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livres; fur ce déduction faite des deniers par eux païés fur les arrérages, qui furent imputés fur le principal.

M. Louet dit qu'il faut obferver qu'il n'y avoit eu aucun contrat de conftitution, qu'au contraire on avoit refufé de le paffer; tellement que cette feconde promeffe n'avoit point réuffi, & la premfère étoit demeurée en fon entier, in caufam mutui. C'est pourquoi, dit-il, par l'arrêt on impute fur la premiere obligation ce qui avoit été païé, & quand bien, continuet-il, debito tempore, le contrat de conftitution eût été paffé, les débiteurs euffent païé les années d'arrérages qui eft plus que le fort principal; arrérages qui fuffent raifonnablement demeurés in bonis & peculio defunéti.

Nous avons rapporté les propres termes de Louet, pour mettre les motifs de décifion dans tout leur jour. Peut-on dire que cet arrêt a jugé que le religieux n'avoit pas pû fe conftituer une rente viagére, mais feulement acquérir une fomme de deniers comme plufieurs jurifconfultes l'ont prétendu ? L'obfervation de Louet femble indiquer le contraire, & donner pour motif de décifion que le contrat de rente viagére n'avoit point été paffé; au moïen de quoi le débiteur n'étoit tenu que de païer le reftant du prix de la vente des grains.

Mais il y a encore quelque chofe de plus précis, qui décide que les religieux ne peuvent fe créer des rentes viagéres; c'est la néceffité où ils font de conferver leur pécule à leurs fupérieurs. Cette néceffité leur eft impofée par le fuffrage unanime de tous les auteurs. Louet, loco citato, nous rapporte les termes de Panorme: Regulariter religiofi poffunt, ex licentiâ abbatis, habere peculium, feu peculii adminiftrationem ; quod intellige, pro utilitate monafterii, vel alendo feipfum. Secùs autem, fi vellet habere ut difponeret ad libitum ; quia tunc abbas non poffet fibi boc concedere, quinimто пес рара.

Brodeau, au même endroit, rapporte plufieurs arrêts qui ont jugé que le pécule appartient tellement à l'abbé, ou au couvent, que le religieux n'en peut pas difpofer.

Enfin Pocquet de Livonniere, en fes régles du droit françois, dit que le pécule des fimples religieux appartient aux abbés, ou au monaftere. A l'égard des religieux-curés, il pense différem-· ment de Brodeau; car il dit que leur pécule appartient à la fabrique & aux pauvres de la paroiffe. Ce n'eft pas ici le lieu d'examiner la queftion. Nous la traiterons dans le chapitre fuivant, où nous aurons occafion de parler plus particulierement du pécule.

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Quoi qu'il en foit de ces deux opinions, il en résulte toujours que les religieux auxquels il eft permis d'avoir un pécule, n'ont pas le droit d'en difpofer à leur gré. Ils peuvent fans doute emploïer leurs revenus & leurs épargnes pour leurs befoins; parceque cette faculté n'excéde pas les bornes de l'adminiftration mais ils ne peuvent pas faire un contrat de la nature dont il s'agit, à l'effet de priver leurs fupérieurs du droit qu'ils ont fur ce pécule après leur mort.

Au refte nous obferverons d'après Coquille, queft. 250, que quand un religieux eft dans une univerfité pour y faire les études, & qu'il n'y a point dans le lieu où cette université est fituée de couvent de fon ordre il peut s'engager pour raifon des chofes néceffaires à la vie & à l'entretien ; & le couvent eft obligé d'acquitter ces fortes de dettes : mais cette obligation eft étroitement reftreinte aux dettes contractées pour choses néceffaires, & non pour d'autres.

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De l'incapacité des Religieux par rapport aux acquifitions à titre gratuit..

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Ous allons parcourir les différens moïens d'acquérir gratuitement, & de tranfmettre de même aux autres; ce qui nous fournira la matiere de plusieurs fections.

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De la capacité de pofféder des Bénéfices.

Les fonctions attachées à la defferte d'un bénéfice, la perception & le pouvoir de difpofer des revenus de ce bénéfice, tout cela s'accorde-t-il avec la vie monacale; tout eft-il compatible avec les vœux en religion? C'eft ce que nous n'examinerons point. Le fait eft que les religieux font venus à bout de fe faire regarder comme capables de pofféder des bénéfices, & qu'ils ufent du droit qu'on leur a laiffé prendre: mais cette capacité ne s'étend pas fur toutes fortes de bénéfices. De-là vient cette fameuse distinction, introduite par les canoniftes, entre les bénéfices féculiers & les bénéfices réguliers.

Les bénéfices féculiers font ceux qui font affectés aux clercs féculiers, c'est-à-dire, qui n'ont contracté d'autres engagemens que ceux qui font attachés à la cléricature. Il y a cependant de ces bénéfices qui peuvent être poffédés par des réguliers, comme on le verra par la fuite.

Les bénéfices réguliers font ceux qui font affectés à quelque ordre religieux approuvé par l'églife; comme les abbaïes, les prieurés conventuels, les prieurés fimples & les offices clauftraux, qui font ceux de facriftain, de chambrier, de célérier d'aumônier, d'infirmier, &c. dans les monafteres où ces offices font encore en forme de titre.

Un bénéfice eft régulier en trois manieres; ou par fa nature, ou par fa fondation, ou par prescription. Nous allons examiner ces trois causes.

DISTINCTION I.

Des Bénéfices réguliers par leur nature, & des Commendes.

Les premiers folitaires ne poffédoient rien ni en commun, ni en particulier. Ils n'avoient d'autre reffource pour vivre, que le travail de leurs mains; & quelqu'occupés qu'ils fuffent à la priere & à la méditation, ce travail leur produifoit affez pour les mettre en état de faire des aumônes confidérables. Lorfque l'exercice de la Religion Chrétienne fut devenu libre, ces folitaires s'approcherent des villes; & la régularité de leur vie leur défintéreffement & leur ferveur, leur attirerent l'admiration de tout le monde, celle des païens même, qui ne pouvoient leur refuser du refpect. Cette admiration procura des donations confidérables en faveur des monafteres. Les grands du monde les princes même fe retiroient dans ces faintes retraites, & y portoient avec eux tout ce qu'ils poffédoient. Ceux qui n'avoient pas la force de fe vouer à une vie fi auftére vouloient au moins participer aux prieres & aux bonnes œuvres de ces faints pénitens, & ils achetoient ce droit par des libéralités immenfes. Au milieu de toutes ces richeffes, les religieux étoient pauvres. Aucun d'eux ne poffédoit rien en particulier. Ils ne prenoient fur leurs revenus que ce qui leur étoit néceffaire pour fubfifter; & l'austérité de leur vie bornoit ce néceffaire à bien peu de chose. Le furplus étoit diftribué aux pauvres, & à ceux qui avoient recours à eux dans leurs befoins. Ils ne s'en regar

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doient que comme les dépofitaires, & fe croïoient seulement chargés du foin d'en faire une difpenfation jufte & équitable. Ces revenus étoient confiés à l'administration de l'abbé, comme chef. C'étoit lui qui faifoit les diftributions; &. jamais il n'abu foit de la confiance que l'on avoit en lui à cet égard.

Tout change, & les établiffemens les plus faints deviennent fouvent une fource d'abus & de défordres. Nous n'en avons que trop d'exemples fous les yeux. Les abbés cefferent de fe regarder comme les administrateurs de ces biens. L'habitude dans laquelle ils étoient d'en difpofer, les accoutuma infenfiblement à s'en regarder comme les propriétaires; en forte qu'ils ne les emploïoient plus qu'à leur ufage. Le défordre alla même fi loin de leur part, qu'ils laiffoient manquer leurs religieux du nécessaire, tandis qu'ils vivoient eux-mêmes dans le luxe. Les moines furent réduits à demander que les biens fuffent partagés entre l'abbé & le monaftere; ce qui fut exécuté dans la plupart des couvents, où l'on voit que l'abbé a fa manfe, & les religieux la leur. De-là eft venu l'ufage de regarder les abbaïes comme des bénéfices : mais, comme l'abbé eft le fupérieur naturel du couvent, une abbaïe ne devroit, dans la régle, être poffédée que par un religieux du même ordre. On doit donc mettre cette forte de bénéfices au nombre de ceux qui font réguliers, & qui ne peuvent être poffédés que par des réguliers. Cela fouffre cependant une exception dont nous parlerons bientôt.

Lorfque les religieux virent que l'abbé s'étoit approprié la plus grande partie des biens du monaftere; ceux d'entr'eux qui avoient quelque administration dans le couvent en firent autant. Le facriftain, par exemple, étoit dépofitaire de la partie des revenus du couvent qui étoit destinée à la fourniture & à l'entretien des ornemens néceffaires à la facriftie. Il s'appropria cette portion, qu'il fit tourner à fon ufage particulier, du moins ce qui reftoit, les dépenfes de la facriftie prélevées. Il en fut de même du célérier, du chambrier, & de tous les autres, à qui leurs fonctions donnoient quelque maniement; en forte que la portion que l'abbé avoit laiffée au monaftere étant ainfi divifée entre tous ces officiers, il ne reftoit aux fimples religieux que des penfions modiques pour leur subsistance.

Tous ces bénéfices ont des fonctions attachées à leurs titres, & demandent par conféquent que celui qui les pofféde réfide dans le monaftere. C'eft pourquoi on les appelle bénéfices claustraux. Il y en a d'autres qui font hors du cloître, & qui ne font

pas moins contraires à l'efprit de l'état monaftique que ceux dont nous venons de parler.

Les moines & les chanoines réguliers poffédoient de grandes fermes qu'ils n'étoient point dans l'ufage d'affermer: mais qu'ils faifoient valoir par un ou plufieurs religieux qu'ils envoïoient demeurer fur la ferme : & on nommoit ces fermes des obédiences. Comme elles étoient ordinairement fort éloignées de l'abbaïe, & que les religieux qui y faifoient leur réfidence le trouvoient par cette raifon dans l'impoffibilité d'aller à l'église pour y affifter au fervice divin, on leur faifoit bâtir dans la ferme une chapelle, dans laquelle ils faifoient eux-mêmes le fervice. Le chef de ces religieux fe nommoit prieur, ou prevôt; & de-là on appelle ces fermes des prieurés, ou des prévôtés.. L'abbé pouvoit, quand il le jugeoit à propos, rappeller dans le cloître le prieur & les religieux qui étoient avec lui; & ils étoient obligés tous enfemble de rendre compte chaque année au couvent de l'administration de la ferme qu'on leur avoit confiée.

Les abbés, pour favorifer leurs créatures, fe mirent dans l'ufage de donner des ordres à quelques-uns de leurs religieux, pour demeurer pendant leur vie dans une obédience, & pour en administrer les revenus, comme fermiers perpétuels. Cet abus fut condamné par le pape Innocent III. comme contraire au vœu de pauvreté, dont les religieux ne peuvent être dispensés, même par le faint fiége. Nec alicui committatur aliqua obedientia perpetuò poffidenda, tanquàm in fuâ fibi vitâ locetur ; fed cum oportuerit amoveri, fine contradictione qualibet avocetur. Cap. cum ad monafterium. ex. de ftat. monach.

Cette loi, quelque fage & quelque raifonnable qu'elle fût, n'arrêta point les progrès du mal. Ils devinrent au contraire fi rapides, que l'on s'en apperçut à peine. Les prieurs, aïant vû l'abbé & les officiers du monaftere s'attribuer chacun une partie des revenus de l'abbaïe, s'approprierent auffi les revenus dont ils n'étoient originairement que les fermiers; en forte que, vers la fin du treizéme fiécle, les prieurés étoient mis au nombre des bénéfices ; & le concile de Vienne,tenu fous Clement V. contient des réglemens à ce fujet, par lefquels on voit que les peres de ce concile regardoient ces places comme de véritables bénéfices; en forte que la plupart des couvents que nous voïons établis aujourd'hui fous le titre de prieurés, n'étoient, dans leur origine, autre chofe que des fermes appartenantes à l'abbaïe dont ils relevent; & le prieur, qui eft maintenant un bénéficier en

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