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On ne peut pas dire que ces ordonnances, conçues en termes généraux, n'ont point abrogé la coutume de Berry, qui permet en termes exprès une pareille difpofition; parceque ces loix étant générales, & faites pour le bien public, en grande connoiffance de caufe, puifquelles ont été arrêtées dans les états du roïaume affemblés; elles ont abrogé ipfo facto, & fans qu'il foit besoin pour cet effet, d'une déclaration expreffe, toutes les coutumes qui y font contraires.

M. l'avocat général Bignon dit que toutes les fois que la même caufe s'étoit préfentée, on avoit emploïé les mêmes moïens pour défendre ces fortes de teftamens : mais que la cour, par fes arrêts, n'avoit ceffé de les profcrire, non-feulement quand ils étoient faits en faveur du couvent où l'on se disposoit à faire profeffion; mais encore en faveur de quelque couvent que ce fût du même ordre; & ce par une jufte raison. Les religieux en général n'aïant rien tant à cœur que le bien de leur couvent, il n'y en a pas un qui ne crût faire un acte très-méritoire & un grand facrifice, en laiffant tout fon bien à l'ordre dans lequel il s'engageroit; & en ne le faifant pas, il s'expoferoit à l'indignation de fes fupérieurs & de fes confreres. L'autentique Ingreffi, qui a été abrogée parmi nous, comme contraire aux maximes fondamentales du roïaume, & contraire aux intérêts des particuliers & de l'état en général, reprendroit toute fa vigueur, fi l'on autorifoit, ou même fi l'on toléroit des teftamens pareils à qelui dont il étoit question.

Entre une infinité d'arrêts rendus fur cette matiere, il y en a trois célébres, un contre les Chartreux, & deux contre les Capucins, qui les ont déclarés incapables de legs faits dans de pareilles circonftances, quoique ces legs ne fuffent que d'une fimple fomme de deniers.

Dire, continuoit ce magiftrat, que la coutume de Berry autorife expreffément ces fortes de libéralités, & qu'elle n'a point été abrogée en ce point par l'ordonnance, c'eft s'abuser; parceque l'ordonnance eft une loi générale faite pour la confervation du roïaume & du bien de l'état; & il ne faut pas douter qu'elle n'ait abrogé toutes les autres loix & coutumes particulieres. Il n'en faut pas d'autre preuve que l'arrêt contre les Chartreux de Lyon, où les difpofitions du droit écrit s'observent notoirement, & y ont force de loi. Or ce droit autorife bien plus expreffément ces fortes de libéralités, & leur donne des bornes bien plus étendues. Cependant par cet arrêt, qui eft du 7 Septembre 1712, la cour confirma la fentence du fénéchal de Lyon, & déclara nul, & de nul

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effet & valeur le teftament fait par Antoine Scarron fils de famille, religieux en la grande Chartreufe, par lequel il donnoit aux Chartreux de Lyon tous fes meubles & acquêts. Les Chartreux difoient cependant, entr'autres moïens, que le teftament avoit été fait en une maifon libre, par un majeur âgé de trente ans & plus, qui avoit exercé un office de confeiller en la fénéchauffée de Lyon; que la difpofition contre laquelle on réclamoit ne tournoit point au profit du couvent où le teftateur avoit fait profeffion, qui étoit la grande Chartreufe; que même le teftament avoit été approuvé & ratifié par celles mêmes qui le contestoient alors, & ce de leur propre mouvement, & par un zèle de piété & de dévotion. Ces circonftances paroiffoient beaucoup plus favorables que celles de l'efpéce préfente. Cependant elles n'avoient rien opéré en faveur des Chartreux. En conféquence, fur les conclufions de ce magiftrat, intervint arrêt le 27 Juillet 1626, qui ordonna que la fentence dont étoit appel sortiroit fon plein & entier effet.

C'est une maxime conftante que les ordonnances lient & obligent tous les fujets du Roi, & font fupérieures à toutes les coutumes, quoiqu'elles ne les abrógent pas expreffément; fur-tout quand ces ordonnances font générales, favorables & faites pour le bien de l'état. C'eft pourquoi les ordonnances d'Orleans & de Blois doivent être exécutées dans les coutumes d'Auvergne, Sens, Bourbonnois, la Marche, & Berry, quoiqu'elles contiennent des difpofitions contraires; d'autant plus même que les ordonnances font postérieures à la rédaction de ces coutumes.

Telles font les restrictions dont on a cru devoir gêner la liberté de ceux qui fe destinent à entrer dans des corps dont les biens étant hors du commerce & inaliénables font engloutis & perdus pour la fociété. Ils ont, quant au refte, la même liberté que les autres citoïens, pour difpofer de leurs biens par teftament.

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CHAPITRE XIV.

De la Puiffance paternelle.

L ne peut y avoir qu'un citoïen qui foit revêtu de cette puiffance. Elle s'éteint néceffairement en même tems que le droit de cité s'éteint. D'où il fuit que la profeffion en religion fait ceffer la puissance paternelle: d'où il fuit encore que, quand un pere

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pofféde, en vertu de cette puiffance, l'ufufruit des biens de fes enfans, cet ufufruit eft confolidé à la propriété; parceque, la cause ceffant, il eft néceffaire que l'effet ceffe auffi.

CHAPITRE X V.

Des effets de la profeffion en Religion, par rapport aux conjoints par mariage précédent.

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Left de principe qu'un mariage, quoique contracté conformément à toutes les régles, eft beaucoup plus aifé à dissoudre, lorfqu'il n'a pas été confommé, que lorsqu'il l'a été. Matrimonium ratum, dit Van-Efpen, jur. Eccl. univerf. part. 2, tit. 15. Cap. 1, n. 7, non confummatum, quamvis fit perfectum in ratione matrimonii antè confummationem, faciliùs folvi nihilominùs, quoad vinculum quàm matrimonium ratum & confummatum, nemo Catholicorum dubi

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Gratien, cauf. 27, queft. 2, can. 26, prouve, par différens paffages, que le vœu en religion fait par l'un des deux conjoints, du confentement de l'autre, diffout le mariage. Il rapporte le fragment d'une lettre du pape Nicolas I. à Charles II. roi de France, conçue en ces termes : Scripfit nobis Thietberga regina se regia dignitate, vel maritali copulâ velle exui, & folâ vitâ privatâ effe contentam defiderare. Cui nos fcripfimus non aliter hoc fieri posse, nifi eamdem vitam conjux ejus Lotharius elegerit. Le même pape, dans une autre épître au roi Lothaire, lui dit : Nam licet fit fcriptum, quod Deus conjunxit, homo non feparet, Deus tamen, &non bomo feparat, quando divini amoris intuitu ex confenfu utriufque conjugis matrimonia diffolvuntur. Aliter autem fieri mutuam fepaTationem veftram prohibemus.

Cette matiere eft traitée avec beaucoup d'étendue dans les décrétales au titre de converfione conjugatorum. Comme il s'y trouve des décisions fort curieufes fur cette matiere, nous croïons devoir en faire ici une analife.

Dans le premier chapitre, le pape Alexandre III. décide que, quoiqu'un homme marié fût entré dans un couvent & y eût fait profeffion du confentement de fa femme; fi cependant elle demeure dans le monde, & refuse de faire vœu de chafteté, on doit obliger fon mari de retourner avec elle. La glofe, fur le mot

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revocari, pour concilier ce chapitre avec d'autres, dont la difpofition paroît contraire, fait une diftinction. Elle dit que, fi la femme eft jeune & d'âge à ne pouvoir refter dans le monde fine fufpicione fornicationis, il ne fuffit pas alors qu'elle confente que fon mari faffe profeffion; il faut qu'elle s'engage auffi de fon côté dans quelque monaftere. Non fufficit fola licentia uxoris, nifi & ipfa fimiliter convertatur. Mais fi elle eft d âge à ne pouvoir être foupçonnée d'incontinence, elle n'est point alors obligée de faire profeffion.

Le même pape décide, dans le chapitre fecond, que l'un des deux époux peut, avant que le mariage ait été confommé, s'engager malgré l'autre dans un monaftere; auquel cas le lien du mariage eft tellement rompu, que celui qui refte dans le monde peut en contracter un autre. Et dans le chapitre 7, ce pape ajoûte que, fi l'époufe qui n'a pas été connue de fon mari veut entrer en religion, on peut l'obliger de faire profession dans un certain tems, finon d'habiter avec fon mari; quia, cum non fuiffent una caro fimul effecti, fatis poteft unus ad Deum tranfire, & alter in fæculo remanere. C'est encore ce qui est décidé par le pape Celestin III. dans le chapitre 14 du même titre.

Si un homme marié s'eft engagé dans l'état monaftique fans le confentement de fa femme; ou s'il a emploïé la force & la violence pour arracher ce confentement, elle est toujours en droit d'exiger qu'il rentre dans le monde, pour revenir vivre maricalement avec elle; parceque, comme dit l'Apôtre, Vir non habet poteftatem fui corporis, fed mulier. Et lorfque la femme vient à mourir, on ne peut pas forcer ce mari à rentrer dans la vie monaftique, d'où elle l'avoit tiré : mais il ne peut pas contracter un autre mariage. Telle eft la décision d'Alexandre III. dans le troifiéme chapitre ; & Urbain III. au chapitre 9, ajoûte que, fi la profeffion s'eft faite du confentement de la femme, & qu'elle vienne à décéder fans que fon mari religieux ait demeuré dans le monastere, il ne peut pas fe remarier, & on peut le forcer à entrer dans un couvent. Les chapitres 10, 11 & 12, difent què le vœu de chafteté prononcé par un des conjoints, même du confentement de l'autre, n'ôte point à celui-ci le droit d'exiger les devoirs du mariage; & ils ajoûtent que, fi l'un des mariés fait profeffion, altero fciente & diffimulante, il ne peut pas après fon veuvage, retourner au fiécle.

Dans le chapitre 4, le même pape Alexandre III. décide qu'un mari ne peut pas entrer dans un monaftere & y faire profeffion,

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à moins que la femme ne faffe auffi profeffion de fon côté : ou du moins il faut que fon âge, ou que quelques autres raisons auffi fortes la mettent à l'abri de tout foupçon d'incontinence, & qu'elle promette de vivre dans la chafteté. Les chapitres 8 & 13 décident la même chofe.

Dans le chapitre 5, ce pape veut encore qu'un mari ne puisse être promû aux ordres facrés, nifi ab uxore continentiam profitente fuerit abfolutus. Et dans le chapitre 6, il dit qu'un mari ne peut être promû à l'épiscopat, nifi uxor priùs, professa continentiam, facrum fibi velamen imponat, & religiofam veftem affumat. On a cependant vû un évêque de faint Malo, dont la femme étoit vivante, qui demeura toujours dans le fiécle, fans avoir fait profeffion dans aucun monaftere.

Dans le chapitre 15, le pape Innocent III. dit qu'une femme adultére ne peut pas redemander fon mari qui a fait profession; & dans le chapitre 19, le pape Gregoire IX. décide que les femmes adultéres font obligées de demeurer dans les couvents fi les maris ne les veulent pas reprendre. Mulieres verò quæ, relicto maritali thoro, lapfu carnis ceciderunt, fi mariti earum, à te diligenter commoniti, eas ad frugem melioris vita converfas noluerint recipere propter Deum; in clauftris cum religiofis mulieribus ftudeas collocare, ut perpetuam pænitentiam ibi agant. Et dans le chapitre dernier, il est dit que fi le mari avoit paffé chez les infidéles, sa femme pourroit librement faire profeffion.

Si l'on veut paffer à l'examen des loix civiles fur cette matiere, la premiere qui nous tombe sous la main est la novelle 22, cap. 5, dont voici les termes: Secundùm occafionem itaque inculpabilem quando converfationem altera eligit pars, ad meliorem migrans vitam

fub caftitate converfationem concupifcens. Tunc enim lex alia noftra dicit licentiam effe viro & mulieri ad meliora migranti, tranfigere matrimonium & abfcedere, quodam brevi dimiffo, ei qui relinqui tur, folatio.

Juftinien, de qui eft cette loi, s'explique encore en ces termes fur la même matiere, dans fa novelle 117, cap. 12. Pradictis caufis profpeximus etiam has nominatim adjicere, ex quibus matrimonia fine pana licet tranfigere .. .... de bis viris ac faminis qui, confiftente matrimonio, fan&timonialem converfationem & monafterii habitationem elegerint.

S. Grégoire, Lib. 9, epift. 39, foutient que ces loix ne doivent point être obfervées. Voici comment il s'explique. Si enim dicunt religionis causâ conjugia debere diffolvi, fciendum eft quia etfi hoe lex

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