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d'entendre quelle en étoit l'efpéce. Quant à l'autre, il atteste l'avoir vû en original fur les regiftres de la cour. Cet arrêt a jugé que Louis Maheu, chargé de reftituer une donation, s'étant fait religieux en l'abbaïe de Livry, la substitution ne devoit être ouverte qu'au jour de fa mort naturelle.

Ces autorités ne nous empêchent point de prendre encore parti contre Ricard, en foutenant que la profeffion en religion donne ouverture à la fubftitution. Les raisons qui ont déterminé notre avis dans le cas de la mort civile encourue par condamnation s'appliquent ici fans difficulté. Quoique la mort civile provienne de deux caufes différentes, elle est toujours la même quant aux effets. Qu'importe, quant à notre objet, que l'une foit infâme, & que l'autre éleve à un état plus faint & plus refpectable ? Elles s'accordent ensemble, en ce qu'elles rendent celui qui eft mort civilement incapable de profiter de la libéralité du teftateur. Il nous paroît même que, s'il y avoit quelque différence, elle ne ferviroit qu'à faire décider plus facilement l'ouverture du fidéicommis, dans le cas de la profeffion religieufe. Celui qui prononce des vœux fe détache volontairement & irrévocablement des biens temporels. Nous ne pourrions donc nous écarter de cette opinion, fans être en contradiction avec nous-mêmes; & elle nous paroît d'autant mieux fondée qu'elle eft conforme au dernier état de la jurifprudence, comme il paroît par l'arrêt de 1660, rapporté au journal des audiences, & par l'annotateur de Ricard. Il fut rendu fur les conclufions de M. Talon.

Aux auteurs que nous avons cités plus haut en notre faveur on peut joindre Maynard, liv. 7, chapitre 18; Le Brun, traité des fucceffions, livre I, chapitre 1, fection 3, n. 1 ; & Brodeau fur Louet, lettre C, fomme 26.

Enfin notre fentiment eft aujourd'hui confacré par une loi autentique ; c'est l'ordonnance de 1747, titre 1, article 24, que nous avons rapporté ailleurs, qui porte que dans tous les cas où la condamnation pour crime emporte mort civile, elle donnera lieu à l'ouverture du fidéicommis, comme la mort naturelle ; ce qui fera pareillement observé à l'égard de ceux qui auront fait profession folemnelle de la vie religieufe.

CHAPITRE XI. I.

De la jouisance de l'ufufruit, des penfions viagéres, du douaire

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du droit de retour.

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Ous avons vu plus haut que les religieux peuvent se conferver des penfions viagéres, & en recevoir. Nous avons auffi expliqué la maniere dont ils en peuveut jouïr. Il est donc queftion ici de fçavoir fi, lorfqu'avant leur profeffion ils poffédoient quelqu'un des objets énoncés dans le titre de ce chapitre, l'émiffion des vœux les leur fait perdre? Nous allons examiner chacun de ces points dans une fection.

SECTION I.

De l'ufufruit.

Fevret, traité de l'abus, livre 4, chapitre 7, n. 16, distingue entre les ordres auxquels il est défendu de pofféder en propre, five in communi, five in particulari, & ceux qui peuvent pofféder proprium in communi.

Il décide que, quand un ufufruitier s'engage dans un ordre qui ne peut rien pofféder, five in communi, five in particulari, il perd fon ufufruit, dont la jouïffance paffe à fes héritiers, lefquels en jouiffent pendant fa vie; & lorfqu'il meurt, cet ufufruit eft confolidé à la propriété. Il fonde fon fentiment fur un arrêt du parlement de Dijon, dont voici l'efpéce. Le doïen de l'église de faint Pierre de Flavigny fit en 1550 un bail emphitéotique à Georges Godin & Magdeleine Sourdot fa femme, leurs enfans & les enfans de leurs enfans; ce qui faifoit trois générations. La derniere fe trouva, au tems de fa jouïffance, partagée en deux branches, de chacune defquelles il y avoit des enfans. L'une de ces deux branches étoit compofée de deux freres dont l'un fe fit Dominicain, & l'autre mourut laiffant des enfans. Les coufins germains de ces deux freres, qui compofoient l'autre branche, prétendirent que le droit entier du bail emphitéotique leur étoit acquis. A l'égard de leur coufin mort, ils foutinrent que fa portion ne pouvoit pas paffer à fes enfans;

attendu

attendu qu'ils formoient la quatriéme génération, laquelle, aux termes du bail, étoit exclufe. Quant au religieux, ils foutenoient que, quoiqu'en pareil dégré qu'eux, il étoit exclus par fes vœux. Ainfi, dans leur fiftême, ils reftoient feuls en droit de jouir du bail. Cependant, par arrêt du 5 Août 1647, la part & portion du religieux fut adjugée à fes neveux, pour en jouïr tant qu'il vivroit.

Lorsque le monaftere eft capable de pofféder proprium in com-' muni, comme font aujourd'hui la plupart des couvents, en ce cas, fuivant notre auteur, il jouït de l'ufufruit durant la vie du religieux ufufruitier; à l'exclufion des héritiers de ce religieux, & des propriétaires du fonds chargé d'ufufruit, lefquels ne peuvent pas prétendre que l'ufufruit foit confolidé; puifqu'il ne peut l'être que par la mort naturelle de l'ufufruitier. Les héritiers ne peuvent pas dire que cet ufufruit leur foit transféré; puifque la profeffion ne l'éteint pas, & que le religieux eft capable de le conferver au monaftere. C'eft un revenu deftiné à fes alimens.

La diftinction que Fevret propofe ici paroît du premier coup d'œil affez fondée: & la réputation que cet auteur s'eft acquife, à juste titre, y ajoûte un nouveau poids. Cependant nous ofons dire qu'elle n'eft conforme ni aux principes, ni à l'ufage.

Quant aux principes, ceux que nous avons établis fur la même matiere, par rapport à la mort civile encourue par la condamnation, doivent militer ici. Le religieux étant mort civilement ne peut plus rien pofféder: ainfi, quand l'ufufruit continueroit d'exifter après fa profeffion, il n'en jouïroit pas. Cet ufufruit réfideroit fur fa tête, & tourneroit au profit d'un autre. C'est ce qui eft contraire à la nature d'un ufufruit, lequel eft purement perfonnel, & ne peut profiter qu'à la perfonne à qui il appartient.

Mais on peut objecter que le religieux doit, en cette partie, être représenté par le couvent, dont il eft membre: ainfi ce couvent pourroit jouïr, pendant la vie du religieux ufufruitier. Nous répondons que cet ufage feroit contraire à nos loix, qui refusent aux couvents la fucceffion de ceux qui se font religieux, fans aucune réferve. Si l'ufufruit paffoit au couvent quant à la jouïffance, ce feroit une efpéce de fucceffion. C'est ce qui ne peut arriver. D'ailleurs les loix Romaines, comme nous l'avons vû, décident formellement que le grand & le moïen changement d'état font finir l'ufufruit. Nous avons rapporté les termes des institutes de ufufručtu, §. 3. Or il eft certain qu'un Mmmmm

religieux eft dans le cas de ce qu'on appelloit à Rome mediam capitis diminutionem; puifque fa profeffion lui enleve la vie civile.

A l'égard de l'arrêt rapporté par Fevret, fi tel étoit l'ufage lors de cet arrêt, il eft conftant que cet ufage doit avoir change, & que l'on en eft revenu aux véritables principes. Ce qui a pû occafionner la jurifprudence contraire, c'est qu'on doutoit alors, comme nous l'avons fait voir ailleurs, fi la mort civile donnoit ouverture à la fubftitution; & les raifons qui portoient à croire qu'un fideicommis pouvoit toujours réfider fur une tête qui n'exiftoit plus dans la fociété, déterminoient à croire qu'on pouvoit pareillement y affeoir un ufufruit. Mais depuis que la fauffeté des motifs qui appuïoient cette erreur a été universellement reconnue & que la nouvelle ordonnance, touchant les fubftitutions, a fixé la jurifprudence à cet égard, il n'y a plus de variation touchant l'ufufruit, qui, par la profeffion en religion, fe trouve confolidé à la propriété.

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SECTION II.

Des Penfions viagéres.

Les religieux peuvent, comme nous l'avons dit ailleurs, fe réferver, avant leur profeffion, une pension viagére, à prendre fur les biens qu'ils quittent: ou ils en peuvent recevoir une, foit de leurs parens, foit de toute autre perfonne, à titre de libéralité. Mais la queftion que nous avons à examiner ici consiste à sçavoir si, quand ils font poffeffeurs d'une pareille rente, avant que d'entrer en religion, leur profeffion la leur fait perdre ipfo facto; en forte qu'elle foit totalement éteinte.

Si l'on fe décidoit par la comparaifon des effets de la mort çivile des religieux avec ceux de la mort civile des condamnés, il cft conftant que les premiers conferveroient les pensions viagéres créées à leur profit, avant leurs vœux, quand même elles n'auroient pas été faites en vûe de ces vœux. Mais il n'y a pas parité de raison.

En effet un homme condamné à une peine qui, en le faifant mourir civilement, lui laiffe cependant la vie naturelle, perd prefque toute reffource pour conferver cette vie qu'on n'a pas crû devoir lui ôter. L'humanité exige donc qu'on lui laiffe des alimens, lorfqu'il en a d'acquis; d'autant plus qu'une penfion viagére étant perfonnelle ne profiteroit pas aux confifcataires,

ni aux héritiers du mort civilement: mais dans le cas des vœux en religion, la loi n'eft point chargée du foin de veiller à la nourriture de ceux qui les ont prononcés. Les monafteres dans lefquels ils entrent font chargés de cette nourriture.

De-là il fuit qu'un religieux, en prononçant fes vœux, perd les penfions viagéres créées à fon profit, avant fon engagement; à moins qu'elles ne foient faites expreffément en confidération de la profeffion; ou que ceux qui les doivent ne s'obligent à les

continuer.

On peut même, comme nous l'avons établi plus haut, en parlant de l'incapacité des religieux par rapport aux legs qui pourroient leur être faits, leur léguer des penfions viagéres même après l'émiffion de leurs vœux. La profeffion en religion ne rompt point les liens dont la nature a uni les peres avec les enfans. Leurs obligations naturelles fubfiftent toujours refpecti vement. Les peres & les meres doivent des alimens, & même certaines commodités à leurs enfans, quoique religieux. Le fils ; quoique profès, eft tenu, fuivant Boërius, décifion 121, par les liens du fang, de venger la mort de fon pere. Dans ce cas, on ne confidére point la capacité de la perfonne; mais l'obligation de fournir des vivres. Mornac, fur l'autentique Ingreffi, de facrofanet. Ecclef. fait mention d'un arrêt donné au profit des Carmes, par lequel il fut ordonné que les loïers d'une maison léguée à un religieux Carme profès feroient païés au receveur du couvent, pour être emploïés aux néceffités dudit religieux, felon que le fupérieur l'ordonneroit.

On va même quelquefois plus avant. Il arrive qu'un couvent de filles fera ruiné par une incurfion d'ennemis, ou par quelqu'autre force majeure; en forte qu'elles demeurent dénuées de tout fecours. En ce cas, on condamne les parens à fubvenir à. leur indigence, par quelque penfion alimentaire proportionnéd à la fucceffion qu'elles auroient recueillie. Bellordeau en rapporte un arrêt en fes controverfes, chapitre 55, partie 2. Nous aurons encore occafion de parler de cette matiere dans le chapitre sui

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De la ceffation du douaire, ani sb

Nous voïons dans le commentaire de Ferriere fur la coutume de Paris, article 263, fomm. uniq. n. 25 & 26, que les com

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