Imágenes de páginas
PDF
EPUB

mentateurs de cette coutume, après avoir comparé l'état du religieux à celui des perfonnes qui, chez les Romains, avoient fouffert mediam capitis diminutionem, concluent de ce parallele, que la profeffion, privant la religieufe de tous fes biens, doit auffi opérer l'extinction du douaire; parceque ce douaire fe compte au nombre des biens que poffédoit la religieufe. Ils ne se diffimulent cependant pas que le parlement, par plufieurs arrêts, a adjugé à des religieufes la jouiffance des chofes foumifes à leur douaire, à titre de penfion alimentaire : mais ils obfervent en même tems que ces difpofitions font fondées fur la modicité de ces douaires.

M. de Lamoignon, dans l'article 46 de ses arrêtés, veut, que la profeffion en religion faffe ceffer la jouïffance du douaire; fauf à prendre une penfion fur le revenu des héritages sujets au douaire, s'il n'y a pas d'autres biens.

Brillon, auteur du dictionnaire des arrêts, qui tient perfonnellement pour l'extinction du douaire, quand il excéde les alimens, dit, verbo douaire, religieuse, avoir vû, dans plufieurs manufcrits, la date d'un arrêt rendu aux enquêtes le 18 Février 1646, par lequel le douaire a été jugé éteint.

Malgré ces autorités, qui tendent à l'extinction du douaire, on entrevoit que cette extinction ne doit avoir lieu que lorsqu'il excéde les juftes bornes d'une pension alimentaire. C'est en effet l'avis formel de plufieurs auteurs. Auzanet, fur l'article 263 de la coutume de Paris, penfe que, quand le douaire n'excéde pas ces bornes, la veuve peut continuer d'en jouïr, même après sa profeffion, fur le fondement que la mort civile, par condamnation, n'éteignant point une penfion alimentaire, la profeffion, qui eft une mort civile volontaire & honorable, ne doit pas à plus forte raison l'anéantir. Et il rapporte un arrêt de 1635, qui l'a jugé.

Nous ne pouvons nous réfoudre à croire que le motif fur lequel cet auteur fe fonde, foit celui qui a déterminé la cour à juger de la forte. En effet la différence des caufes des deux efpéces de mort civile ne doit rien produire ici. L'une eft honorable, l'autre eft infamąħtë,sil eft vrar: l'une eft volontaire, l'autre eft forcée; cela eft encore vrai : mais enfin, qu'on foit dans les liens de l'une, ou de l'autre, on eft également mort civilement; la privation des biens eft auffi abfolue dans un cas que dans l'autre. En un mot, comme nous l'avons déja dit en plus d'un endroit, la mort civile cft une fiction qui doit imiter la nature, Or il n'y jimmmmM

a point de différence dans la mort naturelle: de quelque façon qu'on en foit frappé, quelle qu'en foit la caufe, honorable ou infamante, on eft totalement mort; il n'y a point de différens degrés : mais comme, dans le cas dont il eft ici queftion, la mort civile ne porte aucune atteinte à la vie naturelle, les tribunaux peuvent laiffer fubfifter un douaire qui ne fournit que des alimens modiques, & qui ne vont point au-delà du pur néceffaire.

Bardet, tome 1, livre 3, chapitre 21, & tome 2, livre 5, chap. 20; & Bouguier, lettre M, n. 4, font de l'avis d'Auzanet. On trouve auffi dans Hevin, tome 2, obfervations fur l'art. 558 de la coutume de Bretagne, des arrêts du parlement de cette province, qui femblent autorifer à croire que tel eft l'usage de ce parlement.

La même jurisprudence paroît avoir lieu au parlement de Dijon, par deux arrêts des 12 Fevrier 1622, & 12 Mai 1625, rappor tés par Fevret, tome 2, chapitre 5, n. 38: & cet auteur eft du même avis que ceux qui viennent d'être cités, & fe fonde fur l'autorité de Cujas, ad Novellam 5, de Monachis.

Le Brun, en fon traité des fucceffions, du douaire, livre 2, chapitre 5, fection 1, diftinction 2, eft d'abord d'un avis contraire: mais il ajoûte que, quoique fon opinion foit la plus réguliere, néanmoins elle eft fufceptible de tempérament, lorfque la veuve n'a pas d'ailleurs de quoi fubfifter, & que fa mort civile ne déshonore pas fa famille. Il dit qu'il feroit injufte en ce cas, de la priver d'une légere penfion.

Le Maistre, fur la coutume de Paris, page 308 de l'édition de 1741, décide en propres termes, que lorfque la veuve fe fait religieufe, elle ne perd pas fon douaire.

Pocquet de Livonniere, dans ses régles du droit François livre 2, titre 7, chapitre 2, régle 34, réglé 34, dit que le douaire n'eft pas éteint par la profeffion religieufe de la veuve, jufqu'à concurrence des fommes prefcrites: mais que le couvent en jouït, pour la penfion de la veuve, jufqu'à concurrence des fommes prefcrites par les ordonnances; ou les héritiers, en païant cette penfion.

:

[ocr errors]

Renuffon, traité du douaire, chapitre 12, n..24 & fuivans, décide la même chofe, & cite plufieurs arrêts qui l'ont ainfi jugé mais il dit que, fi le douaire excédoit ce qui eft accordé, par les loix du roïaume, pour les penfions des religieuses, on en retrancheroit l'excédent. Il ajoûte même que la veuve peut céder fon douaire, avant fa profeffion, à toutes perfonnes capa

bles; & qu'elles en jouïront, après fa profession, tant qu'elle

vivra.

Bafnage, fur l'article 367 de la coutume de Normandie, dit que, comme le douaire eft un ufufruit qui finit par la mort naturelle, il peut auffi ceffer & s'éteindre par la mort civile. Cet auteur cite, à ce fujet, un arrêt rapporté au journal des audiences, & dont nous allons parler, par lequel il fut permis à une veuve qui s'étoit rendue religieufe, de jouir de fon douaire par forme de penfion viagére; ce qui ne fut jugé, comme le remarque Dufrefne, en rapportant cet arrêt, que parceque ce douaire étoit de peu de valeur, ne montant qu'à trente écus. Enfin Bafnage dit que cette question fut décidée par arrêt du parlement de Rouen rapporté par Berault, fur l'article 273 de la coutume de Normandie, par lequel les héritiers du mari d'une veuve qui s'étoit rendue Carmélite furent déchargés de fon douaire.

De toutes les autorités qui viennent d'être rapportées à ce fujet, il fuit que le douaire est éteint & confolidé à la propriété, & que, par conféquent, la veuve qui se fait religieufe n'en peut exiger la continuation mais lorsqu'elle lo demande, les juges peuvent, fuivant les circonftances, ordonner qu'elle jouira de ce douaire, s'il eft modique, ou d'une par tie, s'il eft confidérable, non à titre de douaire, mais à titre de pension alimentaire. C'eft ce qui paroît avoir été jugé par l'arrêt dont parle Bafnage, & qui eft rapporté au journal des audiences. Il eft du 23 Janvier 1629. Il fut ordonné que la religieufe jouïroit des choses fujettes à fon douaire, par forme de pension viagére.

II fuit encore que, comme celle qui fe fait religieuse perd, par cette démarche, un douaire que rien n'auroit pû lui enlever pendant. fa vie, & qu'elle eft la maîtreffe de se conserver; puifqu'il ne tient qu'à elle de ne point entrer en religion; elle est maîtreffe d'en difpofer avant l'émiffion de fes vœux, & d'en donner la jouïffance à qui elle jugera à propos, fuivant le senti→ ment de Pocquet de Livonniere rapporté plus haut.

SECTION IV.

Du droit de retour au profit des donateurs, lorsque le donataire fe fait religieux.

Nous ne répéterons point ici ce que nous avons dit ailleurs fur la nature du retour, & fur les caufes qui l'ont introduit. Nous obferverons fimplement que le religieux, par l'émiffion de fes vœux, fait un abandon auffi général & auffi abfolu de tous fes biens, que s'il mouroit naturellement: ainfi fa fucceffion eft ouverte & paffe à fes héritiers, qui exercent les mêmes droits que fi celui dont ils partagent la dépouille étoit décédé. Le droit de retour a donc lieu dans ce cas, comme & de la même maniere qu'il l'auroit dans le cas d'un décès véritable. Ainfi jugé par plufieurs arrêts rapportés par d'Olive, en fes questions, livre

CHAPITRE

XII I.

De l'exécution du Teftament fait avant la profession.

N fçait que les différentes coutumes du roïaume ont fixé l'âge auquel on peut tefter, les unes plus tôt, les autres plus tard; mais il n'y en a point, ou s'il y en a, elles font en fort petit nombre, qui aïent accordé cette faculté à ceux qui n'ont que feize ans. Or c'eft une grande queftion, & qui a donné lieu à bien des conteftations entre les auteurs, que celle de fçavoir fi un testament fait en vue de la profeffion en religion, avant l'âge prefcrit par la coutume du lieu, eft valable?

Ceux qui prétendent qu'on peut tefter valablement avant que de faire profeffion, quoiqu'on n'ait pas atteint l'âge prescrit par la coutume, fe fondent fur l'article 28 de l'ordonnance de Blois, lequel a dérogé à l'article 19 de l'ordonnance d'Orléans, qui comme nous l'avons dit ailleurs, ne permettoit pas de profeffion en religion qu'à l'âge de vingt-cinq ans pour les hommes, & vingt ans pour les filles. Ils difent que les nouvelles ordonnances aïant avancé le tems auquel on peut faire profeffion jufqu'à l'âge de feize ans, ont eu intention d'accorder en même tems à

ceux qui s'engagent à cet âge, la faculté de tefter; attendu qu'il y auroit contradiction de permettre de difpofer, dans un âge fi tendre, de fa liberté, de fa perfonne même, & de refuser en même tems le pouvoir de difpofer des biens que l'on va quitter, & qui vont paffer en des mains étrangeres.

Sozomêne, livre I, chapitre 9, fait mention d'une loi de Conftantin, qui permettoit aux impubéres, qui fe faifoient religieux, de tefter; la difpofition de cette loi peut avoir servi de modéle à l'art. 28 de l'ordonnance de Blois, qui porte que ceux qui auront fait profeffion avant l'âge de feize ans pourront difpofer de leurs biens & fucceffions échûes, ou à écheoir, en ligne directe ou collatérale, au profit de celui de leurs parens, ou autre que bon leur femblera, & ce, trois mois après qu'ils auront atteint l'âge de feize ans. Ces termes femblent décider la question d'une maniere bien précise; & Bouvot, en fes questions, tome 2, verbo Mariage, queft. 23, rapporte un arrêt du parlement de Dijon du 12 Décembre 1587, conforme à cette opinion.

Ceux qui embraffent le fentiment contraire difent que la profeffion en religion ne donne aucun privilége particulier, & ne peut valider des actes qui font nuls en eux-mêmes; que fi l'on peut faire profeffion à feize ans, c'eft que les ordonnances, pour des raifons particulieres, ont réduit l'âge de vingt-cinq à celui de feize: mais, pour que ces loix euffent pû s'étendre jusque fur les teftamens, il auroit fallu qu'elles continffent une dérogation expreffe aux coutumes, fur cette matiere. C'est ce qui n'est point.

La loi de Conftantin, rapportée par Sozomêne, a été abrogée par la constitution de l'empereur Leon, qui a permis, il est vrai, aux impubéres, qui fe feroient religieux, de tefter: mais toutefois après avoir attendu l'âge requis par les loix pour tefter.

L'ordonnance de Blois doit s'entendre pour avoir lieu, en tant qu'elle s'accorde avec les coutumes, puifqu'elle n'y déroge pas. Il eft inutile de dire que la difpofition de cette ordonnance eft fuperflue, fi elle n'ajoûte rien aux coutumes. On répond qu'il falloit une loi pour autorifer l'exécution du teftament d'un homme vivant; & c'est l'unique objet de l'article que nous examinons ici. Si elle a fixé un âge, c'eft pour la profeffion uniquement ; & fi elle a permis à ceux qui étoient prêts de s'engager par des vœux, de tefter à cet âge, c'eft en fuppofant que la coutume ne s'y opposoit point.

« AnteriorContinuar »