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Mde. DE PONTE KAN.

Non, ma fille, ce n'eft pas affez, & je voudrois que vous le fiffiez fans répugnance.

MARIAN E.

C'est beaucoup demander, Madame, pour des gens comme Meffieurs Courtinet; vous fçavez qu'un rien les fcandalife, qu'ils prennent toûjours de travers toutes les honnêtetés que l'on a pour eux, & vous avez été broüillés je ne fçai combien de fois pour des bagatelles.

JAVOTE.

. Il eft vrai, Madame, que ce font de vilaines gens. Ils difent par tout que vous les méprisez parce qu'ils font de la Robe, & que vous êtes la veuve

d'un Colonel.

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Mde. DE PONTERAN.

Javote, vous plairoit-il de vous taire?

JA VOTE.

Je ne puis fouffrir Madame, qu'on parle mal de

vous.

Javote...

Mde. DE PONTERAN.

JA VOTE.

Qu'un Procureur, parce qu'il a trente mil écus à donner en mariage à fon grand benêt de fils l'Avocat, ofe publier par tout que Madame de Ponteran eft la femme de Paris la plus glorieufe & la plus vindicative.

Mde- DE PONTERAN.

Javote, encore une fois...

JAVOTE.

Ces difcours peuvent-ils fe fupporter d'un Procureur & d'un Avocat?

Mde. DE PONTERAN.

Vous tairez-vous ?

JAVOTE.

Un Avocat époufer la fille d'un Colonel!
Mde. DE PONTERAN.

Aprenez fotte que vous êtes, qu'il faut commencer par ce titre pour parvenir aux plus hautes dignités de la Robe, & qu'avec trente mil écus... JAVOTE.

Je fçai tout cela: mais fi le titre d'Avocat & les trente mil écus ne font accompagnés d'un mérite perfonnel, on ne parvient point à des Charges confidérables; & je fuis fùre que votre Monfieur Courtinet, avec fon titre d'Avocat & fes trente mil écus, fera toûjours Avocat écoutant, & le plus grand benêt de Paris, c'est beaucoup dire.

Mde. DE PONTERAN.

Finiffons ce difcours, je vous prie. Il eft vrai, ma fille, que nous avons été broüillés : mais c'eft pour cela même qu'il faut ne rien oublier aujourd'hui pour les bien recevoir. Vous fçavez en quel état. font nos affaires. Clitandre, il est vrai, est un fort honnête homme, & je l'aurois préféré avec plaifir au fils de Monfieur Courtinet: mais il n'eft riche qu'en efpérance, & le Comte d'Orfan, son onele, dont il attend de grands biens, tout vieux qu'il eft, vivra peut-être plus que lui; ce n'eft

pas ce qu'il nous faut. Vous fçavez ce que je vous ai dit ce matin: en un mot j'ai donné ma parole, & je veux abfolument faire ce foir ce mariage; fongez bien à ce que je vous recommande. J'entends mon caroffe; adieu je pafferai chez le Notaire, je ferai ici fur les fept heures.

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Vous ne me dites rien, & vous pleurez.

MARIAN E.

N'est-ce pas t'en dire affez?

JAVOTE.

J'entends à peu près ce langage: mais...

MARIANE.

Ah me voilà perduë! je me verrai mariée aujourd'hui à un homme que je hais plus que la mort, & je perds Clitandre pour jamais.

JAVOTE.

Franchement votre mere vous jouë là d'un

mauvais tour,

MARIANE.

Il mourra de douleur quand il apprendra cette nouvelle.

JAVOTE.

Elle fera fâcheuse pour lui.

MARIANE.

Pourquoi partoit-il pour l'armée?

JAVOTE.

Son devoir l'y obligeoit. Croyez-vous être la feule à Paris qui ait un Amant en Allemagne ? Ah que j'en connois, & qui ne font peut-être pas loin d'ici, à qui cette campagne coûte autre chofe que des foûpirs & des larmes! Combien y a-t-il de femmes qui, par zele fans doute pour le fervice du Roi, ont eu la générofité d'aider elles-mêmes à faire les équipages de jeunes Officiers, dont le départ les défefpéroit? Il eft vrai qu'il leur en revient une affez belle réputation, & qu'en récompenfe on appelle aujourd'hui ces femmes-là les troupes auxiliaires de l'armée.

MARIAN E.

Ah! Javote, le malheur des autres ne me confole point.

JAVOTE.

En verité vous me faites pitié, & je commence à m'attendrir; car outre votre intérêt, j'y fuis auffi pour mon compte plus que vous ne penfez., Clitandre m'avoit promis que s'il pouvoit être affez heureux pour devenir votre époux, il me marieroit à l'Epine fon valet de chambre; & fur cette:

efpérance... Mais auffi que ne difiez-vous à votre mere que vous ne vouliez point de ce grand jocrice d'Avocat? Qu'eft devenue cette noble averfion que vous avez toûjours euë pour les gens du Palais, & parculierement pour Meffieurs les Avocats?

MARIANE.

Doucement, Javote: cette averfion n'eft que pour Monfieur Courtinet; & ce qui me le rend encore plus haïffable, c'eft que par un fot entêtement il femble lui-même avoir du mépris pour les gens de fa profeffion.

JAVOTE.

Il n'eft pas le feul qui a cet entêtement : j'en connois un qui ces jours paffés caffa fon Secretaire pour avoir un Trompette, & quitta enfin une très-belle Charge de Magiftrature pour se faire Ca. pitaine de Cavalerie... Mais on frape.

Vois quic'eft.

MARIANE.

JAVOTE.

Garre Meffieurs Courtinet.

MARIAN E.

Que je fuis malheureuse! Ah Clitandre, pourquoi partiez-vous?

JAVOTE.

Jonquille, va promptement ouvrir, & referme la porte. Madame, qui diriez vous que c'eft?

Je ne fçai.

MARIANE,

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