Imágenes de páginas
PDF
EPUB

tueuse envers les Grands, se fait une gloire de copier leurs mœurs, comme un devoir d'aimer leur personne ; on est flatté d'une ressemblance, qui nous rapprochant de leur conduite, semble nous rapprocher de leur rang. Tout devient honorable d'après de grands modèles; & souvent l'oftentation toute seule nous jette dans des excès aufquels l'inclination se refuse. La Ville croiroit degénérer en ne copiant pas les mœurs de la Cour le Citoyen obfcur, en imitant la licence des Grands, croit mettre à ses passions le sceau de la grandeur & de la nobleffe; & le défordre dont le goût lui-même fe lasse bien-tôt, la vanité toute seule le perpétuë.

Mais, SIRE, d'un autre côté tout reprend sa place dans un Etat où les Grands, & le Prince fur-tout, adorent le Seigneur. La piété est en honneur dès qu'elle a de grands exemples pour elle. Les Justes ne craignent plus ce ridicule que le monde jette sur la vertu, & qui est l'écueil de tant d'ames foibles. On craint Dieu fans craindre les hommes. La vertu n'est plus étrangere à la Cour; le désordre lui-même n'y va plus la tête levée; il est réduit à se cacher, ou à se couvrir des apparences de la sagesse. La licence ne paroît plus revêtuë de l'autorité publique, & fi le vice n'y perd rien, le fcandale du moins diminuë. En un mot, les devoirs de la Religion entrent dans l'ordre public: ils deviennent une bienséance que le monde lui-même nous impofe : le culte peut encore être méprisé en secret par l'impie; mais il est vengé du moins par la majesté & la décence publique. Le Temple faint peut encore voir aux pieds de ses autels des pécheurs & des incrédules; mais il n'y voit plus de profanateurs. Le zéle de votre auguste Bifayeul avoit par des loix sévéres puni fouvent, & toujours flétri de fon indignation & de fa disgrace, ce scandale dans fon Royaume : il peut se trouver encore des hommes corrompus qui refusent à Dieu leur cœur : mais ils n'oferoient lui refuser leurs hommages: en un mot, il peut être encore aifé de se perdre mais du moins il n'est pas honteux de se sauver.

Or, quand l'exemple des Grands ne serviroit qu'à autoriser la vertu, qu'à la rendre refpectable fur la terre, qu'à lui ôter ce ridicule impie & infensé que le monde lui donne, qu'à mettre les justes à couvert de la tentation

[ocr errors]

&

des dérisions & des censures, qu'à établir, qu'il n'est pas honteux à l'homme de fervir le Dieu qui l'a fait naître & qui le conserve; que le culte qu'on lui rend est le devoir le plus glorieux & le plus honorable à la créature que le titre de serviteur du Très-Haut, eft mille fois plus grand & plus réel, que tous les titres vains & pompeux qui entourent le diadême des Souverains: quand l'exemple des Grands n'auroit que cet avantage, quel honneur pour la Religion, & quelle abondance de bénédictions pour un Empire !

SIRE, heureux le peuple qui trouve ses modèles dans ses maîtres, qui peut imiter ceux qu'il est obligé de refpecter, qui apprend dans leurs exemples à obéir à leurs loix, & qui n'est pas contraint de détourner ses regards de ceux à qui il doit des hommages !

[ocr errors]

Mais quand les exemples des Grands ne trouveroient pas dans la vanité seule des peuples, une imitation toujours sûre, l'intérêt & l'envie de leur plaire leur donneroient autant d'imitateurs de leurs actions, que leur autorité forme de prétendants à leurs graces.

Le jeune Roi Roboam oublie les conseils d'un Pere le plus sage des

Rois une jeunesse inconsidérée est bien-tôt appellée aux premieres places, & partage ses faveurs en imitant ses défordres.

Les Grands veulent être applaudis, & comme l'imitation est de tous les applaudissements le plus flatteur & le moins équivoque, on est sûr de leur plaire, dès qu'on s'étudie à leur reffembler, ils sont ravis de trouver dans leurs imitateurs l'apologie de leurs vices, & ils cherchent avec complaifance dans tout ce qui les environne, de quoi se raffurer contre eux-mêmes.

Ainsi l'ambition dont les voies sont toujours longues & pénibles, est charmée de se frayer un chemin plus court & plus agréable; le plaifir, d'ordinaire irréconciliable avec la fortune, en devient l'artisan & le ministre: les pafsions déjà fi favorisées par nos penchants, trouvent encore dans l'espoir de la récompense un nouvel attrait qui les anime: tous les motifs se réuniffent contre la vertu. Et s'il est si malaifé de se défendre du vice qui plaît, qu'il est difficile de ne pas s'y livrer, lorsque de plus il nous honore !

Tel est, SIRE, le malheur des Grands que des passions injustes entraînent. Leur exemple corrompt tous

4

ceux que leur autorité leur foumer : ils répandent leurs mœurs, en distri buant leurs graces; tout ce qui dépend d'eux, veut vivre comme eux. SIRE, n'estimez dans les hommes que l'amour du devoir ; & vos bienfaits ne tomberont que sur le mérite: condamnez dans les autres ce que vous ne sauriez vous justifier à vous-même ; les imitateurs des passions des Grands insultent à leurs vices en les imitant. Quel malheur ! quand le Souverain peu content de se livrer au désordre, semble le consacrer' par les graces dont il l'honore dans ceux qui en sont ou les imitateurs ou les honteux miniftres quel opprobre pour un Empire ! quelle indécence pour la majesté du Gouvernement ! quel découragement pour une nation, & pour les sujets habiles & vertueux, à qui le vice enleve les graces destinées à leurs talents & à leurs services? quel décri & quel avilissement pour le Prince dans l'opinion des Cours étrangeres ! & de-là quel déluge de maux dans le peuple! Les places occupées par des hommes corrompus; les paffions toujours punies par le mépris, devenuës la voie des honneurs & de la gloire; l'autorité établie pour maintenir l'ordre & la

« AnteriorContinuar »