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LE

CONCERT

RIDICULE.

COMEDIE

EN UN ACTE,

Représentée pour la premiere fois le 14. de Septembre 1689.

Tome I

A

DISCOURS

SUR LE

CONCERT RIDICULE.

OICI une bagatelle qui eut une réuffite bien au-deffus de mes efpérances. Après quelques repréfentations qui avoient toûjours de plus en plus le bonheur de plaire, elle eut cela de particulier qu'on la joua fept jours de fuite, & fans alternative, pour profiter de l'engouement du Public, parce que Meffieurs les Comédiens étoient obligés d'aller à Fontainebleau. Elle fut reprife à leur retour, & on y couroit avec tant de fureur, qu'elle fut jouée bien au-delà du tems marqué pour jouer des petites Piéces nouvelles, lequel finit ordinairement à la S. Martin.

Je crois qu'outre la mode & la nouveauté du badinage fur l'abfence des Officiers, fa fimplicité fur-tout fit fon fuccès. Ce n'est qu'un rien. La premiere idée m'en vint dans une compagnie fort enjoüée, avec laquelle je vis le Feu de la S. Jean devant

l'Hôtel de Ville. Voilà où j'établis dès-lors le lieu de ma Scene qui me fournissoit quelques traits, & pourquoi il est parlé de Feu d'artifice, & d'autres chofes, qui devinrent prefque hors d'oeuvre par les changemens qui furent faits à mon premier deffein.

Il arriva même une circonftance à la derniere répétition de cette Piéce, promife & affichée pour l'aprèfdinée, qui nous obligea d'en retrancher, adoucir & changer beaucoup de traits. Nos armes étoient victorieufes en Allemagne, comme elles l'étoient par tout; on admiroit l'opiniâtre deffense de Mayence; la plupart des fanfaronades, ou fi l'on veut, des gafconades de l'Epine faifoient des allufions à cette courageufe deffense: nous apprîmes pendant cette derniere répétition la reddition de cette Place, quelque bien qu'elle eût été deffendue. La fenfibilité Françoise étoit vive fur les pertes, nous étions bien. loin d'y être accoûtumés, & le Public auroit mal reçû l'aprèfdinée des plaifanteries à contretemps. Il fallut prendre le parti de couper, changer, raturer; cela ne fe put faire fans que la Piéce y perdit des agrémens. Il est bien dangereux de faire tort à la beauté d'un arbre, quand on eft con

traint de l'élaguer avec précipitation. Ce fut auffi dans cette compagnie dont je viens de parler, avec laquelle j'étois au Feu d'artifice, que je fis la Parodie de

La Difette des Chapeaux, &c.

& cette Parodie fut fi bien goûtée, qu'elle acheva de me faire fuccomber à la tenta→ tion de bâtir une petite Comédie fur un auffi leger fondement. Nous n'eûmes d'abord mon Affocié* & moi, d'autre objet que l'entrée du théatre, chose très-commode à des gens qui l'aiment & qui y vont auffi fouvent que nous y allions en ce tems-là ; en effet nous n'y étions guéres moins affidus que les Acteurs mêmes, & le fpectacle fini, nous paffions une bonne partie de nos jours avec quelques-uns de ces Meffieurs, qui étoient d'une très-bonne & trèsenjouée compagnie, & dont les maifons avoient des agrémens que je regrette encore tous les jours.

A l'égard des Piéces de ce Recueil **, je ne fçaurois qu'être fort éloigné de fouffrir jamais qu'on me les donne entieres, après avoir vû ma vanité à la plus violente épreuve où elle pouvoit être expofée là

*V. la vie de M. de Brueys & fes œuvres. ** *Edition de Palaprat 1712.

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