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mettoit fa gloire à conserver sa pauvreté, en même temps qu'il expofoit tous les jours fa vie pour enrichir le tréfor public. Chacun fe croyoit affez riche des richeffes de l'état ; & les généraux comme les fimples foldats, n'attendoient leur fubfiftance que de leur petit héritage, qu'ils cultivoient de leurs mains: Gaudebat tellus vomere laureato.

Les premiers Romains étoient tous laboureurs, & les laboureurs étoient tous foldats. Leur habillement étoit groffier, la nourriture fimple & frugale, le travail affidu. Ils élevoient leurs enfans. dans cette vie dure, afin de les rendre plus robuftes & plus capables de foutenir les fatigues de la guerre. Mais, fous des habits. ruftiques on trouvoit une valeur incomparable, de l'élévation & de la grandeur dans les fentimens. La gloire étoit leur unique paffion, & ils la faifoient confifter

Plin

à défendre leur liberté, & à fe rendre maîtres de celle de leurs voifins.

Des écrivains modernes, qui ne peuvent fouffrir de vertus pures dans les anciens, prétendent qu'on fait un mérite à ces premiers Romains, de leur groffièreté, & qu'ils ne méprifoient les richeffes, que parce qu'ils en ignoroient le prix & les agrémens.

Mais pour répondre à cette objection, on n'a qu'à jeter les yeux fur la fuite de cette hiftoire, & on verra que dans le cinquième & le fixième fiècles de la fondation de Rome, dans le temps même que la république étoit maîtreffe de toute l'Italie, & d'une partie de la Sicile, de l'Espagne, des Gaules, & même de l'Afrique, on tiroit encore les généraux de Vax.Mal.l.4. la charrue: Attilii manus ruftico opere attrita, falutem publicam

Cicer.pro- ftabilierunt. Quelle gloire pour un 'état d'avoir des capitaines capa

S. Rofcio.

Pl. 1. 18. c. 3.

bles de lui conquérir de grandes provinces, & affez défintéreffés pour conferver leur intégrité au milieu de leurs conquêtes!

Je ne parle point des lois fomp- Mac. tuaires, qui étoient en vigueur dans le fixième fiècle, & qui fans diftinction pour la naiffance, les biens de la fortune, ou les dignités, régloient la dépense de tous les citoyens.Rien n'a échappé aux fages légiflateurs qui établirent de fi févères réglemens. Tout y eft fixé, foit pour les vêtemens, foit pour la dépenfe de la table, le nombre des convives dans les feftins, & jufqu'aux frais des funérailles. Qu'on life la loi Oppia, Paul. Man. on verra qu'elle défend aux dames deleg. fumpt. romaines de porter des habits de différentes couleurs; d'avoir dans leur parure des ornemens qui excédaffent la valeur d'une demi-once d'or, & de fe faire porter dans un chariot à deux chevaux, plus près de Rome

d'un mille, à moins que ce

que

ne fût pour affifter à quelque facrifice. La loi Orchia régloit le nombre des convives qu'on pouvoit inviter à un feftin; & la loi Phannia ne permettoit pas d'y dépenfer plus de cent affes, centenos æris: ce qui revenoit environ à cinquante fous de notre monnoie. Enfin la loi Cornelia fixo it à une fomme encore plus modique, la dépense qu'on pouvoit faire aux funérailles : tous réglemens qui pourront paroître peu dignes de la grandeur & de la puiffance à laquelle les Romains étoient déja parvenus, mais qui,en éloignant le luxe des familles particulières, faifoient la force & la fûreté de l'état.

A la faveur de cette pauvreté volontaire, & d'une vie laborieuse, la république n'élevoit dans fon fein que des hommes forts,robuftes, pleins de valeur, & qui n'attendant rien les uns des

autres, confervoient dans une indépendance réciproque la liberté de la patrie. Ce furent ces illuftres laboureurs, qui en moins de trois cents ans, affujettirent les peuples les plus belliqueux de l'Italie, défirent des armées prodigieufes de Gaulois, de Cimbres & de Teutons, & ruinèrent la puiffance formidable de Carthage.

Mais après la deftruction de cette rivale de Rome, les Romains invincibles au-dehors, fuccombèrent fous le poids de leur propre grandeur.

Ipfa nocet moles.

L'amour des richeffes & le luxe entrèrent dans Rome avec les tréfors des provinces conquises; & cette pauvreté & cette tempérance qui avoient formé tant de grands capitaines, tombèrent dans le mépris.

Lucan. I.

:: Fœcunda virorum Ibid.

Paupertas fugitur.

Et ce qui eft de plus surpre

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