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DICEOPOLIS.

Meffieurs les Magiftrats du Prytanée! ne foufFrez point, de grace! qu'une telle injure soit faite à toute l'affemblée des Comices. Ne fouffrez point qu'on empêche de parler, & qu'on chaffe de votre présence, un homme de bon confeil, qui veut nous procurer la trève, & nous faire fufpendre nos boucliers au porte- manteau.

LE HER AUT.

Affeyez-vous, & faites filence:

DICEOPOLIS.

Non, ferai-je, par Apollon ! à moins que ce ne foit pour entendre parler de paix.

LE HÉRAUT.

Voici les Ambaffadeurs de la République au

Roi.

DICEOPOLIS.

Quel Roi voulez-vous dire.... (à part.) Je le fais à merveilles: mais je hais le paon, parce que tout l'étalage de fa queue n'eft qu'une vaine often

tation.

LE HERAUT.

Taiffez-vous, vous dit-on.

DICEOPOLIS.

O Dieux! fommes-nous à Ecbatane? Quel étrange coftume eft-ce là?

SCÈNE II I.

LES AMBASSADEURS, L'ŒIL DU ROI, les Acteurs precédens.

LES AMBASSADEURS.

Nous revenons, Meffieurs, d'auprès du Roi,

trois fois augufte, vers qui vous nous aviez envoyés, à raifon de deux drakhmes à dépenfer par jour.

DICEOPOLIS hauffant les épaules.

Voilà de l'argent bien employé !

LES AMBASSADEURS.

Sachez, Meffieurs, que nous avons incroyablement fouffert dans cette longue & pénible ambaffade. D'abord nous avons vifité toutes les campagnes) qu'arrofe le Caïftre, faifant dreffer nos tentes, chaque fois que nous faifions halte; & nous faifant traîner nonchalemment dans des chars fufpendus, tant que nous étions en route. C'étoit toujours à recommencer, auffi nous voyez-vous excédés de fatigues, & vous devez, fans doute, nous trouver fort à plaindre.

DICEOPOLIS en baillant.

Ah! que je ferois heureux d'être préfentement étendu fur l'herbe, fous mes vergers, & de ne voir plus à mon réveil ni remparts, ni baftions!

LES AMBASSADEURS.

Dans les maisons où l'on nous a donné hofpice il y avoit de grandes amphores de cristal dont on nous verfoit du vin dans des coupes d'or; vin délicieux, dont on nous faifoit boire, malgré nous, une quantité exceffive!

DICEOPOLIS.

Athéniens! ô cervelles mal défrichées! Quoi? vous ne fentez pas à quel point vos Ambaffadeurs fe moquent de vous?

LES AMBASSADEURS.

Ces vilains Perfes ont la fotte habitude, comme toutes les nations barbares, de ne faire cas que de ceux qui font voraces & grands buveurs. Pour nous bien faire venir d'eux, il en a fallu paffer par-là. DICEOPOLIS,

Chaque pays chaque guife. Nous n'accueillons, nous, que les efféminés, & les débauchés les plus infâmes,

LES AMBASSADEURS.

La quatrième année étant révolue; nous fommes enfin parvenus au Palais du Roi, Mais ce Monar

que n'y étoit plus. Sa Majefté étoit partie avec toute fa maison, qui forme une armée nombreuse, & étoit allé prendre des eaux laxatives, dans les montagnes où font les mines d'or.

DICEOPOLIS.

Eh! quand a-t-il mis fin à cette royale purgation
LES AMBASSADEURS.

Dans la pleine lune (*). Après quoi, il a retourné dans fon palais, où il a reçu notre ambaffade, nous faisant servir à chacun un boeuf entier cuit au four.

DICEOPOLIS.

Jufte ciel! quelle fournée! quelle jactance eftce là?

LES AMBASSADEURS.

Rien n'eft plus vrai, par Jupiter! le Roi nous. a fait auffi fervir un oifeau trois fois plus grand que celui de Cléonyme (**), un oiseau nommé le finacin (***).

(*) C'est une abfurdité qu'Ariftophane affecte de prêter au au Roi de Perse: car, felon l'iatrie des Grecs, c'étoit au contraire dans l'époque de la pleine lune, qu'il convenoit se purger, les humeurs étant alors cenfées plus abondantes.

(**) Allusion au fymbole de l'écuffon du bouclier de Cléonyme. Ou bien le Poète lui prête cefymbole pour faire entendre que Cléonyme étoit un lâche, & avoit les ailes d'un oiseau pour fuir.

(***) En grec Phénax.

DICEOPOLIS.

DICEOPOLIS.

Et c'est à toutes ces finaceries (*), que nous dépenfions deux drakhmes par jour en Ambaffadeurs!

LES AMBASSADEURS.

Enfin, Meffieurs, pour terminer, fachez que le Jerfonnage que nous amenons ici avec nous, eft le Seigneur Pfeudartabas, l'Œil du Roi.

DICEOPOLIS.

Puiffe un corbeau, à bec bien pointu, crever l'œil (**) à ton Ambaffadeur.

(*) Aristophane joue fur le mot Phénax, qui fignifie un impofteur.

(**) Ariftophane fait entendre que cet ambaffadeur eft un efpion. C'eft auffi ce qu'il infinue en le qualifiant d'œil du Roi. Il va encore le traiter d'efpion plus en dérail au commencement de la Scène fuivante.

Tome IV

B

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