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donnés auparavant aux principaux du peuple: ce fut pour conferver leur affection, & récompenfer fes créa tures, qu'il en fit entrer cent dans le fénat; mais pour ne pas confondre les différens ordres de l'état, il les fit patriciens, au rapport de Denys D. H. 1. 3. d'Halicarnaffe, avant que de les élever p. 199. à la dignité de fénateurs, qui fe trouvèrent jufqu'au nombre de trois cents, où il demeura fixé pendant plufieurs fiècles. On fera peut-être étonné que dans un état gouverné par un roi, & affifté du fénat, les lois, les ordonnances & le résultat de toutes les délibérations, fe fiffent toujours au nom du peuple, fans faire mention du prince qui règnoit : mais on doit fe fouvenir que ce peuple généreux s'étoit réfervé la meilleure part dans le gouvernement. Il ne fe prenoit aucune réfolution foit pour la guerre ou pour la paix, que dans fes affemblées : on les appeloit en ce temps-là, affemblées par Curies , parce qu'elles ne devoient être compofées que des feuls habitans de Rome divifés en trente Curies. C'est là qu'on créoit les rois, qu'on élifoit les magiftrats & les prêtres, qu'on faifoit des lois

&

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An de Rome

175.

D. H. 1. 4.

dec. 1. 1. 1.

c. 43.

qu'on adminiftroit la juftice. C'étoit le roi, qui, de concert avec le fénat, convoquoit ces affemblées, & décidoit, par un Sénatus - confulte, du jour qu'on devoit les tenir, & des matières qu'on y devoit traiter. Il falloit un fecond Sénatus-confulte pour confirmer ce qui y avoit été arrêté; le prince ou premier magiftrat préfidoit à ces affemblées, qui étoient toujours précédées par des aufpices & par des facrifices dont les patriciens étoient les feuls miniftres.

Mais cependant comme tout fe décidoit dans ces affemblées à la pluralité des voix, & que les fuffrages fe comptoient par tête, les plébéiens l'emportoient toujours fur le fénat & les patriciens, enforte qu'ils formoient ordinairement le résultat des délibérations, par préférence au sénat & aux nobles.

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Servius Tullius fixième roi de
Rome, prince tout républicain, mal-

Tit. Liv. gré fa dignité, mais qui ne pouvoit
pourtant fouffrir
que le gouverne-
ment dépendît fouvent de la plus
vile populace, réfolut de faire paffer
toute l'autorité dans le corps de la
nobleffe & des patriciens, où il espé-
roit trouver des vues plus juftes, &

moins d'entêtement. L'entreprise n'étoit pas fans de grandes difficultés. Ce prince avoit affaire au peuple de toute la terre, le plus fier & le plus jaloux de fes droits ; & pour l'obliger à en relâcher une partie il falloit le favoir tromper par l'appât d'un bien plus confidérable. Les Romains payoient en ce temps-là par tête un tribut au profit du tréfor public; & comme, dans leur origine, la fortune des particuliers étoit à peu près égale, on les avoit affujettis au même tribut, qu'ils continuèrent de payer avec la même égalité, quoique par la fucceffion des temps il se trouvât beaucoup de différence entre les biens des uns & des

autres.

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Servius, pour éblouir le peuple & pour connoître les forces de fon état, représenta dans une affemblée, que le nombre des habitans de Rome & leurs richeffes étant confidérablement augmentés par cette foule d'étrangers qui s'étoient établis dans la ville, il ne lui paroiffoit pas jufte qu'un pauvre citoyen contribuât autant qu'un plus riche aux charges de l'état; qu'il falloit qu'il falloit régler ces contributions fuivant les facultés des

Fabius Pic.

or.

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particuliers; mais que pour en avoir une connoiffance exacte il falloit obliger tous les citoyens, fous les plus grandes peines, à en donner une déclaration fidèle, & qui pût fervir de règle pour faire cette répar

tition.

Le peuple, qui ne voyoit dans cette propofition que fon propre foulagement, la reçut avec de grands applaudiffemens, & toute l'affemblée, d'un mutuel confentement donna au roi le pouvoir d'établir dans le gouvernement l'ordre qui lui paroîtroit le plus convenable au bien public. Ce prince, pour parvenir à fes fins, divifa d'abord tous les habitans de la ville, fans diftinction de naiffance ou de rang, en quatre Tribus, appelées les tribus de la ville. Il rangea fous vingt-fix autres tribus les citoyens qui demeuroient à la campagne & dans le territoire de Rome. Il inftitua enfuite le cens, qui n'étoit autre chofe qu'un rôle & un dénombrement de tous les citoyens Romains, dans lequel on comprit leur âge, leurs facultés, leur profeffion, le nom de leur tribu & de leur curie, & le nombre de leurs enfans. & de leurs efclaves. Il fe trouva alors

dans

dans Rome & aux environs, plus de quatre-vingt mille citoyens capables de porter les armes.

Servius partagea ce grand nombre D.H. 1. 4 en fix claffes, & il compofa chaque

claffe de différentes centuries de

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.

Tit. Liv.

Plin. 1. 3.

c. 33.

gens de pied. Il mit dans la première Dec. 1. 1. 1. claffe quatre-vingts centuries, dans lefquelles il ne fit entrer que des fénateurs, des patriciens, ou des gens diftingués par leurs richeffes, & tous ne devoient pas avoir moins que cent mines ou dix milles dragmes de bien ce qui pouvoit revenir en ces temps-là à un peu plus de mille écus de notre monnoie; ce que nous n'ofons pas cependant affirmer bien pofitivement, à cause de la différence qui fe trouve dans les opinions des favans fur la valeur & la variation des monnoies. On ne fait pas plus précisément fi chaque centurie de cette première claffe étoit compofée de cent hommes effe&ifs. Il y a lieu de croire au contraire que Servius, dans la vue de multiplier les fuffrages des patriciens, avoit aug menté le nombre de leurs centuries; & il cachoit ce deffein fecret, fous le prétexte plaufible que les patriciens (étant plus riches que les plé

Tome I.

F

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