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d'une fécularisation, de les entendre, & de leur communiquer les bulles avant que de les fulminer & de les registrer dans les cours féculieres. Tous les intéreffés à ce changement d'état doivent être appellés : mais il n'y en a point dont les intérêts foient plus fenfibles que ceux des évêques.

On agite, fur la même matiere, une autre question. C'est une difcipline établie en France & confirmée par les ordonnances des Rois, d'obliger les collégiales où il y a plus de dix prébendes d'avoir, outre la premiere dignité, une prébende théologale. L'article 33 de l'ordonnance de Blois y eft formel. Or on demande fi cette charge s'étend aux monafteres fécularifés, quand ils n'y ont point été affujettis par la bulle de fécularisation.

La raifon de douter eft que, avant la fécularisation, les monafteres n'avoient point de théologal, quoiqu'il y eût plus de dix places monachales, outre l'abbé. Mais l'ufage du roïaume eft de les affujettir à cette obligation, quand elles font dans une ville où il n'y a point de cathédrale. On a confidéré que l'établissement d'une prébende théologale n'est pas moins pour l'utilité du clergé que pour celle des peuples; le théologal étant obligé de faire des leçons pour l'un & pour l'autre. L'églife veut que, dans les monafteres confidérables, il Y ait un religieux, ou autre, qui foit chargé de faire des leçons de théologie; ce qui tient lieu de théologal dans les églifes fécularifées.

On excepte les églifes fituées dans les villes où il y a une cathédrale. C'est un ufage ordinaire dans les églifes de France, de ne point établir de théologaux dans les collégiales qui font dans les villes épifcopales. Il y en a cependant quelques-unes; mais cela eft rare : & quoique la bulle de fécularifation régle qu'il y aura une théologale dans une église de cette efpéce, cette claufe n'a point d'exécution. Nous en avons la preuve dans la bulle de fécularisation de l'abbaïe d'Ainay à Lyon, qui ordonne en termes précis, qu'il y aura une théologale & une pénitencerie : mais cette claufe n'est point exécutée, & il n'y a ni l'une, ni l'autre. Toute bulle qui contient quelque chofe de contraire à nos mœurs n'eft point exécutée à cet égard.

Enfin on demande fi la fécularifation d'une abbaïe, tam in capite, quàm in membris, comprend les prieurés conventuels qui en dépendent, lorfque la bulle eft enregistrée purement & fimplement, & fans aucune modification.

La raison de douter eft, que ces fortes de prieurés ne font, à proprement parler, que des démembremens de l'abbaïe. Ils en

font partie. Ainfi il paroît que la bulle, par ces mots, tam in capite quàm in membris, étend fa grace non-feulement fur le chef-lieu, mais fur tous les membres qui en dépendent.

Cependant, quoique le prieuré conventuel ait été jugé féculier par arrêt, le fupérieur de l'abbaïe fécularisée ne laiffe pas d'être en droit de s'en plaindre, d'interjetter appel comme d'abus de la bulle, en forme d'oppofition à l'arrêt d'enregistrement, & de relever tous les vices de la fécularisation, pour faire juger le bénéfice dépendant régulier & conventuel. Ainfi jugé par arrêt du mois de Juin 1709, au fujet du prieuré de faint Romain, dépendant de l'abbaïe d'Ainay. Cet arrêt eft rapporté au cinquiéme tome du journal des audiences.

DISTINCTION I I.

Des fuites de la fécularisation par rapport à chaque religieux en particulier.

Nous avons fait voir que les vœux folemnels en religion, quand leur émiffion eft légitime & accompagnée de toutes les formalités prefcrites par les canons & par les loix civiles, emportent une mort civile irrévocable. Il fuit naturellement de ce principe, que la fécularisation d'un couvent ne peut pas rendre les droits civils aux religieux qui, lors de cette fécularifation fe trouvent engagés dans les liens d'une profeffion folemnelle & légitime.

Les effets de la bulle qui les fécularifè fe bornent à leur donner le droit de ceffer de vivre en communauté & d'observer la difcipline extérieure de la régle à laquelle ils étoient foumis. Elle les autorife, fi l'on veut, à quitter l'habit.monachal, pour prendre celui des prêtres & des chanoines féculiers: mais ils ne rentrent dans aucun des droits civils auxquels ils ont renoncé par leurs vœux. En un mot, ils continuent toujours d'être morts civilement, comme ils l'étoient auparavant.

Cette décision eft fondée fur les principes, fur l'intérêt du bon ordre & de la tranquillité publique, & fur l'autorité des auteurs & de la jurifprudence.

Si l'on confidere les motifs légitimes qui déterminent ordinairement les fupérieurs à fécularifer un monaftere, & dont nous avons donné le détail plus haut, on verra qu'aucun de ces motifs n'influe fur la vie civile des membres du monaftere. En effet, il

peut

peut être utile pour le bon ordre & pour la décence du gouvernement eccléfiaftique, que les chanoines d'une cathédrale foient regardés comme féculiers. La diffipation dans laquelle les engagent les affaires du diocèfe, fur-tout lorfque le fiége eft vacant, peut être incompatible avec la vie réguliere. Il peut être vrai que l'ufage, ufurpé par les religieux qui compofent le chapitre d'une cathédrale, de jouïr chacun en particulier de leurs prébendes, ne s'accorde pas avec la pauvreté, dont tout régulier doit faire profeffion. Il peut encore arriver que le voisinage d'un marché trouble le repos dont les religieux doivent jouïr. Mais ces motifs & les autres, dont on prétexte ordinairement les fécularisations, ne mettent point les religieux qui l'obtiennent, à portée de reprendre les droits de cité, qu'ils ont irrévocablement abdiqués par leurs vœux. Il n'y a nul inconvénient qu'un homme vive en prêtre féculier, & qu'il foit en même tems privé des effets civils. Il y en auroit beaucoup au contraire à les rendre à un homme qui en eft privé depuis long-tems, & que l'on eft accoutumé de regarder comme n'existant plus dans la fociété. Un tel changement feroit contraire au droit divin & à la tranquillité publique.

Les vœux en religion font un engagement contracté avec Dieu même à la face de fes autels. Cet engagement eft irrévocable dans le fait, & dans l'intention de celui qui l'a contracté. Il n'a point compté fur une fécularisation qu'il ne pouvoit prévoir. Si les religieux fécularifés rentroient dans leurs droits, ce ne pourroit être que parcequ'ils feroient relevés de leurs vœux ; d'où il s'enfuivroit que ceux d'entr'eux qui ne feroient pas engagés dans les ordres facrés, lors de l'homologation de la bulle, pourroient contracter mariage, en abandonnant leur prébende, puifque le vœu de chafteté, qui les lioit, feroit anéanti. Or nous n'imaginons pas que perfonne puiffe fe livrer à une telle prétention, ni foutenir la légitimité d'un tel mariage. Si le vœu de chafteté n'est pas rompu, fur quel fondement voudroit-on prétendre que celui de pauvreté pût l'être ?

S'il en étoit autrement, de quels troubles & de quels défordres les familles de ces religieux ne feroient-elles pas affligées ? On s'eft accoutumé à les regarder comme morts civilement, & P'on étoit en droit de le faire. En conféquence, on a fait des partages, dans lefquels on ne les a point compris. Souvent même on a aliéné des héritages, qui ont paffé par plufieurs mains. Les fucceffions mobiliaires dans lefquelles ils auroient eu part, s'ils n'euffent point contracté d'engagement, ont été difperfées, ou

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diffipées. Or s'ils recouvroient la vie civile, ils feroient en droit d'exiger qu'on leur tînt compte de toutes ces chofes. Les poffeffions ne feroient donc jamais certaines & tranquilles.

C'eft fur ces motifs que Ricard, en fon traité des fucceffions, partie 1, chapitre 3, fection 4, n. 318 & 319, décide que, forfque d'un monaftere on fait une églife cathédrale, les religieux qui étoient alors dans le couvent font incapables, comme auparavant, quoiqu'ils deviennent chanoines: mais cette incapacité ceffe en la perfonne de ceux qui leur fuccédent. C'est auffi la décision de le Maître, fur la coutume de Paris, tit. 14, chap. 1, partie 2.

Brodeau fur Louet, lettre C, fomm. 8, rapporte un arrêt du grand confeil du 21 Mars 1622, confirmatif des bulles de fécularifation de l'abbaïe de faint Pierre de Vienne, qui porte que les chanoines de cette églife, qui étoient religieux profès avant la fécularifation, ou au tems qu'elle a été faite, ne pourront rien prétendre dans les fucceffions de leurs parens, foit directes foit collatérales, ni dans les fubftitutions, fidéicommis, donations ou autrement, échûs ou à écheoir, ni faire aucunes acquifitions, finon pour donner & aumôner à ladite abbaïe.

La derniere difpofition de cet arrêt prouve clairement que la fécularisation ne rend pas la vie civile. En effet, par quelle raifon les religieux fécularifés ne peuvent-ils acquérir que pour l'abbaïe? C'eft qu'ils n'ont pas acquis la capacité de polléder en propre. On ne peut pas oppofer que, s'ils font en état de faire des acquifitions, ce ne peut être que des épargnes qu'ils ont faites des revenus de l'abbaïe, qu'ils ont perçus, & à laquelle ils doivent par conféquent les rendre, étant comptables envers elle de tout ce qu'ils en ont retiré. En effet, s'ils recouvroient la vie civile, ils feroient capables de recevoir les donations. Or ils ne feroient en aucune maniere redevables de ces fortes d'acquifitions à l'abbaïe. Elles leur font néanmoins auffi précisément interdites, que celles qu'ils pourroient faire à titre onéreux. Ils pourroient même encore acquérir de plufieurs autres manieres qui leur feroient perfonnelles, & auxquelles l'abbaïe ne participeroit en rien, ni directement, ni indirectement.

Cette objection tombe donc d'elle-même, & l'incapacité de recevoir par donation eft une nouvelle preuve que les religieux ainfi fécularifés ne recouvrent point la vie civile; mais qu'ils font feulement difpenfés de la régle monachale.

Brodeau, à l'endroit cité, ajoûte que la même chose a été jugée

par autre arrêt du grand confeil, du 2 Avril 1626, confirmatif de la bulle de fécularisation de l'abbaïe de faint Pierre de Moissac, au diocèse de Cahors, & qu'il avoit écrit au procès.

CHAPITRE II I.

De la Sécularisation ad tempus d'un Religieux en particulier,

L arrive quelquefois que les fupérieurs les fupérieurs, pour des raifons

I particulieres, accordent à un religieux la permiffion de fortir

de fon couvent, & de porter l'habit féculier pendant un tems. Or on demande quels font les effets d'une pareille fécularisation?

Il eft conftant que de pareils actes ne peuvent jamais émaner des fupérieurs réguliers, dont toute l'autorité fe borne à la manutention de la difcipline intérieure. Ils peuvent bien obliger leurs religieux à la ftricte obfervance de la régle: mais il n'est pas en leur pouvoir d'en dispenser, fous quelque prétexte que ce foit ; & encore moins de permettre de rentrer dans le fiécle, ne fût-ce que pour un tems. Comme ces actes touchent à la difcipline extérieure, ils ne peuvent émaner que des fupérieurs féculiers, chargés de la maintenir, & ils ne les peuvent accorder fans de bonnes & juftes raisons: autrement il y auroit abus.

Tout fupérieur féculier n'a.même pas ce pouvoir: il est réservé au pape. Prefque tous les ordres monaftiques ont plufieurs couvents fitués en différens diocèfes du roïaume; en forte qu'un religieux attaché à un ordre n'eft attaché à aucun diocèfe, & qu'aucun ordre ne dépend, & ne peut dépendre d'un feul évêque. En un mot, foit raifon, foit ufage, la cour de Rome eft feule en poffeffion d'accorder ces fortes de difpenfes momentanées mais elles ne peuvent produire d'effet dans le roïaume, fi elles ne font fulminées par l'official du diocèse où réfide actuellement le religieux qui les a obtenues; & cette fulmination ne se fait qu'après une enquête de la validité & de la réalité des motifs allégués dans la fupplique, & fur lefquels le bref a été accordé. Au furplus, cette fécularisation momentanée ne produit aucun effet fur la vie civile de l'impétrant, dont les vœux fubfiftent toujours avec toutes leurs conféquences.

Si, avant le terme de cette fécularisation expiré, le religieux vouloit se faire transférer dans un autre ordre, il feroit tenu, Y yyyy ij

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