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Prudhomme Saulier fe fit pourvoir en cour de Rome du même Office clauftral, avec la clause pro cupiente profiteri. Il obtint fon vifa le 14 Mai, & prit poffeffion le 16 du même mois. Sur la complainte portée au grand-confeil, intervint arrêt fur productions refpectives le 7 Août 1683, qui maintient Prudhomme avec défenfes à Pujol & à tous autres de le troubler.

De cet arrêt résultent deux conféquences; la premiere eft que, comme nous l'avons déja prouvé, le pape feul peut accorder des provifions pro cupiente profiteri. La feconde eft qu'elles s'accordent & font admifes, même pour les bénéfices clauftraux, & qui impofent des fonctions dans le monaftere,

nous refte, fur les bénéfices poffédés par les réguliers, deux observations importantes.

Tout le monde fçait que la cupidité a introduit plusieurs distinctions entre les bénéfices, à l'abri defquelles on en peut pofféder plufieurs à la fois. Les uns font fimples, les autres font à charge d'ame: les uns font compatibles, les autres font incompatibles. Or ces diftinctions n'ont point lieu pour les religieux ; à l'égard defquels tous les bénéfices font réputés incompatibles. Boniface VIII. dans le chapitre Cum fingula, de præbend. & dignit. in 6o. nous en donne la raifon. Cum fingula officia, dit ce pape, fint fingulis committenda perfonis, & diffolutionis ac evagationis materia fit religiofis pra cæteris auferenda; præfenti prohibemus edičo, ne aliqui monachi vel religiofi alii pluribus prioratibus, vel Ecclefiis curam babentibus animarum, etiam fi eadem cura non per ipfos, fed per pref byteros, eorum ad præfentationem per epifcopos inftitutos; habeat exerceri, abfque fedis apoftolica autoritate praeffe prafumant : nifi fortè unus ex eis ab alio dependeat, vel ad invicem fint annexi.

C'est donc une maxime conftante parmi nous qu'un religieux ne peut tenir, fans difpenfe du pape, plufieurs bénéfices, quoique fimples & n'obligeans à aucune réfidence: mais voici ce qui fe pratique en France à cet égard. Quand la cour de Rome accorde des provifions d'un bénéfice à un régulier, qui est déja pourvû d'un autre, fans lui donner de difpenfe pour les pofféder tous deux en même tems, on infére dans la fignature qu'il fe démettra du premier avant que de prendre poffeffion du fecond: mais on n'observe pas cette claufe à la rigueur; & l'on ne l'oblige à fe démettre du premier, que quand il eft paifible poffeffeur du fecond; parcequ'on fuppofe que le pape, qui a voulu gratifier un religieux, n'a pas eu deffein de l'expofer à n'avoir aucun bénéfice; ce qui arriveroit cependant, s'il se démettoir de celui

qu'il pofféde déja, & qu'il fut évincé du fecond, après sa prise de poffeffion. C'eft ce qui a été jugé au grand-confeil par un arrêt du 22 Septembre 1706, rapporté par Augeard.

De tous les religieux qui font établis en France, il n'y a guéres que les chanoines réguliers, tels que ceux de faint Augustin, les Prémontrés, ceux de fainte Croix de la Bretonnerie, ceux de la Trinité, ceux de Chancellade, de faint Ruf & autres qui poffédent des bénéfices-cures, qui doivent être conférés à des religieux du même ordre. Or, comme les religieux font obligés de quitter le cloître pour aller deffervir les cures auxquelles on les nomme, & qu'ils fe trouvent par-là hors de la portée des yeux de leurs fupérieurs, & exempts de fuivre la régle de l'ordre ; on a crû devoir leur impofer certaines conditions auxquelles les curés féculiers ne font point fujets.

La premiere eft que tous les membres de ces différentes congrégations ne peuvent accepter les provifions d'aucun bénéficecure, fans avoir fait apparoir à l'archevêque ou évêque diocéfain de ses vie & mœurs, & du confentement par écrit du fupérieur général.

La feconde eft que, les religieux pourvûs de quelque bénéfice de la nature de ceux dont on vient de parler, peuvent, fans aucune monition précédente, fans forme ni figure de procès, être révoqués & retirés de leurs bénéfices par leurs fupérieurs du confentement toutesfois de l'archevêque ou évêque diocé fain.

Prefque toutes les différentes congrégations qui ont de ces fortes de bénéfices dans leur dépendance, ont obtenu & ont fait enregistrer dans les cours fouveraines où leurs caufes font attribuées des lettres patentes, qui contiennent ces réglemens. Comme toutes ces lettres patentes font à peu près femblables, & ont été accordées fur les mêmes motifs, nous allons rapporter celles des chanoines réguliers, fur lefquelles les autres, qui font toutes poftérieurés, paroiffent avoir été copiées : » LOUIS &c. Le gouvernement des cures régulieres faisant une » partie confidérable de la difcipline eccléfiaftique, nous avons » jugé digne de nos foins de travailler à rétablir, dans les paroif»fes affectées aux chanoines de faint Auguftin, l'ancien ordre » qui étoit obfervé pour l'institution & révocation de ceux qui » en étoient & feroient ci-après pourvûs, afin qu'étant réglées » fuivant les ftatuts des congrégations dont elles dépendent » elles ne puffent à l'avenir être deffervies que par des religieux

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» qui y édifiaffent le public par leur doctrine, par leur bonne » vie & par leurs bonnes mœurs. C'eft ce qui nous a obligé » d'ordonner par arrêt de notre confeil d'état du quinziéme » d'Avril dernier, que conformément à l'article cinquiéme des » ftatuts généraux des religieux de la congrégation de France >> les chanoines réguliers de ladite congrégation, pourvûs de cures » ou autres bénéfices aïant charge d'ames, pourroient être ré» voqués & retirés de leurs bénéfices, & envoïés en des monaf» teres de la congrégation par le chapitre, ou fupérieur général >> d'icelle, pour fautes par eux commifes, & fcandale, & même » pour le bien & avantage de l'ordre, s'il y échoit ; du confen»tement toutefois des évêques dans les diocèfes defquels les » prieurés-cures feroient fitués, & non autrement. Ce que nous » aurions estimé d'autant plus néceffaire, que c'est un moïen » d'empêcher que les religieux ennuïés de la difcipline réguliere >> ne fe faffent ci-après pourvoir, par faveur ou autrement, » bénéfices-cures, pour fecouer le joug de l'obéissance qu'ils » doivent à leurs fupérieurs. Mais comme notre intention n'au>> roit peut-être pas eu tout fon effet dans la fuite, fi, outre la » faculté de révoquer établie par ledit arrêt, il n'eût été pourvû » à ce que lesdites cures ne puffent être données qu'à des reli»gieux d'une vie exemplaire, nous aurions ordonné par autre >> arrêt de notre confeil d'état, du premier jour du mois d'Août » dernier, que ledit arrêt du quinziéme Avril feroit executé felon » fa forme & teneur ; & icelui interprétant, en tant que befoin » étoit, aurions déclaré qu'aucun chanoine régulier de ladite >> congrégation ne pourroit être pourvû d'aucun bénéfice à char»ge d'ames, qu'il n'eût fait apparoir de l'atteftation de vie & >> mœurs, & du confentement par écrit de fon fupérieur géné»ral; à faute de quoi il demeureroit déchu de tout droit pof» feffoire, & nos juges ne pourroient avoir égard aux provi>> fions par lui obtenues; & qu'à cet effet toutes lettres patentes » feroient expédiées, pour être regiftrées par tout où befoin

feroit. Et voulant pourvoir à ce qu'un réglement fi utile pour » l'Eglife foit exécuté, fçavoir faifons que nous, pour ces cau»fes & autres à ce nous mouvant, de l'avis de notre confeil » qui a vû lefdirs arrêts des quinziéme Avril & premier Août » derniers, enfemble les ftatuts de ladite congrégation, le » tout ci-attaché fous le contref el de notre chancellerie; & » de notre certaine fcience, pleine puiffance & autorité roïale, » avons dit, ftatué & ordonné, & par ces préfentes fignées de

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»notre main.difons, ftatuons & ordonnons, voulons & nous >> plaît que, conformément à l'article cinquiéme des ftatuts » généraux des religieux de la congrégation de France, les » chanoines réguliers de ladite congrégation pourvûs de cures, >> Vicairies perpétuelles, ou prieurés-cures de leur ordre, puif>> fent fans aucune monition précédente, & fans forme ni figure » de procès, être révoqués & retirés de leurs bénéfices, & en» voïés en des monafteres de ladite congrégation par le chapi>>tre ou fupérieur général d'icelle, pour fautes par eux com» mises, & fcandale connu à l'évêque & à leur fupérieur, & » même pour le bien & avantage de l'ordre, s'il y échoit; du >> confentement toutefois des archevêques ou évêques dans les » diocèses defquels les bénéfices font fitués, & non autrement. » Voulons en outre & nous plaît qu'aucun chanoine régulier de » ladite congrégation ne puiffe accepter les provifions d'une » cure, vicairie perpétuelle, ou prieuré-cure, qu'il n'ait fait » apparoir à l'évêque de l'atteftation de vie & de mœurs, & du » confentement par écrit du fupérieur général; à faute de quoi >> il demeurera déchû de tout droit poffeffoire: faifons défenfes à » nos juges d'avoir égard à fes provifions, & permettons aux » patrons & collateurs defdits bénéfices d'y pourvoir. Si donnons, » &c. Regiftrées au grand-confeil le 6 Décembre 1679.

Tels font les bénéfices qui peuvent être poffédés par les religieux, & les conditions fous lesquelles ils peuvent les pofféder.

SECTIO N IV.

De l'incapacité des Religieux de fuccéder.

Nous avons vû au chapitre 1 de ce livre que, dans le droit Romain, les religieux étoient capables de fuccéder, fuivant la loi Deo nobis. Cod. de Epifc. & Cleric. & la novelle 123, ch. 41; & que, comme par la novelle 5, chap. 5, ils étoient déclarés incapables de pofféder en propre; les biens qui leur arrivoient par fucceffion appartenoient au monaftere.

Nous avons encore fait voir que ces principes du droit Romain avoient été fuivis en France pendant quelque tems: mais qu'il avoit lieu de croire qu'ils ne l'étoient plus fur la fin de la feconde race de nos Rois, & qu'il eft prouvé par un arrêt de 1226 qu'ils étoient abrogés dès ce tems-là, au moins en plufieurs endroits.

Nous avons dit que la jurifprudence conforme à cet arrêt étoit établie par les difpofitions des coutumes; & cette vérité est attestée notamment par l'articl e3 37 de celle de Paris, qui porté que les religieux & religieufes profès ne fuccédent point, ni le monaftere pour eux.

Enfin nous avons vû que l'édit de François I. de 1532, avoit rendu cette maxime univerfelle, en y afsujettissant même les païs régis par le droit Romain.

Les motifs de cette jurisprudence font tirés de l'état du religieux, & des termes même de fon engagement. En effet, il fe dévoue à une pauvreté perpétuelle, qui eft incompatible avec le droit de recueillir des biens; il perd la qualité de citoïen,qui feule donne le droit de fuccéder. Il eft donc néceffairement vrai, fuivant nos principes, que d'un côté le religieux ne peut recueillir de fucceffions, & de l'autre que le couvent ne peut exercer ce droit pour lui; puifque ce ne feroit que comme étant aux droits du religieux, qui n'aïant point de droits, n'en peut pas tranfmettre. Tous nos auteurs atteftent cette jurisprudence; & Ricard, partie 1, chapitre 3, fection 3, n. 305, 306 & 307, dit que nous avons fuivi en cela la politique des Romains á l'égard de leurs veftales; lefquelles, n'aïant été déclarées d'abord incapables que de fucceffions ab inteftat, furent auffi exclues par les dernieres conftitutions du bénéfice des difpofitions ceftamentaires. Il prouve ce fait par plufieurs autorités.

Tous les auteurs qui ont eu occafion de parler de cette matiere attestent la même chose fur l'incapacité du religieux & du monastere; en forte que ce n'eft plus, & ce ne peut être la matiere d'un problême.

Mais il se présente ici une question, qui confifte à fçavoir fi le pape peut difpenfer un religieux profès, à l'effet de pouvoir recueillir une fucceffion.

Nous avons une maxime en France, qui eft que la puiffance du pape, quelqu'étendue qu'on la veuille fuppofer d'ailleurs, ne peut jamais toucher au temporel du roïaume, lequel eft foumis à la feule autorité du Roi. C'est une des maximes fondamentales de notre jurifprudence, & un des plus fermes appuis de la couronne. Or il eft conftant que le droit de succéder est un droit purement temporel. Le pape ne peut donc ni l'ôter, ni l'accorder en France. Nous avons une foule d'arrêts qui l'ont ainfi jugé. Tous nos auteurs en font pleins, entr'autres Brodeau fur Louet, lettre C, fomm. 8.

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