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De la ceffation de la nobleffe du Religieux.

L y a quelqu'état dans le monde incompatible avec l'idée religieux, qui par fes vœux a renoncé à toutes les pompes du monde, pour vivre dans l'humilité la plus exacte & la plus profonde. D'ailleurs quel avantage tireroit-il de cette nobleffe quand même il la conferveroit? Dépouillé de tout, & ne faisant plus partie de la fociété civile, il n'auroit aucune occafion pour faire valoir les avantages de fa naiffance.

Il est cependant une occafion où elle lui profite. C'est dans le cas où il fe procure des grades dans une univerfité.

Quoique les mandats, les réserves & les expectatives aïenɛ toujours été odieufes en France, cependant ceux que l'on accorde aux perfonnes qui étudient dans les univerfités ont toujours été regardés favorablement. Le concile de Bafle même, fi oppofé à ces fortes de manœuvres, loin de défaprouver les expectatives qui s'accordoient aux étudians, leur réserva le tiers des prébendes; en forte qu'après que le collateur ordinaire avoit conféré librement deux prébendes, il étoit obligé de conférer la troifiéme à un gradué dûment qualifié. A ce decret, qui ne regardoit que les prébendes des églifes cathédrales, la pragmatique-fanction faite à Bourges fous Charles VII. ajoûta les bénéfices-cures & les chapelles. Ainfi le tiers de prefque tous les bénéfices fut affecté aux gradués.

Le concordat a apporté quelques changemens à ces dispositions mais ces changemens ne tendent qu'à affurer davantage le droit des gradués, & à le mettre à l'abri de toute contestation. Au lieu de compter le nombre des bénéfices conférés par un collateur, il leur accorde tous ceux qui vaquent pendant quatre mois de l'année, qui font Janvier, Avril, Juillet & Octobre. De ces quatre mois, deux font appellés mois de rigueur; parceque les bénéfices qui vaquent pendant ces deux mois doivent toujours être conférés au plus ancien gradué nommé. Ces deux mois font ceux de Janvier & de Juillet. Les deux autres font appellés mois de faveur; parceque les collateurs font libres de conférer, pendant ces deux mois, les bénéfices à tels gradués qu'ils jugent à propos, fans avoir égard à l'ancienneté, ni à la qualité de

gradué nommé. Il fuffit que la collation foit en faveur d'un gradué, quel qu'il foit.

On diftingue deux fortes de gradués : les uns font gradués fimples; les autres font gradués nommés.

Les gradués fimples font ceux qui n'ont en leur faveur que le tems d'étude prefcrit par le concordat, & leurs lettres de degrés. Ces gradués ne peuvent afpirer, en cette qualité, qu'aux bénéfices qui vaquent pendant les mois de faveur.

Les gradués nommés font ceux qui, outre le tems d'étude & les lettres de degrés, ont des lettres de nomination d'une univerfité fameufe, qui les a préfentés à un Collateur, ou à un patron Eccléfiaftique, pour être pourvûs des bénéfices vacans pendant les deux mois de rigueur.

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La différence qu'il y a entre ces deux fortes de gradués eft que les derniers peuvent être, comme les autres, choifis par les collateurs pour remplir les bénéfices qui vaquent pendant les mois de faveur mais en outre ils ont droit de fe faire conférer, par les collateurs auxquels ils ont été préfentés, ceux qui vaquent pendant les mois de rigueur; & ce, fuivant l'ordre d'ancienneté: c'est-à-dire que, quand plufieurs gradués ont été préfentés au même collateur, le plus ancien d'iceux, qui n'eft pas encore pourvû & rempli, a droit de requérir préférablement aux autres.

Pour jouïr de cette expectative, il faut avoit étudié dans une univerfité fameufe, pendant le tems prefcrit par le concordat. Ce tems eft de dix ans d'étude, pour les docteurs ou licentiés en théologie; de fept ans, pour les docteurs ou licentiés en droit canonique, en droit civil, ou en médecine; de cinq ans, pour les maîtres ès arts, à commencer par la logique, ou par des études dans une faculté fupérieure; de fix ans, pour les bacheliers en théologie; de cinq ans, pour les bacheliers en droit canonique, ou en droit civil.

Mais on a crû devoir, dans cette circonftance, honorer la nobleffe d'une grace particuliere. Ceux qui font nobles du côté paternel & du côté maternel ont l'avantage de pouvoir obtenir des bénéfices, comme bacheliers en droit civil & en droit canonique, après avoir étudié trois ans feulement dans cette faculté. Et pour ufer de ce privilége, il fuffit qu'ils rapportent un certificat délivré par le juge ordinaire du lieu de leur naiffance, fait fur la dépofition de quatre témoins en jugement, qui atteftent la noblefie de l'un & de l'autre côté.

Quelques ordres religieux font dans l'ufage d'envoïer de leurs

fujets faire leurs études dans les univerfités, pour y prendre des degrés. Tels font les Bénédictins de Cluny, les chanoines réguliers de Prémontré non réformés, & les quatre ordres mendians. Or ceux de ces religieux qui font fortis d'un pere & d'une mere nobles jouïffent, quand ils le veulent, du droit accordé à leur naiffance par le concordat.

LIVRE III.

Des caufes qui peuvent faire ceffer la mort civile encourue par la profeffion en religion.

I

L

y a plufieurs cas dans lefquels un religieux peut recouvrer la vie civile. Nous allons les expliquer, en autant de chapitres.

CHAPITRE I.

De la réclamation contre les vœux.

A réclamation contre les vœux eft une voie de droit, qu'on

Lemploie pour faire déclarer nuls des voeux qui le font on

en

effet; & en conféquence, pour se faire reftituer dans tous les droits de cité.

de

Comme perfonne ne peut être juge dans fa propre cause, il eft néceffaire que cette nullité foit prononcée juridiquement. Nous allons donc examiner quel eft le juge compétent en cette matiere. Nous indiquerons enfuite quelles font les formalités néceffaires pour parvenir pour parvenir à faire prononcer la nullité des vœux. Nous parcourerons, en peu mots, les moïens de réclamation; & nous finirons par l'examen des effets que produit un tel jugement. Ileft certain que le vœu folemnel en religion a du rapport, en même tems, à l'église & à l'état. Celui qui l'a prononcé s'engage envers Dieu. "C'est à lui qu'il fait la promeffe contenue dans fes vœux. Ils font donc, à cet égard, de la compétence de l'églife. Mais, d'un autre côté, l'engagement qui résulte de la profeffion retranche le profès de la fociété, en le rendant inca

pable des effets civils; & c'eft en ce fens que le vœu en religion a rélation à l'état, qui eft par conféquent intéreffé à connoître de la validité ou de la nullité de ces vœux.

Quoique, fous cet afpect, la compétence des juges féculiers foit fondée; néanmoins toutes les fois que ces queftions fe font préfentées, on en a renvoïé la connoiffance aux juges eccléfiaftiques, & l'on s'eft conformé à leurs jugemens. La raifon eft que ce qui concerne l'état civil, en cette partie, n'eft qu'une fuite & un acceffoire du væu. Un religieux ne ceffe d'être citoïen, que parcequ'il a prononcé des vœux. Or il eft conftant que l'acceffoire ne peut pas l'emporter fur le principal. D'où il fuit que le juge d'églife feul eft compétent en cette matiére.

M. Talon, avocat général, lors d'un arrêt du 3 Septembre 1681, dit que, fi le parlement prend connoiffance de ces matieres, ce n'eft que par la fin de non-recevoir; quand, par exemple, un religieux réclame après les cinq ans, ou quand il n'y a point de profeffion par écrit, ou qu'elle a été faite avant l'age porté par les canons; parceque les canons de l'églife ont été violés, & qu'il appartient au Roi & à fes officiers, qui en font les protecteurs, d'en maintenir l'exécution. Mais, continuoit ce magiftrat, lorfqu'il s'agit du fond du væu, & de fa validité, les juges eccléfiaftiques font en poffeffion d'en connoître, foir parcequ'ils ont en eux le fond de la jurifdiction fprirituelle, foit parcequ'ils y ont joint celle que les princes féculiers leur ont accordée, en augmentant celle qu'ils avoient déja, en leur pere mettant de l'exercer avec l'appareil d'un tribunal extérieur, & en obligeant les juges temporels à tenir la main, fans examen de caufe, à l'exécution publique des jugemens de l'églife. Er c'est dans ces matieres, qui font mixti fori, que paroît davantage cette concorde, cette union & cette déférence mutuelle entre les deux puiffances qui doivent faire le bonheur & la tranquil lité des peuples.

Ces maximes font conformes à ce qui a été depuis réglé par l'article 34 de l'édit de 1695, qui s'exprime ainfi : » La con» noiffance des caufes concernant les facremens, les veux de » religion, la difcipline eccléfiaftique, & autres purement fpiri»tuelles, appartiendra aux juges d'églife. Enjoignons à nos offi >> ciers, & même à nos cours de parlement, de leur en laiffer, » & même de leur en renvoïer la connoiffance, fans prétendre >> aucune jurifdiction ni connoiffance des affaires de cette nature; » fi ce n'eft qu'il y eût appel comme d'abus, interjetté en nos dites,

de quelques jugemens, ordonnances faites fur ce fujer » par les juges d'églife, ou qu'il s'agit d'une fucceffion, ou autres » effets civils, à l'occafion defquels on traiteroit de l'état des » perfonnes décédées, ou de celui de leurs enfans.

L'article 35 porte que, » Nos cours ne pourront connoître ni >> recevoir d'autres appellations des ordonnances & jugemens » des juges d'églife, que celles qui feront qualifiées comme » d'abus. >>

C'eft fur un pareil motif que le confeil du Roi, par arrêt du 3 Juillet 1685, intervenu à la pourfuite & diligence des agens généraux du clergé, avoit caffé un arrêt du parlement de Paris du 7 Juillet 1682. Dans l'efpéce de cet arrêt, François Jariel étoit appellant comme d'abus de deux prétendus actes de profeffion par lui faits dans l'abbaïe de la Coûture du Mans, ordre de faint Benoît, les 3 Mai 1657, & 17 Novembre 1665, enfemble de la fentence rendue par le vice-gérent de l'official du Mans, le 18 Avril 1680, par laquelle il avoit été déclaré non-recevable en l'entérinement du bref par lui obtenu en cour de Rome, le 20 Septembre 1677. En conféquence, il lui étoit enjoint de retourner en ladite abbaïe, d'y porter l'habit monachal, & d'y vivre fuivant la conftitution de la régle, fous les peines portées par le concile.

Sur l'appel de ces différens actes, le parlement prononça ainfi : » La cour dit, qu'il a été mal, nullement & abufivement per» mis, procédé & ordonné. Déclare nulles les deux profeffions » de l'appellant, faites contre les ordonnances; & en confé»quence l'a rendu capable des effets civils : & faifant droit fur » les conclufions du procureur général du Roi, fait défenses » à tous fupérieurs réguliers de recevoir aucunes perfonnes à » profeffion, & aux peres, meres & tuteurs d'en préfenter, qu'elles n'aient feize ans accomplis, fuivant l'ordonnance, à » peine d'être procédé extraordinairement contre les contreve

>> nans. >>

Cet arrêt fut caffé, parceque quand les cours qui connoiffent par appel comme d'abus des refcrits de cour de Rome, des profeffions & des jugemens eccléfiaftiques, fur les réclamations des vœux folemnels, jugent qu'il y a abus, elles doivent fimplement dire qu'il y a abus, fans prononcer la nullité des vœux, ni rendre la capacité des effers civils, nonobftant lefdits vœux; parceque la connoiffance de la validité, ou de la nullité de ces fortes d'actes, eft de la compétence des feuls juges d'église.

C'est

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