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à la vue de quelque objet ? le vifage, fans qu'on y penfe, marque auffi-tôt la compaffion fecrette dont on eft émeu. Il en eft, de même des fentimens habituels de l'ame; un enfant eft élevé dans des maximes d'honneur, les traits de fon vifage fe forment infenfiblement là deffus, & deviennent enfuite inéfaçables, pourvü que cette éducation continue julqu'au temps où les traits s'affermiffent. Les fentimens paffagers de l'ame, ne font fur le vifage, qu'une impreffion paffagere; mais les fentimens habituels, tels que ceux qui fe contractent dans la bonne ou dans la mauvaife éducation, "dans les bonnes ou dans les mauvaifes hábitudes, ceux-là, par des coups redoublés impriment fur le vifage, des caracteres fi profonds, que ces caracteres ne s'éffacent plus. C'eft ce qui fait la bonne, ou la mauvaife phyfionomie. Une jeune perfonne fera colere de fon naturel, ne travaillera point à corriger en elle, cette paffion; le vifage, à force de prendre les plis, & les froncemens que la colere y caufe, en confervera des traces qui ne difparoîtront jamais, & qui, fans que la perfonne foit actuellement en colere, marqueront fon humeur emportée, ce qui fera un air gude. La réflexion a beau ve

on

nir enfuite, on peut fe faire violence, & fe corriger, mais l'air rude & colere qu'on a contracté, refte toûjours, & on porte toute la vie, fur le vifage, de quoi déplaire à tout le monde.

Ce que je dis de la paffion de colere fe doit entendre de toutes les autres paf fions; on s'accoûtumera par exemple, dès fa jeuneffe, à des airs d'orgueil & de mépris pour la plupart des perfonnes que l'on verra; des parens ne yeilleront pas à corriger d'abord ce défaut; le vifage prendra alors, peu à peu, des traits d'orgueil & de hauteur, & ces traits à force de fe renouveller & de fe retra cer tous les jours fur la peau du vifage s'y graveront de telle maniere quon aura enfuite tout le refte de la vie, un air méprifant, qui eft le plus choquant de tous les airs, & le plus capable d'at tirer fur. foi le mépris même qu'on a pour les autres. 8

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Un enfant fera élevé d'une maniere trifte, fon vifage prendra un air trifte & déplaifant, Ainfi peres & meres, qui voulez que vos enfans ayent un air gai, élevez-les d'une maniere qui les tienne gais; mais prenez garde, auffi de leur donner trop de liberté, & de souffrir qu'ils parlent &

is agillent etourdi

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ment.

ment. Une trop grande condefcendance fur ce point, leur procureroit, pour le cours de leur vie, un air étourdi, quand même ils viendroient enfuite, à bout de fe corriger.

On le plait quelquefois, à voir des enfans contrefaire les grimaces qu'ils voyent faire à certaines perfonnes; c'est le vrai moyen qu'ils les faffent ensuite eux-mêmes fans s'en appercevoir; la peau du vifage à force de fe froncer & de fe fillonner d'une certaine façon, contracte des plis qui ne peuvent non plus s'effacer, que ceux qu'on a faits à du papier, lefquels ne difparoiffent jamais fi bien, que la marque n'y refte.

11 réfulte de tout cela, que les parens font comme les maîtres de la phyfionomie de leurs enfans, puifque cette phyfionomie dépend des fentimens de l'ame; que les fentimens de l'âme dépendent de l'éducation, & que l'éducation dépend des parens. Un pere & une mere ne fçauroient rendre réguliers à un enfant, les traits de fon vifage, s'ils ne le font pas. Mais ils peuvent former Pefprit & le cœur de cet enfant, & c'eft en lui formant l'efprit & le cœur, qu'ils lui formeront l'air du vifage.

Quand les enfans font ou disent quel

que

que chofe de bien, approuvez-les par quelque petit mot de loüange; l'appro bation leur éleve l'ame, & fi l'on y veut prendre garde, on verra que leur vifage, lorfqu'on approuve ce qu'ils ont fait ou dit, prend des traits nobles. Mais fous ce pretexte n'allez pas donner à vos enfans, des louanges outrées. Ces louanges les rendoient fiers, peut-être même infolens, & en conféquence imprimeroient fur leur vifage, des traits de fierté & d'infolence qui les rendroient odieux dans la focieté. Ces reflexions fuffifent pour exciter la vigilance des parens fur plufieurs autres points que je fupprime, En voilà affez pour ce qui concerne le vifage en général, paffons aux diffor mités de fes différentes parties.

Du Vifage confidéré en détail, par rap port à fes différentes partie.

Il y a, comme nous l'avons dit neuf parties très-apparentes dans le vifage fçavoir le front, les fourcils, le nez les paupieres, les yeux, les joues, les oreilles, les lévres & le menton quoi il faut ajoûter la peau qui couvre le vifage. Nous parlerons d'abord de es parties; puis nous viendront à cel-. C 3

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les

les qui font moins apparentes, telles que les gencives, les dents & la langue.

LE FRONT.

Diverfes difformités du Front.

Aux jeunes perfonnes, le front doit être uni & fans plis. Peres & meres ayez foin d'infpirer de la douceur & de la joye à vos enfans, élevez-les dans la tranquilité; ils auront le front uni & fans plis; mais fi vous les élevez triftement, fi vous les rendez chagrins & rêveurs, leur front le pliffera dès leurs premieres années; car l'ennui & la triftefle font pliffer le front. Mais enfin foit qu'il y ait de votre faute, foit qu'il n'y en ait pas, fi vous voyez qu'ils ayent le front pliffé, commencez toujours par leur infpirer une humeur gaye, puis ayez recours au moyen fuivant pour effacer les traces des plis, & continuez ce moyen plufieurs mois jufqu'à ce que les plis difparoiffent entierement. Mettez-leur fur le front, une bande qui y refte jour & nuit. Cette bande, fi elle ferre un peu le front, le rendra uni, pourvû que l'on continue long-temps,

,

&

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