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» glife, qui fortiront à l'avenir de notre roïaume fans notre >> permiffion, fignée par un de nos fecrétaires d'état & de nos >> commandemens; ainfi qu'à ceux qui feront arrêtés fur les » frontiéres en état de fortir du roïaume; fçavoir à ceux qui feront » fortis, s'ils peuvent être appréhendés, finon par contumace, par »nos baillifs & fénéchaux, ou leurs lieutenans criminels, ou par nos »juges ordinaires des lieux où ils avoient leur dernier domicile & fai» foient leur demeure ordinaire avant leur fortie; & à ceux qui feront » arrêtés en fortant, par nos baillifs & nos juges des fiéges dans l'éten» duë defquels ils auront été pris; & que les uns & les autres foient » condamnés les hommes aux galéres à perpétuité, & les femmes » à être reclufes dans les lieux qui feront ordonnés par nos juges, » avec confiscation de biens tant des hommes que des femmes.

Quand une loi, destinée à lever des doutes qu'on avoit fait naître fur cette matiére, ordonne expreffément que le procès fera fait & parfait par contumace, peut-on penfer qu'elle n'a ordonné par-là qu'une vaine & inutile procédure, fans laquelle les peines étoient déja encourues & fubies, & devoient l'être de même par la fuite? C'est une régle dictée par les lumiéres naturelles, que toutes les fois qu'on cherche le fens d'une difpofition de loi, de contrat ou de teftament, il faut préférer l'interprétation qui donne à la difpofition un fens utile & raisonnable, à celle qui ne lui donne aucun fens, & à celle qui ne lui en donne qu'un inutile & abfurde; parcequ'on ne préfume pas que la loi ni les hommes aïent parlé pour ne rien dire, ou pour ne dire que des chofes inutiles & contraires à la raifon. Mais quand l'ufage de cette regle eft-il plus néceffaire, que lorfque ce n'eft pas fur une difpofition, entre mille, que l'on eft embarraffé; mais fur une loi entiére, & fur une ou plufieurs difpofitions qui compofent toute cette loi ?

Au reste, avions-nous befoin de preuves tirées des édits même pour prouver que leur intention n'a jamais été leur intention n'a jamais été que la mort civile fût encourue fans jugement? Nous avons établi plus haut, & nous ne fçaurions trop le répéter, que la mort civile n'est point une peine par elle-même, & qu'elle n'eft autre chofe que l'état d'un homme condamné foit à la mort naturelle, foit à une peine dont il doive porter le joug jufqu'à la fin de fa vie. N'étant donc que l'acceffoire d'une peine, comme perfonne n'est exposé à subir une peine s'il n'a été poursuivi & convaincu par l'office du juge; il faut de même un jugement pour opérer la mort civile. Comment encore ce jugement fi néceffaire se rend-t-il, & avec

quelle

quelle circonspection nos loix exigent-elles qu'on fe conduife dans cette matiére? Elles veulent qu'il foit l'ouvrage de fept juges au moins, quand il fe rend en dernier reffort; qu'aucun des juges n'ait été offenfé par l'accufé, de peur que le reffentiment ne fe mêle dans la décifion; que le jugement paffe à l'avis le plus doux, fi le plus févére ne prévaut d'une voix dans les procès qui fe jugent à la charge de l'appel, & de deux dans celles qui fe jugent en dernier reffort. Enfin dans les procès où il écheoit peine de mort naturelle, ou civile, de galérès, ou de banniffement, même à tems, l'ordonnance veut (à la vérité fans rien innover à l'usage obfervé dans les cours fouveraines) que les juges ne donnent à cette importante fonction que les heures du matin ; parceque c'est le tems de la journée où les fens font le plus raffis, & où toutes les forces de l'efprit se trouvent recueillies. Le parlement de Paris l'observe ainfi, quoique l'ordonnance ne lui en faffe pas une loi; & nous voïons que prefque tous les tribunaux du roiaume fe font impofé la loi de n'admettre à ces fortes de jugemens que des juges qui foient à jeun, afin que rien ne puisse troubler les opérations de l'efprit.

Telles font les régles pour tous crimes, & même pour ceux de lèze-majesté divine & humaine; car nos Rois ne fe font pas justice eux-même. Ils veulent que ceux qui ont eu le malheur de les offenfer foient, ainfi que les autres coupables, convaincus & condamnés par les juges, avant que de fubir la peine de leur

crime.

A l'égard de l'abfent, la condamnation même ne fuffit pas. Nous ferons voir dans la fuite que la mort civile n'eft encouruë en vertu de cette condamnation, que quand elle a été exécutée par effigie, ou par appofition de tableau: mais cette mort civile eft elle-même fi peu certaine, que, fi le condamné est arrêté, ou s'il fe repréfente dans un certain tems, l'ordonnance anéantit de plein droit les défauts & contumaces, fans qu'il foit besoin de Jugement.

En un mot, c'eft une régle du droit naturel, qu'un accufé ne foit point réputé coupable jufqu'à ce qu'il foit condamné, & à plus forte raifon, qu'un homme qui n'eft pas accufé ne fubisse point de peine. Une nullité dans la procédure fuffira pour rendre inutiles toutes les condamnations; & le défaut abfolu de procédures n'empêchera pas qu'un homme ne foit regardé comme condamné, & traité comme tel!

Qu'il demeure donc pour conftant que les loix publiées pen

M

dant le fiécle dernier & au commencement de celui-ci, pour défendre aux fujets du Roi de fortir du roïaume, ne concernent que ceux qui font profeffion de la religion prétendue réformée, & que tous les autres citoïens jouïffent encore à cet égard de la liberté qu'ils tiennent du droit naturel; fauf à être regardés comme des étrangers, qui ne font rien moins que morts civile

ment.

A l'égard des proteftans qui abandonnent le roïaume, pour avoir la facilité de fe livrer fans contrainte à la profeffion publique de leurs erreurs, toutes les peines prononcées contre eux, par les différentes loix publiées fur cette matiére, ne font point encouruës ipfo facto. Qu'on les life ces loix, & l'on reconnoîtra qu'elles exigent toujours une condamnation : d'où il fuit que, tant qu'ils n'ont été ni poursuivis ni condamnés, ils font feulement mis dans la claffe des étrangers.

On trouve cependant dans le recueil de Me. Augeard deux arrêts qui au premier coup d'œil pourroient paroître contraires à ce fiftême. Le premier eft du onze mai 1705. & déclare nul le testament de madame le Cocq retirée en Angleterre dès 1688. & morte en 1702. On prétendoit, lors de la plaidoirie, qu'elle étoit fortie avec permiffion du Roi : mais M. l'avocat général obferva que la permiffion étoit au moins incertaine, n'étant pas rapportée; & que d'ailleurs cette permiffion, au cas qu'elle eût exifté, avoit tacitement été révoquée, foit par la déclaration de guerre qui ne permettoit pas aux fujets du Roi de rester chez les ennemis de leur patrie, foit par une déclaration du Roi de 1698. qui avoit enjoint de nouveau à tous les proteftans fortis du roïaume d'y rentrer. Il infista sur l'inconvénient de laisser à des François réfugiés chez l'ennemi la faculté de dépouiller leurs héritiers légitimes par des difpofitions teftamentaires. Enfin un édit du mois de Janvier 1686. avoit interdit toutes difpofitions entre-vifs, ou à cause de mort, aux femmes des nouveaux convertis qui n'auroient pas voulu imiter leurs maris dans leur abjuration; & en général, à toutes les veuves proteftantes, quoique les unes & les autres fuffent demeurées dans le roïaume. M. l'avocat général fit fentir que la faculté qu'on enlevoit à ces femmes ne devoit pas à plus forte raison être laiffée à la femme d'un fugitif morte dans le païs ennemi.

Ajoutons à ces motifs que, par fa retraite, elle s'étoit dépouillée de la qualité de citoïenne, pour prendre celle d'étrangére. Par cette abdication, elle avoit perdu en France toutes les facul

tés qui dérivent purement du droit civil, pour n'y conferver que celles qui tirent leur fource directement du droit des gens, entre lefquelles on ne compte pas le pouvoir de tefter. Il étoit donc impoffible de juger qu'un teftament fait par une femme qui étoit dans ce cas eût pu fraper fur les biens fitués en France. Le second arrêt rapporté par Augeard n'eft pas plus contraire à notre opinion que le précédent. Grignon & fa femme, tous deux proteftans, s'étoient retirés en Angleterre vers 1681. ne laiffant pour tout bien en France qu'une rente de cent livres propre à la femme. On demanda en 1703. contre les héritiers de la femme, comme commune, le païement de deux billets fous fignature privée de fon mari, datés de 1680 & de 1681. l'un de deux cens dix-fept livres, l'autre de vingt-une livres douze fols. Le filence qu'on avoit gardé pendant vingt-trois ans, qui s'étoient écoulés depuis la date de ces billets, donnoit tout lieu de croire qu'ils avoient été faits & antidatés par Grignon depuis fa retraite en Angleterre, pour tirer de la France le feul bien qu'il y eût laiffé. M. l'avocat général fit valoir cette circonftance comme décisive, & l'arrêt du 26 Février 1706. mit hors de cour fur la demande afin de païement de ces billets.

Cet arrêt n'a donc point prononcé la mort civile encouruë par la retraite en Angleterre, ni la communauté difsoute par cette mort civile.

§. V.

De ceux qui s'étant retirés chez les Infidéles ont abjuré la Religion Chrétienne.

La religion chrétienne porte avec elle des lumiéres fi éclatan tes, qu'il n'eft pas poffible de préfumer que quelqu'un l'abandonne de gaïeté de cœur pour embraffer aucune de celles qui lui font oppofées, dans lefquelles on n'apperçoit qu'abfurdités foit dans la morale, foit dans le dogme. Il s'eft cependant rencontré quelquefois des gens qui fe font livrés à ce changement, foit qu'ils y aïent été pouffés par des raifons de fortune, foit qu'ils aïent été animés par d'autres motifs: mais tout homme raisonnable ne se perfuadera jamais que de pareilles apoftafies aïent été occafionnées par l'examen & par la comparaifon des deux religions, & par conféquent qu'elles aïent été fincéres.

Le fameux comte de Bonneval a été mis au nombre de ces apoftats; & fa fucceffion a donné lieu à une célébre contesta

tion, terminée par un arrêt de la cinquième chambre des enquêtes. Nous allons rendre compte de l'efpéce de cet arrêt, & tâcher de découvrir les motifs fur lefquels il est fondé.

Pierre de Monceaux avoit marié fa fille unique à Jean-François marquis de Bonneval. De ce mariage il vint trois enfans, CelarPhebus marquis de Bonneval, Marc-Antoine comte de Bonneval, & Claude-Alexandre chevalier de Bonneval.

Le 9 Septembre 1679. Pierre de Monceaux fit un teftament, par lequel il légua à la dame marquise de Bonneval fa fille unique, une penfion viagére de trois mille livres par an; & à CelarPhebus, l'aîné de fes trois petits-enfans, un préciput de trente mille livres. Pour le furplus de tous fes biens, il inftitua ses trois petits-enfans, fes légataires univerfels; pour être le tout partagé également entr'eux, & les fubftitua réciproquement en ces termes: lefquels petits-enfans ledit teftateur a fubftitués réciproquement les uns aux autres, au cas qu'ils, ou l'un d'eux, décédent fans enfans.

De ces trois enfans, Marc-Antoine comte de Bonneval décéda en 1705. Son tiers dans les biens fubftitués paffa par ce moïen à ses deux freres ; c'est-à-dire, au marquis & au chevalier, dont le dernier prit alors le nom de comte de Bonneval. C'est celui qui eft connu de tout le monde par fon établissement en Turquie,

Il paffa de bonne heure chez l'empereur, & fervit même dans les armées de ce prince avec tant de diftinction, qu'il fut d'abord nommé général de bataille. Il obtint enfuite un régiment de fon nom. Il parvint au grade de lieutenant-felt-maréchal des armées de l'empereur, & fut élu conseiller du confeil aulique de guerre.

En 1717. il revint en France, où il époufa demoiselle Judith de Gontaut de Biron, fille de M. le maréchal de Biron. Dans fon contrat de mariage il prit toutes les qualités dont il étoit décoré dans l'Empire. Le Roi, M. le régent, toute la cour fignérent ce

contrat.

Peu de jours après fon mariage, le comte de Bonneval retourna en Allemagne, où il reprit les fonctions des dignités dont l'empereur l'avoit décoré. Le 16 Juin 1723. intervint au parlement de Paris arrêt contradictoire, dans lequel il étoit partie, & où il eft défigné par les dignités qu'il occupoit dans l'Empire. Ainfi, pendant fon féjour en Allemagne, il a efté en jugement. Il n'étoit donc pas mort civilement.

Il eut un démêlé à effuïer avec le marquis de Prié fous-gouverneur des Païs-Bas, & avec le prince Eugêne qui protégeoit

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