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trait d'un ancien capitaine

à un moderne : ils fe reffemblent trop, & trop peu de gens leur reffemblent. J'ai l'honneur d'être avec un profond respect,

MONSEIGNEUR,

Votre très-humble & très

obéiffant Serviteur,

L. DE VERTOT

DISCOURS

PRÉLIMINAIRE.

Des fondemens de la République Romaine; & des principales caufes de fa décadence. L'AMOUR de la liberté a été le premier objet des Romains dans l'établiffement de la république, & la caufe ou le prétexte des révolutions dont nous entreprenons d'écrire l'hiftoire. Ce fut cet amour de la liberté qui fit profcrire la royauté, qui diminua l'autorité du confulat, & qui en fufpendit le titre en différentes occafions. Le peuple même, pour balancer la puiffance des confuls, voulut avoir des protecteurs ticuliers tirés de fon corps ; &

par

fous

ces magiftrats Plébéiens prétexte de veiller à la confervation de la liberté, s'érigèrent infenfiblement en tuteurs des lois, & en infpecteurs du fénat & de la nobleffe.

Ces inquifiteurs d'état tenoient en refpect les confuls mêmes, & les généraux. On verra, dans la fuite de cette hiftoire, qu'ils les obligeoient fouvent, quand ils étoient fortis de charge, de venir rendre compte devant l'affemblée du peuple, de leur adminiftration & du fuccès de leurs armes. Ce n'étoit pas affez que de vaincre; l'éclat des plus grandes victoires ne mettoit point à couvert de leurs recherches le général qui n'avoit pas affez ménagé la vie de fes foldats, ou qui, pendant la campagne, les avoit traités avec trop de hauteur: il falloit qu'il fût allier la dignité du commandant avec la modeftie du citoyen. Des qualités trop brillantes étoient

même fufpectes dans un état où l'on regardoit l'égalité comme le fondement de la liberté publique. Les Romains prenoient ombrage des vertus qu'ils ne pouvoient s'empêcher d'admirer; & ces fiers républicains ne fouffroient point qu'on les fervît avec des talens fupérieurs, & capables de les affujettir.

Ceux qui étoient convaincus d'avoir employé d'indignes voies pour parvenir au commandement, en étoient exclus pour toujours. Les charges & les emplois, fi on en excepte la cenfure, n'étoient qu'annuels. Un conful, en fortant du confulat, ne confervoit d'autorité que celle que lui donnoit fon mérite perfonnel; & après avoir commandé en chef les armées de la république, on le voyoit fouvent fervir dans les mêmes armées, fous fon fucceffeur. Il ne pouvoit rentrer dans le confulat qu'après un in

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terftice de dix ans ; & on évitoit de laiffer cette grande dignité trop long-temps dans la même famille, de peur de rendre infenfiblement le gouvernement héréditaire.

Mais de toutes les précautions que les Romains prirent pour maintenir leur liberté, aucune ne paroît plus digne d'admiration que cet attachement qu'ils confervèrent long-temps pour la pauvreté de leurs ancêtres. Cette pauvreté, qui dans les premiers habitans de Rome étoit un pur effet de la néceffité, devint une vertu politique fous leurs fucceffeurs. Les Romains la regardèrent comme la gardienne la plus fûre de la liberté : ils furent même la rendre honorable, afin de l'oppofer comme une barrière, au luxe & à l'ambition. Ce détachement des richeffes à l'égard des particuliers, fe tourna en maxime de gouvernement. Un Romain

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