fonde fon fentiment fur l'autorité de deux arrêts, l'un du 7 Juin 1622, & l'autre du 30 Juin 1642.

Dumoulin, de infir. refign. n. 435, tient au contraire que la défenfe contenue au §. Prohibemus, dont nous venons de parler, n'est point abfolue; parcequ'elle renferme une exception conçue en ces termes: Nifi canonicè transferantur. Laquelle exception doit conferver la collation ordinaire & le droit commun, fuivant lequel, avant la publication du fexte, il étoit permis de conférer un bénéfice à un religieux d'un autre monaftere, fans qu'il fût befoin d'autre tranflation: autrement cette exception n'auroit aucun effet; ce qui ne peut pas être; parceque le . Prohibemus tend non-feulement à introduire un droit nouveau, mais à corriger l'ancien droit commun,

Vaillant fur Louet, de infir. n. 432, décide que la tranflation fe fait aujourd'hui en vertu de la claufe des provifions', & qu'il fuffit, pour qu'un religieux puiffe pofféder un bénéfice, qu'il foit du même ordre, & qu'il foit foumis à la même régle que celle qui eft en vigueur dans le monaftere dont dépend le bénéfice. Ainfi la tranflation dans les formes n'eft requife que quand le religieux n'est pas du même ordre.

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Il paroît que la jurifprudence d'aujourd'hui eft conforme à l'avis de Vaillant, & que l'on ne fuit point la difpofition du S. Prohibemus. En forte qu'un religieux à qui on confére un bénéfice dépendant d'un autre couvent que de celui dans lequel il a fait profeffion, eft transféré par les feules provifions qu'il obtient. Il y en a un arrêt du grand-confeil du 25 Février 1697.

A l'égard des arrêts fur lefquels Brodeau appuie fon fentiment, ils ne font point dans l'efpéce dont il eft ici question. Nous avons rapporté plus haut celui du 30 Juin 1642. C'eft

celui qui fut rendu contre frere Louis Pelletier, Cordelier, qui s'étoit fait transférer dans l'ordre de faint Auguftin; il y avoit tranflation d'un ordre à un autre ; & d'ailleurs le frere Pelletier avoit fait profeffion chez les mendians. Quant à celui du 7 Juin 1622, il s'agiffoit d'une religieufe, qui ne peut en aucun cas être transférée fans l'autorité de l'évêque diocéfain.

Fevret, livre 2, chapitre 3, n. 10, eft auffi d'avis que, dans le cas que nous examinons ici, la collation feule fuffit; parce que conceffo aliquo, veniunt & ea fine quibus.

Mais cela ne peut avoir lieu que quand le religieux eft du même ordre que le monaftere duquel dépend le bénéfice. S'il étoit d'un ordre différent, une tranflation canonique & confor me aux loix du roïaume feroit néceffaire.

Il faut obferver que tous les bénéfices de l'ordre de faint Auguftin, en quelques mains que fe trouvent les abbaïes dont ils font dépendans, font affectés aux chanoines réguliers, de quelque congrégation qu'ils foient. L'auteur des dernieres notes fur Fevret, livre 2, chapitre 3, n. 11, lettre (t), en rapporte deux arrêts, l'un de 1706 en faveur de frere Cefar le Blanc chanoine régulier de fainte Croix de la Bretonnerie, depuis évêque d'Avranches; l'autre de 1718, pour frere François d'Appongny de la même congrégation, tous deux pourvûs de bénéfices dépendans d'abbaïes poffédées par la congrégation de fainte Genevieve. Cet auteur ajoûte que les pourvûs fe préfentent au supérieur du monastere dont dépend le bénéfice, qui ne manque prefque jamais de refufer: mais on, prend toujours poffeffion du bénéfice fur un acte de refus. Quand on n'eft pas refufé, la réception qu'ils font n'eft que ad effectum obtinendi beneficii; & ceux qui font ainfi transférés n'acquierent aucun droit ni dans le monaftere, ni dans la congrégation où ils entrent. Ils ne perdent même pas ordinairement leurs droits fur la maison de leur profeffion.

Si le bénéfice eft, par le titre de fondation, nommément affecté aux religieux profès de la maifon dont il dépend, aucune tranflation ne peut rendre capable de le pofféder ceux qui n'y font pas profès, quand même ils feroient du même ordre. Les volontés du fondateur doivent être fuivies; puifqu'il n'a donné fon bien que fous cette condition.

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SECTION I I I.

Si les Supérieurs & les Religieux peuvent congédier un Profès pour caufe de mécontentement ?

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On voit par les régles des moines, qu'on pouvoit autrefois chaffer ceux qui étoient incorrigibles. Saint Benoît, au chap. 28 de fa régle, dit que, quand un religieux a fouvent été repris pour quelque faute, fi l'excommunication même ne l'a pas corrigé, il faut avoir recours à un reméde plus violent, & le frapper de verges. Si cela ne fuffit pas, & qu'on voïe au contraire que ce religieux veuille fe défendre; après avoir épuisé tous les moïens poffibles, les exhortations, les excommunications, les coups & les prieres à Dieu, il faut le retrancher de la communauté; afin qu'une feule brebis ne corrompe pas tout le troupeau.

Saint Ifidore prescrit la même chofe, & ordonne qu'après que l'on a emploïé inutilement tous les moïens, on dépouille le rebelle des habits de religieux, on lui rende ceux qu'il avoit apportés en entrant dans le monaftere, & qu'on le chaffe enfuite avec infamie.

Ainfi, fuivant l'ufage des premiers fiécles, non-feulement on chaffoit les moines rebelles; mais on leur rendoit leurs habits féculiers; en forte qu'ils ceffoient d'être foumis aux fupérieurs, & rentroient dans l'ordre des laïcs: & cela fe pratiquoit encore dans le treiziéme fiécle, comme on le voit par ces paroles de faint Thomas: Quodlibet. 12 in fine. Quandoquidem Apoftolus velit ut auferatur malum de communitatibus noftris, ne modicum fermentum totam maffam corrumpat, juftum eft ut abfcindamus ac ejiciamus monachum incorrigibilem & infolentem.

Il n'eft point contraire à l'effence de la profeffion en religion que celui qui l'a faite puiffe être chaffé du monaftere, lorsqu'il y a lieu de craindre qu'il ne corrompe les autres par fon mauvais exemple.

Mais quand l'expérience eut fait voir que les fupérieurs renvoïoient leurs religieux trop légerement; ce qui les mettoit quelquefois dans la néceffité d'être errans & vagabonds, & ce qui caufoit beaucoup de scandale; la difcipline commença à changer à ce fujet.

Le pape Gregoire IX. cap. fin. ex. de regular. ordonne aux

fupérieurs de faire tous les ans une perquifition exacte de leurs religieux, tant fugitifs, que de ceux qui ont été chaffés. Il veut en même tems que, s'ils peuvent être reçûs dans leurs monafteres fans bleffer la difcipline, les abbés ou prieurs foient contraints par cenfures eccléfiaftiques de les admettre. S'il y a quelque raison valable qui s'y oppofe, il veut qu'on ait recours à fon autorité, pour placer ces religieux dans des lieux convenables, voifins du monaftere, fi cela fe peut faire fans scandale : finon, il ordonne qu'ils foient envoïés dans d'autres maifons du même ordre, pour y faire pénitence, & qu'on leur fourniffe toutes les chofes néceffaires à la vie. Fagnan, fur ce chapitre, n. 37 & 38, obferve, avec plufieurs canoniftes, que cette décrétale, en ordonnant de faire tous les ans la perquifition des religieux qui ont été expulfés, fuppofe qu'on ne peut en expulfer aucun de façon qu'il lui foit libre d'aller où il lui plaira; mais qu'on peut feulement le féqueftrer de la compagnie des autres religieux. Autrement, il seroit inutile de vouloir forcer les fupérieurs de reprendre les moines qu'ils auroient chaffés, s'il étoit en leur pouvoir de les chaffer de nouveau fur le champ. Cela eft prouvé par le chapitre Cum in Ecclefiis. ex. de majorit. & obedient. en ces termes : Alioquin, de fratrum confortio penitùs excludatur. Il n'eft pas dit que c'eft du monaftere qu'il faut exclure les rebelles; mais de la compagnie des religieux; de fratrum confortio.

Les canoniftes les plus fameux conviennent que cette décrétale a ôté aux fupérieurs la faculté d'expulfer les religieux; & le pape Pie IV. fit un decret, par lequel il défend expreffément de renvoïer aucun moine profès, quelque coupable qu'il puiffe être. Il permet de les punir par la prifon, ou par quelqu'autre peine plus rigoureufe, fuivant l'énormité de la faute.

Il eft vrai, comme Fagnan en convient, que ce decret & la décrétale dont nous venons de parler font contraires à la régle de faint Benoît, à celles de faint Augustin & des autres inftituteurs d'ordre. Le même auteur remarque auffi que du tems du pape Urbain VIII. on agita fortement la queftion de fçavoir fi cette décrétale & ce decret avoient été admis dans l'ufage, & s'il étoit à propos de les y admettre. Il rapporte les raifons que les religieux alléguoient pour faire rejetter cet ufage; & il faut avouer qu'elles ne laiffoient pas d'avoir beaucoup d'apparence: mais celles qu'on leur oppofoit n'avoient pas moins de force. Enfin, tout confidéré, le pape Urbain VIII. entr'autres régleBbbbb ij

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