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Il en étoit des anciens commendataires comme de ceux qui deffervent aujourd'hui les cures vacantes. Ils ne pouvoient pas difpofer des fruits; & ils n'en retenoient que ce qui étoit néceffaire pour leur fubfiftance. Aujourd'hui ils en difpofent comme s'ils étoient de véritables titulaires, & leurs provifions leur en donnent toujours le pouvoir: Ita quod, durante commendâ hujufmodi, de fructibus, reditibus & proventibus monafterii difponere & ordinare valeas, ficuti veri abbates aut priores ipfius monafterii, qui fuerunt pro tempore, ordinare potuerunt, & etiam debuerunt; alienatione tamen bonorum immobilium & pretioforum mobilium ipfius monafterii tibi penitùs interdictâ.

C'eft pourquoi les commendataires préfentent aujourd'hui aux bénéfices dont la nomination appartient à l'abbaïe, ou au prieuré qu'ils poffédent; ils confirment les élections faites par les religieux ; ils conférent ceux qui font à la collation de l'abbé; parceque l'on regarde tous ces droits comme faifant partie des fruits. En un mot ils font, en tout ce qui concerne le temporel, comme de véritables titulaires; & ils font même réputés tels. Quant au fpirituel, leurs droits n'ont pas la même étendue que ceux des titulaires : mais ce n'eft pas ici le lieu de traiter cette matiere.

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Comme donc les clercs féculiers ne peuvent, fuivant la régle Regularia regularibus, pofféder des bénéfices réguliers en titre, que cependant une commende perpétuelle eft regardée comme un véritable titre, il n'y a que le pape qui puiffe en accorder & ces fortes de provifions font regardées, fuivant les canoniftes, comme difpenfatoires extraordinaires. Et fi le pape accorde ces bénéfices à des féculiers en commende plutôt qu'en titre, ce n'est que pour fauver quelques apparences du droit.

Il est encore une obfervation importante à faire fur cette matiere; c'eft que, fuivant les canoniftes, le titre d'un bénéfice une fois conféré ne peut changer tant qu'il eft dans les mains de celui qui le poffede, fans une nouvelle collation; en forte que fi un commendataire fait profeffion dans le monaftere qu'il tient en commende, cette profeffion ne le rend point titulaire ipfo facto: il lui faut de nouvelles provifions du pape; fans quoi le bénéfice vaque de plein droit. C'eft pourquoi, dit Fevret livre 2, chapitre 6, n. 25, le parlement de Paris, par arrêt donné en la cinquiéme des enquêtes le 2 Mars 1602, déclara nulle la réfignation faite entre les mains de l'ordinaire, par un religieux profès, d'un bénéfice par lui tenu en commende avant fa profeffion; la cour aïant jugé que le religieux, par la pro

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feffion, avoit perdu tout le droit qu'il avoit au bénéfice tenu en commende, Sive quoad titulum, five quoad poffeffionem. Factá enim monachali profeffione, dit Dumoulin fur la régle de public. aliud non expectatur, quia ftatim confummata eft dimiffio omnis juris. Ainfi ce religieux n'aïant plus de droit au bénéfice qu'il tenoit en commende, dès l'instant de fa profeffion, il ne l'avoit pû rési

gner.

Il est donc toujours vrai de dire que les féculiers ne peuvent pofféder en titre de bénéfices réguliers. L'ufage des commendes ne porte aucune atteinte à cette régle. C'eft une voïe détournée que l'on a imaginée, pour y former une exception.

DISTINCTION I I.

Des Bénéfices réguliers par leur fondation.

Ce font ceux que le fondateur a établis à condition qu'ils ne feroient poffédés que par des réguliers, & qui ont été admis & érigés par l'ordinaire à cette condition.

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Des Bénéfices réguliers par prescription.

C'est une régle établie & reconnue par tous les canonistes, que tout bénéfice eft réputé féculier, s'il n'y a preuves au contraire. C'est pourquoi, quand il y a conteftation à ce sujet, c'est à celui qui le foutient régulier à prouver. Rebuffe, dans fa pratique bénéficiale, part. 1, tit. Quotuplex fit beneficium, après avoir établi cette régle, y apporte une exception. Ce font les chapelles fondées dans un monaftere. Elles font préfumées régulieres, dit-il, à moins qu'elles ne foient ordinairement poffédées par des féculiers.

Ce que cet auteur dit de ces fortes de chapelles doit s'appliquer à plus forte raison aux abbaïes, aux prieurés & autres bénéfices femblables, qui non-feulement font fondés dans les monafteres, mais auxquels le maintien de la difcipline monastique eft attaché. Ainfi ils ne peuvent pas convenir aux clercs féculiers, qui n'aïant point fait profeffion de la vie réguliere, & n'étant point inftruits de fes règles ne font pas propres à la faire obferver par les autres; & c'eft ici le cas d'appliquer la maxime

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qui fe trouve au chapitre 49. Ex. de Electione. In magiftratum affumi non debet qui formam difcipuli non assumpfit, nec eft præficiendus qui fubeffe non novit.

La régle générale dont nous venons de parler doit donc s'entendre des bénéfices fondés hors des monafteres, & dans des églifes féculieres; ou de ceux qui regardent la conduite & la direction du peuple ou du clergé ; qui conviennent moins aux moines & aux réguliers, qui ont fait profeffion de mener une vie contemplative, folitaire & éloignée du tumulte & des embarras du fiécle.

Il y a cependant des bénéfices qui, quoiqu'ils femblent par leur nature devoir être poffédés par des féculiers, font à la poffeffion des réguliers, & vice verfâ; ce qui arrive par la prefcription, quand le titre de fondation ne fournit aucun éclairciffement à ce fujet.

Or cette prefcription, fuivant tous les docteurs & tous les canoniftes, s'acquiert par quarante ans ; en forte que, 'fi un bénéfice a été poffédé pendant tout ce tems paifiblement, fans interruption, & comme bénéfice régulier, par un, ou plufieurs réguliers, auxquels il avoit été conféré comme tel; la prefcription eft acquife. Mais fi la collation déclaroit le bénéfice féculier, & qu'elle eût été accordée à un religieux, avec dispense; quelque fongue qu'eût été la poffeffion, elle ne changeroit point Ja nature du bénéfice, qui demeureroit toujours féculier. Il est donc bien effentiel, dans ces cas, de faire une finguliere attention à la forme des provifions.

Il en eft de même des bénéfices réguliers, qui deviennent féculiers par la même voïe; à moins que la poffeffion des féculiers ne fût à titre de commende; parceque la commende n'eft autre chofe qu'un dépôt, qui, loin de changer la nature du bénéfice, la conferve au contraire. Commenda nihil aliud eft quàm cuftodia, vel depofitum, ftatum antiquum non interrumpens ; fed confervans.

Tels font les bénéfices qui peuvent être poffédés par des religieux.

Nous allons maintenant examiner quelles qualités doit avoir un religieux, pour pouvoir pofféder un bénéfice régulier; car il n'en peut pas pofféder de féculiers.

DISTINCTION IV.

Des qualités requifes pour posséder un Bénéfice régulier.

La premiere eft d'être religieux profès, & de pouvoir justifier de fon noviciat & de fa profeffion par titres conformes aux formalités prefcrites par nos ordonnances. La prife de poffeffion ne fuffiroit pas, quand même le poffeffeur prouveroit qu'il a été reconnu religieux par les fupérieurs pendant un grand nombre d'années. Papon, livre 2, titre 4, n. 6, rapporte un arrêt du 21 Février 1534. On feroit encore bien plus rigide aujourd'hui, depuis l'ordonnance de Moulins, & celles de Louis XV.

Il faut, en outre, que la profeffion ait été faite dans l'ordre, ou dans le couvent d'où dépend le bénéfice; à moins qu'il n'y ait une translation en régle. Nous en avons parlé plus haut.

Nous allons, à cette occafion, rendre compte d'un abus énorme qui s'étoit introduit dans la congrégation de faint Maur, qui s'y eft perpétué pendant un très-grand nombre d'années; & qui n'a été arrêté que par l'attention & l'autorité du Roi.

Le pape Urbain VIII. dans la bulle qu'il accorda à cette congrégation le 21 Janvier 1627, pour en confirmer & approuver l'érection, permit aux religieux de cette congrégation de recevoir les réfignations qui leur feroient faites des bénéfices de l'ordre de faint Benoît, fous la réferve de penfions qui égaleroient la totalité du revenu de chaque bénéfice ainsi résigné. Cette bulle fut revêtue de lettres patentes enregistrées au grand-confeil.

Par ce moïen, cette congrégation s'appropria non-feulement tous les bénéfices des maifons dans lefquelles elle avoit introduit la réforme, mais auffi la plus grande partie de ceux de l'ordre de faint Benoît en général. Voici comment on y réuffiffoit. Cette réfignation fe faifoit entre les mains des fupérieurs, qui faifoient tomber le titre fur la tête de quelque religieux, qui ignoroit pendant toute fa vie, qu'il fût titulaire du bénéfice; ou, s'il venoit à le découvrir, on ne manquoit pas de le dépaïfer, pour s'affurer du fecret, & de l'envoier dans un monaftere très-éloigné du lieu du bénéfice. La congrégation jouïffoit du revenu du bénéfice en païant la penfion. En forte que le collateur ignoroit qui étoit le titulaire, lequel décédoit fans qu'on pût être inftruit de la vacance. Les fupérieurs, qui ne pouvoient pas manquer d'en être inftruits fur le champ, ne manquoient jamais d'impétrer en

cour de Rome ce même bénéfice, fous le nom de quelqu'autre religieux qu'ils tenoient pareillement dans l'ignorance; & ainfi toutes les fois que la vacance arrivoit; en forte que le collateur, étant toujours prévenu en cour de Rome, ne pouvoit jamais ufer de fon droit. La penfion s'éteignoit par la mort du réfignant; & le bénéfice avec tous fes fruits & tous fes revenus demeuroit comme affecté à la congrégation.

Les titulaires fe déterminoient d'autant plus volontiers à faire ces réfignations, qu'ils y trouvoient un double avantage. Le premier étoit que, comme la penfion qu'ils fe réservoient étoit toujours égale au revenu du bénéfice, ils en jouïffoient fans être fujets à aucune charge, fans être tenus d'aucunes réparations, & fans courir les rifques de l'infolvabilité des fermiers. Le fecond étoit que, comme les bâtimens des bénéfices fe trouvoient ordinairement en très-mauvais état lors de ces réfignations, les hétitiers du réfignant s'en trouvoient débarraffés au moïen de cet arrangement. La fimonie fut-elle jamais pouffée plus loin?

Dans la fuite plufieurs des religieux fur la tête desquels on avoit mis les titres de ces bénéfices, fous différens prétextes, se faisant transférer dans le couvent d'où ils dépendoient, s'ils étoient clauftraux ou obtenant leur tranflation dans l'ancien ordre de faint Benoît, trouverent le moïen de fe faire remettre leurs provifions & leurs titres, & par-là enleverent à la congrégation de faint Maur les revenus dont elle avoit joui jufques-là.

C'est pour empêcher l'effet de ces tranflations, qui dépouilloient la congrégation d'une partie confidérable des revenus dont elle s'étoit injuftement emparée, qu'elle obtint les brefs des 19 Septembre 1672 & 17 Août 1683, dont nous avons parlé plus haut dans le chapitre 3 de ce livre, fect. 2, dist. 1, §. 1.

Les chanoines réguliers de la congrégation de France, qui avoient imité la congrégation de faint Maur dans un abus auffi criant, obtinrent par la même raison le bref de 1680, & les lettres patentes du 7 Mars 1684, dont nous avons parlé au même endroit. Par ce moien, ces deux congrégations continuerent de s'emparer de tous les bénéfices tant de l'ordre de faint Benoît, que de l'ordre de faint Augustin, fous la même réserve de penfions exemptes d'aucunes charges, même des réparations, tant pendant la vie des réfignans, qu'après leur mort. Ainfi les titres des bénéfices reftoient toujours fotans & incertains; les collateurs privés de leurs droits, par l'ignorance où ils étoient des titulaires & de leur mort. Les droits des gradués & des indul

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