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arrogées impunément tous les attributs * les plus pompeux des femmes de condition, & fe font mifes fur le pied des plus groffes Madames. ** Comme tous les plus bas recueils des plus plates pedanteries : toutes les plus triviales & les plus ineptes rêveries qu'un auteur met au-devant de fon ouvrage, font appellées pompeusement, & non moins abufivement Préfaces.

En penfant de la maniere que je pense fur elles, je n'avois garde d'en faire aujourd'hui pour des ouvrages qui le méritent fi peu, & qu'il y a vingt ans que pour la premiere fois j'avois laiffés abandonner au Public, fans en prendre le moindre foin, & avec une tranquillité, fi je l'ofe dire, pareille à celle de ces meres affez indif

* La robe portée par une espéce de carême-prenant, petit payfan de la Brie poüilleuse, grotesquement accoutré en Houf fart avec une aigrette. Le carreau foûtenu par un More pliant fous la pefanteur de fon velours & de fes galons (les laquais blancs font trop triviaux.) L'Ecuyer y fera infenfiblement ajoûté : & que ne donneroit-on point pour couvrir de velours l'imperiale du caroffe? car il n'eft marque de diftinElion fi facrée que n'euffent l'infolence d'ofer profaner des creatures forties quelquefois de la bouë du marché au poiffon, que le brigandage de leurs maris fur les défunts billets de monnoye a mifes de niveau par la dépense avec tout ce qu'ily a de plus élevé.

** Madame Jourdain dans le Bourgeois Gentilhomme de Moliere,

férentes fur le deftin des fruits de leurs amours, pour les expofer fur une borne à la merci des paffans, & des foins peu empreffés d'un Clerc de Commiffaire, qui n'eft jamais fort diligent quand il ne s'attend pas d'être bien payé.

J'avois, il eft vrai, porté mon indifférence fi loin pour ces Comédies, que fans parler des horribles fautes d'impreffion contre la raifon & le bon fens, dont fourmilloient leurs précédentes éditions, il manquoit à la feule Comédie du Grondeur, qui eft celle quia été imprimée le plus fouvent, des Scenes toutes entieres: & malgré tout cela, cette Piéce ainfi défectueufe & mutilée, n'a pas laiffé d'avoir un débit & une vogue prefque auffi grande chez le Libraire que fur le Théatre; preuve fuffifante pour voir que la plupart des gens n'achetent ces livres que parce qu'ils les voyent acheter aux autres.

Il auroit donc fuffi d'un très-petit Avertiffement du Libraire, qui eût affûré les acheteurs que j'avois vû, revû, touché, retouché, examiné, & corrigé cette édition avec exactitude, & qu'outre qu'on la leur donnoit correcte, on l'avoit augmentée de plufieurs Piéces qui n'avoient pas été imprimées.

Car pourquoi, dira-t-on, s'aviser, après

fi long-tems de faire une Préface pour de vieilles Piéces, & de mettre des paremens neufs à un habit ufé? il ne s'agit pas de juftifier ces Comédies, dont les unes font reçûës encore tous les jours avec plaisir, & on ne fonge plus aux autres.

que

On auroit donc raison de me reprocher que j'enchéris vifiblement fur l'abus que j'ai condamné, fi je ne prenois le foin je prends de déclarer que tout ce préambule, ce verbiage, ce prologue, ce poëme, ce difcours, cet avant-propos, à qui, entraîné par le mauvais exemple, j'ai donné le nom de Préface, que j'avoue qu'il ne mérite pas ; fi, dis-je, je ne déclarois point que la précaution que je prends dans ce difcours n'eft point du tout pour les Comédies qui font contenues dans ces deux premiers tomes; je la prends uniquement pour les Difcours qui précédent ces Comédies. Voici le fait.

Je me fuis amufé, je ne fçaurois dire comment, pourquoi, ni par quel caprice à faire un Difcours fur chacune de ces Comédies; en quoi la réflexion, qui vient rarement affez tôt dans les perfonnes un peu vives, pour ne dire pas étourdies, m'a fait appercevoir après coup, & un peu trop tard, que j'ai fait un ufage moins bon & moins férieux que je ne devois du

loifir

loifir qui fuit le penchant d'un homme qui ne fe fent que trop fur fon declin, qui ceffe d'être occupé par les paffions, & qui l'eft auffi peu que je le fuis par les affaires.

Il s'agit donc de prévenir franchement & de bonne foi le lecteur fur ces Difcours, afin qu'il n'aille pas croire, comme vraifemblablement il le croiroit, qu'ils font des examens de ces Piéces, & qu'ils contiennent des differtations instructives sur ce sujet. Je lui déclare qu'ils ne font rien moins que cela, & ne parlent tout au plus de ces Comédies, que pour dire ce qui a donné lieu à chacune d'elles, la part que j'y ai la maniere dont je les ai faites, en tout ou en partie, moi feul, ou avec un homme de mérite qui fut long-tems mon affocié, & dont je ferai fréquente & honorable mention dans ces Difcours.

J'y rapporte quelques incidens & quelques petits traits historiques de leur tems des fcenes qui fe font paffées à leur occafion, foit dans l'enceinte des murs facrés de la Comédie, foit dans fa banlieuë, & quelquefois même au-delà du reffort de la jurifdiction théatrale & comique : mais qui ont toûjours quelque légére connexitéavec le tems de la Piece, fon fujet, les Acteurs qui y jouoient, ou avec d'autres cir constances.

b

Au refte, le lecteur ne peut être affez préparé à trouver toute forte de défauts, des écarts fréquens, & des déreglemens outrés dans ces Difcours, à commencer par celui-ci, qui n'étant fait que pour prévenir le lecteur fur les defordres des autres, au lieu de produire en lui cet effet en leur faveur, achevera peut-être de l'indisposer

contr'eux.

Qu'on s'attende donc à trouver toute forte de hardieffes & de négligences dans ces Difcours, fur-tout dans ceux qui précédent le Grondeur, le Muet, les Empiriques, & l'Important: je n'y garde pas plus: d'ordre & de fuite qu'en tient dans fa courfe un jeune cheval échapé qui va parbonds & par fauts, n'ayant point de frein qui le retienne. *

Mais voilà une comparaison bien magnifique & peu proportionnée à mon âge; c'est bien à moi vraiment à être comparé à un jeune cheval fougueux, & n'est-ce pas le moyen de me faire dire au contraire:

Malheureux, laiffe en paix ton cheval vieilliffant,

De peur que tout à coup efflanqué, fans halei

ner

* Per aperta volans ceu libet habenis

Equora. Virg.

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