Imágenes de páginas
PDF
EPUB

Il ne laile en tombant fon maître fur l'a

rene.

Je doute même qu'on me fît l'honneur de fe fervir de ces vers de Defpreaux, imités d'Horace, & l'on m'appliqueroit plûtôt ce Quatrain, qui eft de Dafsouci, où de quelqu'autre qui ne vaut guéres mieux:

Ton pegafe n'est qu'une rosse,
Tiens-le clos, il bat trop des flancs;
Crains, s'il avoit la clef des champs,
Qu'il ne s'attirât playe ou bosse.

Je profite de ma réflexion & de cet avis, je déroge à la comparaifon, je l'abdique & je la caffe, comme le Faloux defabusé ** caffe le privilege des femmes, pour confeffer de bonne foi que je me fuis laiffé gagner à la demangeaifon de conter mille chofes vaines, avec la foibleffe d'un vieillard, qui, au milieu de fa famille & de fes amis, leur fait des hiftoires qu'il leur a cinquante fois répétées, raconte les incidens de fa vie, depuis fes premieres classes

* Defpreaux.

Solve fenefcentem maturè fanus equum, ne
Peccet in extremum ridendus, & Ilia ducat.

** A. & Sc. 4,

Horat.

jufqu'à fes troifiémes nôces, paffe des frédaines de fa jeuneffe aux graves époques de fes emplois les plus férieux, faute du College à la Cour, du Bal au Palais, revient de la Grand'-Chambre à l'Academie, confond les procès qu'il a perdus avec les parties de paume qu'il a gagnées, ne met point d'intervale entre le récit de fes galanteries & de fes combats, & la defcription de fes fluxions & de fes rumatifmes; commence une avanture de cabaret, qu'il finit par des réflexions morales fur le tems paffé; & ne s'ennuyant jamais d'ennuyer tout le monde, conte dans ce bel arrangement. toutes les rêveries qui lui tombent dans. l'imagination.

Voilà la peinture fidéle de ces Difcours. Je prends toutes les précautions que je puis & que je dois, d'avertir qu'il n'y a guéres de libertés que je ne me fois permises, de celles qui ne peuvent faire tort qu'à la conduite d'un ouvrage & à la pureté de fon ftile, & qui ne bleffent pas les bonnes moeurs; car à cet égard je me fuis fait une loi très-févére. S'il m'échape quelque trait de fatyre, ce n'eft que fur le fiécle en général; & quand il y a quelqu'un de défigné dans mes portraits, ce n'eft que quand le portrait eft à fon avantage. J'attefte la vérité que je professe, que je n'ai eu aucun

particulier en vûë, & j'efpere que tous ceux qui auront affez de temps à perdre pour lire ces bagatelles, en tomberont d'acord. Quelquefois j'ai formé mes peintures des traits raffemblés en trente objets différents, pour éviter avec foin qu'il n'y eût perfonne d'affez malin qui en pût faire d'application jufte.

Pour les libertés qui n'encourent que la cenfure du Parnaffe, je n'en ai pas ufé avec la même retenuë: je me pique d'être un bon homme, & n'ai point la vanité d'afpirer à paffer pour un bon écrivain ; auffi ne me fuis-je guéres ménagé fur ce dernier article. Attendez-vous à trouver dans ces Difcours tous les défauts qui peuvent choquer ce que les écrivains tendus appellent de leur autorité jufteffe ; excufe quelquefois de la froideur, & toûjours faux-fuyant d'un génie timide qui fe défie avec raifon du fuccès de fes hardieffes.

Il n'y a donc rien de tout ce qui est décrié par les édits de ces fouverains Maitres, ou plûtôt de ces tyrans de l'Eloquence, comme directement contraire & opposé à leur justeffe, qui ne fe trouve fréquemment dans ces Difcours : metaphores hardies, façon de parler téméraire ment hazardées, & fans les avoir foûmifes à ces grands arbitres de leur fanf-conduits

.

nul fcrupule fur les Gafconismes, quand ils ont facilité mon expreffion, gafconades même employées avec deffein, parce qu'une longue expérience m'a appris qu'elles divertiffent fouvent ; fréquens écarts de mon fujet ; que dis-je? égaremens inexcufables & fi grands, que je plante là quelquefois ce pauvre fujet, pour courir après quel que trait de fatyre, innocente à la vérité, parce qu'elle eft générale, pour m'embarraffer dans des contes, pour m'embarquer dans des peintures des moeurs, leur faire la guerre, & les combattre auffi mal à propos que le loyal, mais toûjours malheureux Chevalier de la trifte figure combattoit les moulins à vent.

Pour les digreffions, j'y retombe fi fou vent, que j'en ai eu honte, & me fuis crû obligé d'en faire une amende honorable dans un Difcours exprès qui précéde celui qui eft à la tête des Empiriques. Bien plus, je fuis trop fincere pour ne pas confeffer que tous les défauts en un mot qui peuvent être critiqués avec juftice par les perfonnes férieufes qui aiment qu'on écrive avec fageffe & avec pureté, fauteront aux yeux du lecteur de ce caractére, même le plus indulgent, non feulement dès l'entrée de ces Difcours, pour lefquels je prends tant de foin de l'y préparer: mais même de ce

lui-ci, qui n'a pû être fufceptible d'aucune préparation, parce que cela feroit allé à l'infini, & que j'aurois fait infenfiblement un volume entier de préparations.

J'avouë ingénuëment qu'au lieu d'éviter tous ces défauts dont je viens de parler, je me fuis flaté que ce feroit peut-être par là que ces Difcours feroient fortune. Le goût du tems en toutes choses ne me paroît pas ennemi des irrégularités ; il fuffiroit de la fureur qu'on a pour les ouvrages de la Chine, pour prouver que les imaginations les plus bizarres plaifent plus que les deffeins fuivis & corrects; les arts en cela ne font qu'imiter la nature. Les beautés les plus parfaites n'ont pas toûjours fait naître les plus grandes paffions: j'ar foûpiré pour tels petits yeux noirs, qui m'ont fufcité plus de rivaux que je n'en aurois eus s'ils avoient été grands & verds comme les yeux de Minerve, tant vantés par les Poëtes Grecs,* ou ceux de Philis, qui mériterent d'être changés en aftres. ** Et j'ai connu telle grande bouche qui a fait plus d'adorateurs, & a infpiré plus de defirs , que n'en alluma jamais la petite bouche de Diane, *** la plus parfaite du Ciel * M. Dacier fur l'Ode 28. d' Anacréon.

** Poëme des yeux de Philis changés en aftres.

*** Ofculum quale Praxiteles habere Dianam credidit. Petrane.

« AnteriorContinuar »