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C'est ce qui eft énoncé dans l'arrêt de caffation, qui ajoûte : » Sauf audit le Jariel à fe pourvoir pardevant les juges fupé» rieurs eccléfiaftiques, fur la prétendue nullité de fes vœux, » ainfi qu'il avifera bon être. Enjoint, aufdits juges eccléfiafti»ques, de juger conformément à l'article 28 de l'ordonnance » de Blois ; &, au furplus, l'arrêt du parlement exécuté fuivant >> fa forme & teneur. » Ces deux arrêts font rapportés au journal des audiences.

Par la même raifon, lorfque les cours jugent qu'il y a abus dans les refcrits de cour de Rome, ou dans les fentences des juges d'église qui relèvent des vœux, elles doivent fe contenter de prononcer qu'il y a abus, fans ordonner que le religieux sera réintégré dans fon monaftére.

François le Loïal avoit obtenu un bref qui le relevoit des vœux par lui prononcés dans le monaftére des Auguftins de Châlons en Champagne, & une fentence de l'official qui entérinoit ce bref. Les parens interjetterent appel comme d'abus de l'un & de l'autre. M. Portail, alors avocat général, & depuis premier préfident, conclut à ce qu'il fût dit qu'il y avoit abus, tant dans l'obtention du bref de cour de Rome, que dans la fentence d'entérinement; en conféquence, que l'intimé feroit réintégré dans fon monastére : mais l'arrêt, qui eft du 11 Janvier 1706, dit fimplement qu'il y avoit abus; & Augeard, qui rapporte cet arrêt, obferve que M. de Harlay, premier préfident, dit que l'édit de 1695, concernant la jurifdiction eccléfiaftique, ne donnoit pouvoir aux juges laïques que de juger de l'abus, & qu'il falloit le pourvoir pardevant le juge eccléfiaftique, pour obliger le Religieux à rentrer dans fon couvent.

Les auteurs qui, comme Fevret, ont écrit avant l'édit de 1695, étoient attachés à des maximes bien différentes, fur cette matiere. Ils difoient que, quand ces fortes de conteftations font portées dans les cours fouveraines, par la voie de l'appel comme d'abus, l'églife ne peut pas fe plaindre que l'on entreprenne fur fes droits, puifque l'abus ne peut être jugé que par le Roi en fon confeil, ou par les cours fouveraines, dépofitaires de fon autorité. D'ailleurs les jugemens eccléfiaftiques, prononcés fur la valilidité des vœux en religion, rendent indirectement le religieux, ou la religieufe capables des effets civils, lorfque la nullité eft prononcée. Or, fi le juge a commis quelqu'abus, foit dans la forme, foit au fond, ce qui arrive toutes les. fois qu'il y a infraction aux faints canons, ordonnancés, édits & déclarations,

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arrêts & libertés de l'églife gallicane; c'est aux cours fouveraines feules à réformer ces abus.

D'ailleurs, quand les parlemens prononcent fur l'abus ils ne touchent point à la puiffance des clefs; parcequ'ils ne reçoivent aucun appel, même qualifié comme d'abus, des refcrits émanés du faint fiége, touchant l'annullation des vœux : ces fortes d'appellations ne font reçûes, en ce cas, que quant à la fulmination & l'exécution des refcrits; en forte qu'à proprement parler l'abus ne concerne pas le fond, ni le vœu en foi, mais feulement la conduite que l'on tient dans l'exécution du refcrit, qui, fi elle eft abufive, peut être déclarée telle par les juges fouverains, qui font juges naturels de l'abus.

Enfin, comme un jugement prononcé en cour d'églife, qui annulle des vœux en religion, tend à rendre féculier & laïque, celui qu'on croïoit religieux, qu'il l'autorife, par conféquent, à rentrer dans les biens qu'on croïoit qu'il avoit laiffés, & à partager les fucceffions; les parens ont intérêt de fçavoir si l'official a bien ou mal prononcé, en rendant un religieux au monde; &, pour s'en affurer, ils interjettent appel comme d'abus, non pour connoître de la validité ou invalidité du væu, un tel moïen d'appel feroit rejetté: mais ils fe fondent fur les contraventions aux faints conciles, fur la dérogation aux ordonnances roïaux, ou entreprise fur le temporel, qui dépend uniquement de l'autorité fouveraine du Roi; ou fur la contravention formelle aux arrêts donnés en femblables matieres: qui font tous moïens légitimes d'abus, & auxquels les eccléfiaftiques même ont recours. On voit, en effet, tous les jours des appels comme d'abus interjettés de mariages; & quand le parlement prononce qu'il a été mal, nullement & abufivement procédé à la célébration du mariage, il eft regardé comme nul & non avenu; & les parties font libres d'en contracter un nouveau, foit entr'elles, s'il y a lieu, foit avec d'autres perfonnes. De même, lorfque la cour a déclaré abufive une fentence qui déclaroit des vœux nuls, cette fentence n'existe plus, & ne peut, en conféquence, produire aucun effet. Celui qui l'avoit obtenue eft donc dans le même état qu'il étoit auparavant. Il étoit dans les liens de fes vœux; il y eft encore, puifque le jugement qui l'en avoit délivré est nul. Si ce religieux eft hors de fon couvent, lors de cet arrêt, il doit y être réintégré. Cette réintégration eft une affaire de discipline extérieure, dont la manutention appartient à la puiffance féculiere. Il y a plus. S'il y a réfiftance de la part du religieux, la

juftice e ccléfiaftique ne peut pas le contraindre. Il faut qu'elle implore le bras féculier.

Quoiqu'il en foit, la loi exifte, les parlemens s'y font foumis, par l'enregistrement qu'ils en ont fait; & ils la maintiennent, en l'exécutant.

Au furplus, lorsque la perfonne des voeux de laquelle il s'agit eft morte, & que quelqu'un a intérêt de difcuter la validité de fes vœux ; fi, par exemple, il s'eft marié poftérieurement, & qu'il ait laiffé une femme & des enfans ; comme il n'eft quef tion alors que de leur état, & nullement de l'exécution d'un væu, les cours fouveraines font feules compétentes, par la voïe de l'appel comme d'abus.

La premiere formalité, en matiere de réclamation, eft qu'elle foit faite dans les cinq ans, du jour de la profeffion. Quicumque regularis pratendat fe per vim & metum ingreffum effe religionem, aut etiam dicat antè ætatem debitam profeffum fuiffe, aut quid fimile, velitque habitum dimittere quâcumque de caufâ, aut etiam cum habitu difcedere fine licentiâ fuperiorum; non audiatur, nifi intrà quinquennium tantùm à die profeffionis, & tunc non aliter, nifi caufas quas prætenderit, deduxerit coràm superiore fuo, & ordinario. Concil. Trident. sess. 25 de regular. cap. 19.

La raifon pour laquelle on ne doit point écouter celui ou celle qui n'a point obfervé cette formalité, eft qu'on préfume que ceux qui ont laiffé paffer plus de cinq ans fans fe plaindre, ou fans prendre un acte par écrit de leur plainte, ont ratifié tacitement leur profeffion.

Il n'eft pas néceffaire que la réclamation fe faffe juridiquement dans les cinq ans : il fuffit que les caufes fur lefquelles on prétend la fonder foient confignées dans un acte autentique, paffé pardevant notaire, & fignifié au fupérieur, ou à l'ordinaire, dans les cinq ans. Ainfi le juge d'églife qui ordonneroit la preuve par témoins, que celui qui réclame a fait fes proteftations dans les cinq ans, commettroit un abus. La raison, fuivant Fevret, liv. 5, chap. 3, n. 26, eft que, comme il faut que la profeffion monachale foit juftifiée par écrit, & non point par témoins, il faut auffi que la réclamation, faite contre cet acte, foit par écrit. En effet, la preuve teftimoniale feroit trop dangereuse dans une matiere auffi délicate. Le même auteur rapporte un arrêt du parlement de Dijon, du 22 Mai 1645, qui déclara y avoir abus dans l'ordonnance préparatoire des commiffaires délégués par le pape, qui portoit, qu'une religieufe de l'ordre de faint Domini

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que prouveroit par témoins, qu'elle avoit réclamé dans les cinq ans prefcrits par le concile.

De fimples proteftations, faites pardevant notaires, & qui n'auroient été fuivies d'aucune démarche pendant dix ans, ne fuffiroient pas pour interrompre la prefcription de cinq années portées par le concile. C'eft ce qui fut jugé par l'arrêt de 1706, dont nous avons parlé plus haut. M. Portail, avocat général, obferva que François le Loïal s'étoit lui-même départi de l'effet de fa proteftation, fondée fur le défaut de noviciat, & qu'il y avoit renoncé par une conduite toute oppofée, aïant ratifié ses vœux par la profeffion libre & publique de fon état pendant dix ans, & en prenant, dans cet intervalle, tous les ordres, fous le titre de pauvreté. Or cette ratification eft fondée fur plufieurs canons de nos conciles, qui veulent que le religieux qui se préfente à l'ordination apporte une preuve par écrit de fa profeffion, & affirme par ferment, en préfence de l'évêque, qu'il a fait cette profeffion, & qu'il l'a ratifiée de fon propre mou

vement.

Il en feroit de même, quand l'acte de proteftation auroit été fait pardevant notaires, & dénoncé au fupérieur & à l'ordinaire dans les cinq ans s'il s'étoit écoulé, depuis, un tems affez confidérable, pour faire préfumer un ratification tacite.

La cour de Rome accorde quelquefois une difpenfe contre le laps de cinq ans, depuis la profeffion, quoiqu'il n'y ait eu aucune déclaration faite ni au fupérieur, ni à l'ordinaire: mais, pour qu'il n'y ait point d'abus dans une pareille dispense, il faut que celui qui l'a obtenue n'ait point eu la liberté de proposer, dans les cinq ans, fes moïens de réclamation; comme dans le cas où les religieux fe feroient accordés avec les parens du ргоfès, pour l'empêcher de fe pourvoir par les voies de droit. Car la prefcription ne court pas contre ceux qui ne peuvent agir.

Févret, livre 5, chapitre 3, no 25, rapporte, fur cette matiere, plufieurs arrêts qui l'ont ainfi jugé, dans les deux efpéces.

On demande fi c'eft une formalité requise, en matiere de réclamation, d'avoir recours au pape, pour obtenir un bref qui relève des vœux. Plufieurs tribunaux font dans cet usage • mais toutes les officialités du reffort du parlement de Paris admettent les réclamations, fans exiger aucun bref, quand même les cinq ans feroient écoulés, fans qu'il y eût eu de réclamation; & on trouve, dans tous nos livres, une foule d'arrêts, qui ont

autorifé cette pratique. Voyez, entr'autres, le cinquiéme tome du journal des audiences.

Cet ufage eft fondé en droit & en raison. En effet, suivant la difpofition de la pragmatique-fanction, & du concordat, tit. de caufis, §. ftatuimus, l'official doit connoître, en qualité d'ordinaire, de toutes les caufes, à la réferve de celles qui font majeures & contenues dans le droit. Le concile même, tout favorable qu'il eft à la cour de Rome, n'exige point l'intervention de fon autorité. Il fe contente d'ordonner, que celui qui demande d'être reftitué contre fes vœux ait déduit fes raifons devant fon fupérieur, & devant l'ordinaire. D'ailleurs il n'eft pas question, dans ce cas, d'obtenir difpenfe d'un vœu ; mais de déclarer fimplement, qu'il n'y a point eu de vœu qui lie valablement celui qui réclame : & la jurifdiction ordinaire eft compétente pour cet effet, puifqu'il ne s'agit que de la difcuffion d'un point de fait. Enfin la profeffion d'un religieux ne renferme aucun droit particulier, qui ne fe rencontre dans le facrement de mariage. Quand une des parties réclame contre la parole qu'elle a donnée à la face des autels, & demande d'être remife dans fon premier état, on ne l'oblige point de recourir à Rome, pour en obtenir une bulle, ou un bref ; & l'official connoît, en premiere instance, de ces fortes d'affaires.

Il eft vrai que le parlement de Touloufe & celui de Bordeaux ont une jurifprudence contraire, & qu'ils prétendent que la jurifdiction de l'évêque doit être excitée par un bref du pape, pour pouvoir prononcer fur la nullité de la profeffion d'un religieux qui réclame. Cette jurifprudence n'a, fans doute, d'autre objet que de rendre ces fortes de réclamations plus difficiles. Il eft cependant vrai que ces refcrits ne font rejettés dans aucun parlement de France. Ôn fe contente, dans la plupart, de n'en point exiger mais on ne laiffe point de les fulminer, s'il y a lieu, lorfqu'ils ont été obtenus.

On obferve feulement de les déclarer abufifs, quand, au lieu d'émaner du pape même, ils émanent de la congrégation des cardinaux établis pour les affaires des réguliers. Nous en avons dit les raifons plus haut, en parlant de cette congrégation.

On demande encore fi le décret du concile de Trente doit être obfervé avec une telle rigueur, qu'il ne foit pas poffible d'être écouté dans une réclamation, lorfque les cinq ans font écoulés?

Pour répondre à cette queftion, il faut diftinguer, en matiere de vœux, deux fortes d'empêchemens. Les uns font perpétuels,

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