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tivement à elle: mais elle ne perd pas les avantages que cette bonne foi lui avoit acquis. L'inftant de la connoiffance qu'elle acquiert opére la même chofe, que fi fon mari étoit mort. Elle eft en droit de fe faire adjuger tous les avantages qui résultent, en fa faveur, de fon contrat de mariage & de la loi du païs. Le furplus des biens appartient aux hauts-jufticiers: l'apoftat doit être réintégré dans fon couvent, & la femme devient tellement libre, qu'elle peut contracter un nouveau mariage.

S'il y a des enfans procréés d'un tel mariage, pendant que la femme étoit encore dans la bonne foi, ces enfans ont & la qua. lité & les avantages d'enfans légitimes; & lorfque leur mere vient à découvrir l'état de leur pere, fa fucceffion eft ouverte pour eux, au moment qu'elle acquiert cette connoiffance; en forte que, leur mere aïant prélevé fes droits, le refte du bien de leur pere leur appartient en toute propriété & en toute jouiffance, quoique ce pere continue de vivre, & même quoiqu'il ne foit pas réintégré dans fon cloître. Et fi leur mere fe remarie, & qu'elle ait des enfans de fon fecond mariage, comme les premiers font nés à l'abri de la bonne foi de leur mère, ils éoncourent avec ceux du fecond lit, pour le partage de fa fucceffion.

L'efpéce que nous venons de proposer n'eft point une fuppofition purement imaginaire. Nous en avons un exemple fous les yeux. Un Capucin avoit quitté fon couvent, & après avoir féjourné pendant environ douze ans dans cette capitale en habit de laïc, avoit épousé une fille. Il vécut tranquillement avec elle pendant quelques années, & en eut plufieurs enfans. Il fit confidence de fon état à un eccléfiaftique, qui crut s'attirer les faveurs de la cour en le dénonçant. Il fut enlevé & enfermé dans une maison de force, en vertu d'une lettre de cachet. Cet enlevement & ce qui l'avoit caufé apprit à la femme l'état de celui qu'elle avoit époufé. Quelque tems après, elle obtint un arrêt du parlement qui déclara fon mariage nul & abufif. Elle a contracté un nouveau mariage, & celui qu'elle a épousé avoit beaucoup fréquenté dans la maifon du premier mari, & étoit parfaitement inftruit de la catastrophe qui étoit arrivée, & que le premier mari de celle qu'il époufoit vivoit encore. Il existe unl enfant de ce premier mariage, dont elle continue toujours de prendre foin. Or, comme il n'y avoit point de contrat de mariage entre elle & fon premier mari, & que tout leur bien confiftoit en un mobilier affez modique, il eft constant que la moitié de ce mobilier appartient à la femme, en vertu de la cou

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tume de Paris, à titre de commune en biens; & l'autre moitié appartient à l'enfant, qui doit être regardé comme légitime attendu la bonne foi dans laquelle fa mere a toujours été, jusqu'au moment de l'enlévement dont nous avons parlé. Et cette légitimité donne droit à cet enfant de concourir avec les enfans du fecond lit à la fucceffion de fa mere, lorfqu'elle fera ouverte. Et en fuppofant que le pere fe foit échappé, ou ait été relâché du lieu où il étoit enfermé, & qu'il ait acquis quelques biens de quelque nature qu'ils puiffent être, cet enfant ni la femme n'y peuvent plus rien prétendre. Dès l'inftant que la bonne foi a ceffé, le mariage a ceffé d'exifter. Il ne peut par conféquent produire aucuns effets. Ainfi ces biens nouvellement acquis s'il y en a, appartiennent au domaine à titre de déshérence.

Il peut encore arriver qu'un religieux apoftat épouse une religieufe qui ait auffi apoftafié, fans qu'ils fe connoiffent mutuellement. Un tel mariage ne peut produire aucuns effets, ni par rapport aux conjoints, ni par rapport aux enfans. On ne peut fuppofer ni l'un ni l'autre dans la bonne foi; puifqu'ils étoient tous les deux dans les liens d'une profeffion folemnelle, & qu'ils ne pouvoient pas ignorer leur propre état.

Au furplus, tout ce que nous venons de dire touchant la bonne foi d'une femme qui, étant libre, épouferoit un religieux, dont elle ignoreroit l'état, doit s'appliquer à un homme qui épouferoit une religieufe fans la connoître pour telle. La bonne foi doir produire les mêmes effets de part & d'autre.

CHAPITRE V II.

De l'incapacité des Religieux d'efter en jugement.

Lgénérale

Es auteurs établiffent ordinairement comme une maxime générale, qu'un religieux ne peut pas efter en jugement: mais cette régle fouffre un grand nombre d'exceptions.

Ileft conftant, qu'un fimple religieux, qui ne pofféde aucun bénéfice, aucune penfion, ne peut pas efter en jugement, quant au civil. Il n'a aucun bien, ni meuble ni immeuble. Ainfi il n'y a aucune circonftance qui le mette dans le cas d'effuïer aucun procès, foit en demandant, foit en défendant. S'il jouït de quelque penfion viagére, il ne peut pas fe pourvoir en juftice pour enexiger le païement; parcequ'il eft censé que ce n'eft pas au reli

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gieux perfonnellement que cette penfion eft donnée; mais au couvent, pour lui aider à fournir aux néceffités & aux befoins du religieux, à l'occasion duquel elle a été faite. C'eft donc au fupérieur, ou plutôt au couvent, représenté par le fupérieur, à agir en cette occafion.

Mais il y a des cas où un religieux peut efter en jugement en fon nom, & fans avoir besoin d'autorisation de perfonne. Nous allons expofer ici les principaux.

Tout religieux pourfuivi criminellement eft en droit de fe dé fendre, fans que le fupérieur puiffe l'en empêcher : mais il ne peut poursuivre perfonne, même au criminel. Il peut être défendeur mais il ne peut être demandeur.

La raifon de la différence eft qu'on ne peut jamais être attaqué en crime, que pour raifon de quelque action contraire foit à la probité, foit au bon ordre. Or il eft important, pour l'édification des fidéles, & pour prévenir le fcandale qui réfulteroit d'un crime dont un religieux feroit convaincu judiciairement, qu'il puiffe juftifier fon innocence. Or la conviction feroit complette, ou feroit préfumée l'être, fi celui qui le poursuivroit étoit obligé de continuer la procédure par contumace. Et fi le jugement emportoit quelque peine infamante, elle feroit exécutée comme fi elle eût été prononcée contradictoirement. On ne peut pas dire que c'eft au fupérieur en ce cas à défendre fon religieux. Il s'agit d'un fait dont le religieux eft accufé perfonnellement. Lui feul eft en état de connoître la vérité ou la fauffeté de l'accufation, & les circonstances qui peuvent rendre le cas plus ou moins grave, ou le laver entiérement. D'ailleurs, s'il y a des peines à effuïer, c'eft contre l'accufé qu'elles feront prononcées, & non pas contre le fupérieur. L'accufé eft donc feul intéreffé à fa défense.-

Si au contraire le religieux étoit demandeur en crime, ce ne pourroit être que pour raifon de quelqu'infulte ou de quelqu'outrage qu'il auroit reçû : or l'humilité évangélique, dont les religieux font profeffion, ne leur permet pas de pourfuivre la vengeance d'aucune infulte. Ils doivent, au contraire, l'exemple du pardon. Cependant, comme les religieux font fous la protection des loix, comme les citoïens, & qu'il eft néceffaire de punir ceux qui troublent le bon ordre, & de réprimer les entreprifes que l'impunité fembleroit autorifer; le miniftere public prend la défense des religieux infultés ; & les fupérieurs de l'ordre font en droit de pourfuivre la réparation des infuites faités à leurs

moines, non par efprit de vengeance, mais pour fe mettre à l'abri des outrages auxquels ils feroient continuellement expofés, s'il ne leur étoit pas permis de fe plaindre.

Un fimple religieux peut encore efter en jugement, dans les cas où il eft en droit d'interjetter appel comme d'abus de quelqu'ordonnance, ou de quelqu'autre acte émané de fes fupérieurs. Il répugneroit de vouloir exiger de lui qu'il rapportât le confentement de celui contre lequel il implore l'autorité des tribunaux féculiers.

Lorfqu'un religieux veut se pourvoir contre fes vœux, par la voie de la réclamation, ou de l'appel comme d'abus, il est encore reçu à efter en jugement en fon propre nom, & fans être obligé de fe faire autorifer. Mais nous examinerons cette ma

tiere ailleurs.

Les religieux qui poffédent des bénéfices peuvent intenter & défendre toutes fortes de procès, pour raifon des droits de leurs bénéfices, & pour raifon de leur pécule. Ils peuvent contracter des dettes, & être contraints à les acquitter. Ils peuvent pareillement obliger au païement ceux qui en contractent vis-à-vis d'eux, Ces droits font inféparables de l'administration & de la jouïffance des revenus de leurs bénéfices.

Un religieux qui par fes grades, ou par quelqu'autre privilége, eft en droit de requerir un bénéfice, peut à cette occafion poursuivre, tant en demandant qu'en défendant, tous les procès qu'il eft obligé d'effuïer. C'eft un ufage conftant, & dont on a journellement des exemples fous les yeux. Ainfi il eft inutile d'entrer dans la difcuffion de cet abus, auquel les raifons que nous pourrions alléguer n'apporteroient aucun reméde.

CHAPITRE VIIL

De l'incapacité des Religieux de pouvoir être exécuteurs

B

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ASNAGE, fur l'article 430 de la coutume de Normandie,

un religieux profès peut être exécuteur teftamentaire, pourvû qu'il foit autorifé par fon fupérieur. Il fonde fa décision fur le chapitre Religiofus 2, de Teftam. in 6o. Il ajoûte que Guy Pape,

en

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en fa décifion 563, eft d'opinion contraire : mais que la plûpart des docteurs font d'un autre avis.

Il eft vrai que le pape Boniface VIII, dans le chapitre cité par Bafnage, décide qu'un religieux peut être chargé de l'exécution d'un teftament, & accepter cette charge du confentement de fon fupérieur. Et Clément V, parlant de cette décifion, ajoûte, Cap. unic. de Teft. in Clement. que le religieux exempt eft fujet à la jurifdiction de l'ordinaire, en ce qui concerne l'exécution des teftamens.

Mais il n'eft point vrai, comme l'avance Bafnage, que ce foit l'opinion commune des docteurs. Il paroît au contraire que ces difpofitions du droit canon font réprouvées parmi nous. Ricard, dans fon traité des donations, partie 2, chapitre 2, gl. 1, n. 68, dit que ces décifions ne peuvent être fuivies en France, où les religieux font regardés, pour les effets civils, comme des perfonnes mortes. D'ailleurs l'autorisation du fupérieur feroit une caution, & le monaftere, même en corps, ne peut pas s'obliger fans néceffité; c'eft une loi commune à tous les gens de mainmorte. Or il ne paroît pas de néceffité dans l'acceptation d'une exécution teftamentaire. Cet avis, qui eft fondé fur les véritables principes, a été adopté par le Maître, fur la coutume de Paris, titre 14, partie 3 ; & par l'auteur des loix eccléfiaftiques, dans fon analife des décrétales, livre 3, titre 26.

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De la faculté des Religieux d'étre témoins.

I dans une tant qe, il peul, de acedig en
Left conftant qu'un religieux peut être admis en témoignage

gard des informations, l'article 3, du titre 6, de l'ordonnance de 1670, non-feulement les admet à porter témoignage; elle enjoint même à leurs fupérieurs de les y contraindre, à peine de faifie de leur temporel, & de fufpenfion des priviléges à eux accordés par les Rois.

Mais on éleve ici deux queftions. La premiere confifte à fçavoir fi les religieux peuvent être témoins dans les actes qui se font pardevant notaires. La feconde s'ils peuvent être témoins dans un testament.

Quant à la premiere, on trouve dans Henrys un arrêt en forme de réglement, du premier Avril 1656, qui fait défenses aux notaires de paffer aucun contrat où les religieux foient témoins.

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