Imágenes de páginas
PDF
EPUB

Les enfans s'amufent fouvent à regarder des moucherons, & autres petits infectes, dans des microfcopes; il faut pour cela, qu'ils ferment un œil, & s'ils reviennent fréquemment à la charge, les voilà dans le cas des Arimafpes.

Quand les enfans font un peu grands, on leur donne, fi ce font des garçons, des can nes à lorgne:tes. Or pour fe fervir de ces Jorgnettes, il faut, tout de même, qu'ils ferment un œil, & s'il recommencent fouvent, les voilà encore dans le cas des Arimafpes. Ce n'eft pas tout, on leur donne bientôt des lunettes d'approche pour fe divertir pendant les vacances, & autres temps de loifir. Ces lunettes ne font de nul ufage, fi pour les employer, on ne ferme un ceil; autre cas femblable à celui des Arimafpes. Comment après cela veut-on qu'un enfant, qui aura de la difpofition à la Monopie, ne devien ne pas Monope, ou ce qui eft la même chofe, Arimafpe, dans le fens que nous l'entendons? Mais comment fçavoir fi un enfant a de la difpofition à la Monopie? La chofe eft difficile; c'eft pour quoi dans ce doute, il vaut mieux pren dre le parti le plus fûr, qui eft de faire enforte qu'avant un certain âge, il ne

-com

[ocr errors]

connoiffe ni microscopes, ni lorgnettes, ni lunettes d'approche.

7°. Oeil Hagard, on Ocil féroce.

Cette difformité eft ordinairement l'ef. fet d'une mauvaife éducation. On laifle. prendre à un enfant, la coutume de regarder avec colere, ceux qui le contredifent, & qui ne fe foumettent pas à tout ce qu'il demande; il n'en faut pas da vantage pour lui rendre l'œil hagard. Une gouvernante fage combattra l'hu meur emportée & hautaine d'un enfant. une mere peu prudente lui paflera tout. L'enfant qui fe verra foutenu s'en prévaudra Il deviendra encore plus emporté, plus hautain, plus féroce. Il regarde-ra tout le monde avec un air altier, & jufqu'à fa mere même.

Voilà ce qui gâte ordinairement les enfans, & leur rend les yeux hagard. Défaut que rarement l'âge corrige, & que fouvent il augmente.

L'œil hagard a je ne fçai quoi de fu rieux & de menaçant. Ce qui a fait dire à Boileau dans fon Lutrin, en parlant de l'Orlogere irritée contre fon mari, & auffi boüillante, de colere, que cette femme que décrit Plaute dans la Comé

die de Cafine, * & que cette autre qu'il décrit dans la Comédie du Phantôni. t

Elle tremble, & fur lui roulant des yeux bagards, Quelque-tems fans parler laiffe errer fes regards,

Mais enfin fa douleur se faifant une paf

fuge,

Elle éclate en ces mots, que lui dicte la rage, &c.

Puis, dans le même Poëme, en faifant parler le Marguillier Sydrac à ceux qui ont peur du hibou caché dans le Lutrin.

Croyez-moi, mes enfans, je vous parle à bon titre,

J'ai, moi feul, autrefois, plaidé tout un Chapitre,

Et le Barrean n'a point de monftres fi

hagards,

Dont mon œil n'ait cent fois fontenu les

regards.

Tome II.

L

En

*Cafin.act. 2. Scen. 5. v. 17. où le Valet Olim pie en fe plaignant de fa maîtreffe qui s'emporte, dit: Nunc in fermento tota eft, ita turget mihi.

+ Moftel. Act. 3. Schen. 2. v. 10. où le vieillard Simon, en parlant de fa femme qui fait le diable an logis, dit: Tota mihi turget uxor, nunc scio demi.

Enfin, les yeux hagards font tout l'oppofé des yeux doux, & c'eft en ce fens qué defmarets a dit dans fes Visionmaires.

Doncques rigoureuse Cassandre,
Tes yeux, entre doux & hagards,
Par l'optique de tes regards,
Me vont pulvérifer en cendre.

Quels remedes, au refte, peuvent corriger les yeux hagards dans les perfonnes qui ont paffé un certain âge? Il n'y en a point. C'est pourquoi il eft d'une grande importance de s'y prendre de bonne heure, pour empêcher les enfans de contracter une telle difformité.

Premierement, peres & meres, ne leur donnez que des nourrices qui ayent le regard doux; fecondement, quand ils font un peu grands, & qu'ils commen cent à comprendre ce qu'on leur dit, ne fouffrez pas qu'ils regardent perfonne avec des yeux de colere; troifiémement, ne les reprenez jamais avec emportement ; car ils imiteront, en tout, vos mauvaifes manieres; quatriémement, ne permettez pas qu'ils faflent rien qui choque le bon naturel Ils feront fouvent portez à s'éloigner de ce bon naturel, par l'exemple

de

[ocr errors]

de certains domestiques qui tueront de fang froid, un chien, un, chat, un oifeau &c. Chaffez ces domeftiques, & que vos enfans ne les voyent jamais ; cinquièmement, empêchez qu'on ne leur perfuade que les bêtes ne fentent rien. Cette doctrine est toute propre à rendre les enfans cruels; ils tueront tranquillement un moineau, un ferin, &c. ce qui peut aller loin, & à force de fe faire un naturel féroce, ils en contracteront jufqu'à la phyfionomie, qui fera d'avoir les yeux hagards.

Il eft dit de Caïn dans la Genese, qu'après fon meurtre, Dieu lui imprima une marque pour empêcher que ceux qui le rencontreroient, ne le tuaffent ; plufieurs prétendent que cette marque confiftoit dans un air affreux qui faifoit fuir tout le monde. enforte que perfonne n'ofoit aborder Caïn. Cet air af freux étoit, à ce à ce qu'on croit, ce qu'on entend par les yeux hagards, dont le feul afpect ne fe peut qu'à peine foutenir comme le témoigne Boileau dans ces vers que nous venons de ci

ter.

[ocr errors]
« AnteriorContinuar »