PRÉFACE. EPUIS environ trento ans l'Electricité nous met fous les yeux des phénomenes fi fingu liers, qu'on ne peut les voir fans admiration, & fans défirer d'en connoître les causes mais autant cet objet intéresse notre curiofité, autant il paroît fe déro berà nos recherches. Les Sçavans invités par des récompenfes, & plus encore par l'honneur qu'il y auroit à faire une telle découverte, ont pris différens partis. Les uns défespérant de leurs efforts ou craignant de prononcer avec précipitation dans une matiére également nouvelle & obfcure fe font impofé un févere filence fur les caufes de l'Electricité pour ne s'attacher qu'à la recherche de fes loix. Les autres cédant aux invitations de plufieurs Académies, & éclairés par de nouveaux phénomenes, ont enfin hazardé leurs opinions; & nous avons vû paroître depuis quelques années plufieurs théories ingénieuses, qui, fi elles ne frappent point directement au but, nous font au moins espérer qu'on pourra y arriver. Il me convenoit fans doute plus qu'à perfonne d'imiter la fage retenue des premiers, de m'en tenir à la fimple expofition des phénomenes rangés fous un certain ordre. Auffi me fuis-je refufé conftamment la liberté de mettre au jour des pensées que j'ai conçues depuis long-tems, mais qui ne me paroiffoient poins encore affez folides pour me fau ver du reproche que j'appréhendois qu'on ne me fît d'avoir ofé les hazarder. Attentif fur les faits, travaillant à les multiplier, & mé. ditant avec foin fur toutes leurs circonftances, j'attendois depuis plus de dix ans qu'ils me conduififfent eux-mêmes au principe d'où ils partent. J'ai cru l'entrevoir enfin ce principe; & depuis plufieurs années je m'occupe à le concilier avec l'expérience: de nouveaux phénomenes plus admirables encore que tous ceux qui nous avoient furpris précédemment bien loin de m'arrêter par de nouvelles difficultés, m'ont éclairé da vantage, ont diffipé mes doutes & m'enhardiffent enfin à propofer le fyftême que je me fuis fait fur cette matiere. C'eft un fyftême, je l'avoue; mais l'imagination en le formant n'a fait que mettre en œuvre ce que l'expérience lui fourni: & j'ofe dire qu'on lui feroit tort, fi on le prenoit dans le fens abufif, pour un affemblage de poffibilités, ou de pensées dénuées de preuves. Ce n'eft pas que je prétende avoir tout applani, ni que chacune de mes explications fe préfente avec un égal dégré d'évidence, il reste encore des obfcurités & des raifons de douter pour ceux mêmes qui adopteront mes penfées; & pour n'en point impofer aux Lecteurs, qui feroient trop favorablement prévenus pour mes décisions, j'ai eu foin de régler mes expreffions fuivant la valeur des preuves que j'ai employées, & felon la liaison plus ou moins nécessaire que j'ai cru appercevoir entre ma théorie & les faits fur lefquels je l'ai appuyée. Mais parce que j'aurai fent quelques endroits plus foibles que les autres , parce que ja n'aurai eu à citer que des femipreuves ou des indices pour certains articles, auxquels il feroit à fouhaiter qu'on pût trouver des preuves plus complettes ou plus concluantes, devois-je me condamner à un filence abfolu, & abandonner d'autres points qui me paroiffoient fuffifamment prouvés, & capables de former le fond d'un système d'explications, pour les principaux & les plus curieux phénoménes de l'Electricité? C'est ce que j'ai peine à me perfuader, quoi qu'en difent plufieurs Sçavans qui prétendent qu'on doit s'interdire toute théorie, jusqu'à ce qu'on ait épuifé les faits, & qu'il ne paroiffe plus aucune contrariété entr'eux. Dans un fujet auffi nouveau & auffi étendu que l'Electricité il y auroit fans doute de la témé |