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LE MÉGARIEN.

C'eft qu'elle eft encore toute jeune. Mais laiffez faire; avec le tems, elle aura tout ce qu'il lui faut. Elevez-la, je vous conseille, & vantez-vous d'avoir fait une magnifique emplette.

DICEOPOLIS.

Et cette autre? eft-ce la foeur cadette de celle-ci?
LE MÉGARIEN.

Sœurs de père & de mère. Mais quand toutes deux feront en âge, l'aînée sera excellente à facrifier à Vénus.

DICEOPOLIS.

Je ne croyois pas que ce fût l'ufage de facrifier à Vénus, une truie.

LE MÉGARIEN.

Que dites-vous là? Je vous apprends donc, moi, que Vénus eft même, entre toutes les Déeffes, la feule qui s'honore d'un tel facrifice, & qui y prenne plaifir.

DICEOPOLIS.

Mangent-elles fans mère?

LE

MÉGARIEN.

Sans mère, ni père; par Neptune !

DICEOPOLIS.

Que mangent-elles?

LE MÉGARIEN.

De tout ce qu'il vous plaira. Mais interrogezles vous-même fur leurs goûts.

DICEOPOLIS.

Petites, petites....

LES PETITES FILLES.

Coî! coî!

DICEOPOLIS.

Mangez-vous des poix chiches?

LES PETITES FILLES.

Coî! coî!

DICEOPOLIS.

Mangeriez-vous bien des bonnes figues de Phi

balée (*)?

LES PETITES FILLES.

Coî! coî!

(*) Canton renommé pour les figues, au territoire de Mégare, felon certains Critiques. Mais voyez les Scholiaftes, pour le fens caché & peu décent que tout ceci présente, felon

cux,

DICEOPOLIS:

Comme elles ont crié, cette fois-ci, distinctement! O hé! à moi, quelqu'un. Qu'on apporte à ces petits cochons le panier aux figues. Je veux voir fi elles ont bon appétit. Grands Dieux! comme elles font craquer leurs mandibules! ô grand Hercule! de quel pays font ces porcelettes-ci? Quelle voracité!... Mais, mais, il n'est pas concevable qu'elles aient déjà avalé tout ce qu'il y avoit de figues dans la corbeille.

LE

MÉGARIEN.

C'est que j'en ai auffi mangé ma part.

DICEOPOLIS.

Voilà un petit bétail tout-à-fait gentil, privé, & facétieux. Combien voulez-vous me vendre ces deux petites beftioles?

LE MÉGARIEN.

Je vous céderai l'une pour une botte d'ail; & l'autre pour un demi-boiffeau de fel. Voyez fi le marché vous convient.

DICEOPOLIS.

J'y confens. Reftez-là un inftant.

LE MÉGARIEN.

O, , par Mercure Trafiquant! plut au Ciel qu'on, voulût m'acheter, à pareil prix, ma mère & ma femme!

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LE MÉGARIEN.

Un marchand de Porcs, de Mégare.

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Viens; que je te défère à la Commune, toi & tes porcs, comme ennemis de la République.

LE MÉGARIEN.

Quoi? on recommence déjà les faifies! je penfois être à la fin de mes mifères.

LE DÉLATEUR.

Je t'y prens, à mégarifer (*). Lâcheras-tu ce fac?

LE MÉGARIEN,

Dicropolis! à moi, Dicæopolis! je suis faifi.

(*) Expreffion forgée par Ariftophane, pour dire faire le trafique de Mégarien à Athènes; ce qui étoit interdit par le Décret.

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DICEOPOLIS.

Par qui? par cet infigne Sycophante? A moi, Préfets du marché: Pourquoi avez vous laiffé entrer ici ces canailles de Délateurs. Et toi, maraud, où eft ton paffe-port figné de moi ou de mes alliés, pour t'introduire ici?

LE DÉLATEUR.

Quoi? je n'ai pas droit de déférer les ennemis?

DICEOPOLIS.

Tu feras durement amendé, fi tu ne vas exercer ta noble fonction ailleurs.

LE MÉGARIEN.

Vous avez donc des délateurs Vous autres Athéniens? C'eft un grand fléau que vous avez là dans votre République. Nous ne connoiffons point cette étrange maladie, à Mégare,

DICEOPOLIS.

Confolez-vous, bon Mégarien ; & emportez, fans nul empêchement, ce que vous m'avez demandé pour le prix de votre marchandife; & le Ciel vous tienne en joie. (au Délateur.) A l'égard des Sycophantes, nous vous apprendrons qu'on n'en fouffre point fur ce terrain-ci.

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