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loi Valeria, le refuge du peuple, & l'afyle de la liberté. Que cette puiffance abfolue confiée à un seul homme, en feroit quelque jour le tyran de fa patrie, que ces nouveautés & ces changemens avoient leur fource dans les maximes impérieufes d'Appius Claudius & de fes femblables, qui ne paroiffent occupés que du deffein d'établir la domination des nobles fur les ruines de la liberté publique, & de réduire des citoyens libres, à la vile condition de fujets & d'efclaves du fénat.

Appius fe leva quand ce fut fon D.H. l. 6. tour à parler, & adreffant la parole à M. Valerius : » Si vous vous étiez » renfermé, lui dit-il, à dire fimple» ment votre avis fans m'attaquer » fi injuftement, vous ne vous feriez » pas expofé à entendre aujourd'hui » des vérités peu agréables. Mais » avant que de les expofer à la vue de » cette compagnie, il eft jufte de ré» pondre à vos calomnies. Dites-moi, » Valerius, quels font les Romains » que j'ai pourfuivis en juftice, pour » les obliger de me payer ce qu'ils me » devoient? Nommez les citoyens » que j'ai retenus dans les chaînes ;

» allez jufqu'au mont Velie, & cher» chez parmi cette foule de mécon

tens, s'il y en a un feul qui fe plai» gne qu'il n'a quitté la ville que par » la crainte que je ne le fiffe arrêter. » Tout le monde fait, au contraire, » que j'ai traité mes débiteurs comme » mes cliens & mes amis ; que fans » égard à d'anciennes dettes, je les ai » fecourus gratuitement dans leurs » befoins, & qu'autant qu'il a été en » moi, les citoyens ont toujours été » libres. Ce n'eft pas que je prétende

propofer ma conduite pour règle de » celle des autres; je foutiendrai tou» jours l'autorité des lois en faveur » de ceux qui y auront recours. Je » fuis même pèrfuadé qu'à l'égard de » certains débiteurs & de ces gens » qui paffent leur vie dans la molleffe " & les débauches, il y a autant de » juftice à s'en faire payer, qu'il eft » honnête & généreux de remettre les » dettes à des citoyens paifibles & » laborieux, mais qui par malheur » font tombés dans une extrême indi"gence: telle a été ma conduite, &

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telles font ces maximes impérieu» fes qu'on me reproche. Mais je me » fuis, dit-on, déclaré le partifan des » grands, & c'eft par mes confeils

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» qu'ils fe font emparés du gouverne»ment. Ce crime, Meffieurs, ajouta Appius, en fe tournant vers les prin»cipaux du fénat, m'eft commun » avec vous. Le gouvernement vous » appartient, & vous êtes trop fages » pour l'abandonner à une populace » effrénée, à cette bête féroce qui » n'écoute que fes flateurs, mais dont » les efclaves deviennent fouvent des » tyrans & c'eft, Meffieurs, ce que >> nous avons à craindre de M. Vale» rius, qui n'ayant de confidération » dans la république que par les di"gnités dont nous l'avons honoré, » s'en fert aujourd'hui pour ruiner nos » lois, pour changer la forme de »notre gouvernement, & pour fe frayer par fes baffeffes un chemin à la tyrannie. Vous l'avez entendu » & vous avez pu appercevoir, qu'é» tant mieux inftruit que nous des

deffeins pernicieux des rebelles, il » vous prépare à de nouvelles préten»tions; & fous prétexte de demander » des garans de la liberté du peuple il ne cherche qu'à opprimer celle du >> fénat.

» Mais venons au principal fujet » qui nous a affemblés aujourd'hui. » Je dis donc que c'eft ébranler les

D. H. 1.

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An 246.

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- &

" faut, nos efclaves faifons-en un » peuple nouveau & un peuple foumis. Ils ont appris à notre fervice par nos exemples à faire la guerre. Avec quel courage ne combattrontils pas, fi la liberté eft le prix de leur - valeur ? Mais fi tous ces fecours ne vous paroiffent pas encore fuffifans, rappelez vos colonies. Vous fa» vez, par le dernier dénombrement du cens, que la république nourrit dans fon fein cent trente mille chefs de famille; à peine en trou» vera-t-on la feptième partie parmi »les mécontens. Enfin, plutôt que de

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recevoir la loi de ces rebelles, accordez aux Latins le droit de ci"toyens de Rome qu'ils vous deman"dent depuis fi long-temps. Vous les » verrez accourir auffi-tôt à votre fecours, & vous ne manquerez ni de foldats ni de citoyens. Pour réduire >mon fentiment en peu de paroles, »je fuis perfuadé qu'il ne faut point » envoyer de députés aux rebelles, ni » rien faire qui marque de la frayeur » ou de l'empreffement. Que s'ils ren

trent d'eux-mêmes dans leur de» voir, on doit les traiter avec modé» ration; mais il faut les pourfuivre les armes à la main, s'ils perfiftent » dans leur révolte. «

L

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Un avis fi plein de fermeté fut suivi, quoique par des vues différentes, par la faction des riches & par tous les jeunes fénateurs. Les deux confuls, au contraire, plébéiens d'inclination, & qui vouloient gagner l'affection de la multitude, & les vieillards naturellement timides foutenoient que la guerre civile étoit le plus grand malheur qui pût arriver dans un état. Ils étoient appuyés par ceux du fénat, qui ne confidéroient que l'intérêt de la liberté publique, & qui craignoient qu'il ne s'élevât du corps même du fénat quelque homme ambitieux & entreprenant qui, à la faveur de ces divifions, fe rendit feul maître du gouvernement. Mais à peine fu rent-ils écoutés; on n'entendoit de tous côtés que des cris & des menaces. Les plus jeunes fénateurs, fiers de leur naiffance, & jaloux des prérogatives de leur dignité, s'emportèrent jufqu'à faire fentir aux confuls qu'ils leur étoient fufpects. Ils leur remontrèrent qu'ils repréfentoient la fonne des rois qu'ils en avoient l'autorité & celle du fénat à foutenir contre les entreprises du peuple ; & les plus violens protestèrent fi on que y donnoit la moindre atteinte, ils

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