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<< Non, je fuis content de vos foins,

» Di-il, & je voudrois au moins Vous en offrir un plus digne falaire;

» Mais je fuis las de vivre pour fouffrir.

» Cherchez un nouveau maître, & me laiffez mourir.

Tous ces valets en proie aux plus vives alarmes,

Sont à fes pieds, les arrofent de larmes.

<<< Viveż, lui crioient-ils, & fouffrez-nous toujours » Auprès de vous, pour veiller fur vos jours. » Mais de fa vie enfin jaloux de voir le terme,

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Toujours en proie à fes ennuis,

*

Sans répondre un feul mot, dans fa chambre il s'enferme
Pour y paffer la plus longue des nuits.

Il n'eft pas feul en proie à ce cruel martyre;
Nina, vingt fois le jour, loin de fe confoler,
Avoit tenté de s'en aller

Bien loin, tout auffi loin qu'auroit pu la conduire
Son défefpoir. On avoit par malheur

Obfervé tous fes pas, on craignoit fa douleur.
Mais quelle fut, hélas! fa trifteffe mortelle,
Quand, malgré fon chagrin,

Nina, près d'y monter, reconnut à la fin
Le cheval gris arrêté devant elle !
La pauvrette voudroit en vain
Cacher fes pleurs ; ils inondent fon sein.
Mais comme elle quittoit la maifon paternelle,
A la nature on fit honneur

Des regrets que l'amour arrachoit à fon cœur.
On s'achemine enfin comme la moins preffée
Nina fuivoit la troupe ; elle avoit pour parrain
Et pour guide un vieux châtelain,

Qui pour avoir dormi trop peu la nuit passée,
Tout en caufant, s'endormit en chemin.
Pour retarder un peu fon malheur qui s'avance,
Tout en rêvant au chevalier,

Elle ralentiffoit les pas de fon courfier,
Qui fembloit avec elle être d'intelligence :
Il cheminoit lentement, triftement.
Cependant on atteint un endroit qui partage,
En deux fentiers, la route où l'on voyage;

L'un à Médot mene directement,

L'autre au château du malheureux amant:
Chacun prend auffi-tôt le fentier du village;

Mais le beau cheval gris que ne guide aucun frein,
Soit habitude, inftinct, foit que l'amour peut-être
Le dirigeât d'une invifible main,

Prend le fentier qui conduit vers fon maître.
Ils étoient déjà loin, quand Nina brusquement
Sort de fa rêverie: un premier mouvement
La fait crier après fon guide,

Qui fommeilloit encor profondément ;
Mais malgré ce danger, l'amour feul en décide.
Eh! quel malheur peut jamais être égal
Au fort qu'on lui deftine, à cet hymen fatal?
Sans favoir où conduit cette route nouvelle,
Elle la fuit aveuglément ;

Elle obéit à fon guide fidele,

Qui la conduit tout droit à fon amant.

Oh! quel étonnement, quels transports d'alégreffe,
Quand fur ce chemin qu'elle a pris,
Nina voit, reconnoît l'amant qui l'intéreffe,
Et que le chevalier revoit fon cheval gris
Qui lui ramene fa maîtreffe!

Quand par elle il eut tout appris,

Au cheval gris, avec quelle tendreffe
Il rend graces de fon bonheur!

Comme il le baife, le careffe,

Et lui donne les noms d'ami, de bienfaiteur.
Puis regardant Nina, triomphant, il s'écrie:
« Je ne te quitte plus, Nina, qu'avec la vie!
Soudain la menant à l'autel,

Devant un Aumônier l'un à l'autre fe lie

Par le ferment d'un amour éternel.

Cela fait, à Médot il écrivit l'aventure

De fa Nina. « Pour prix d'une flamme fi pure,
» C'eft le ciel, difoit-il, qui l'a conduit vers moi
» Je crois, en l'épousant, obéir à sa loi. »
Tout le monde accourut: alors faifant entendre
L'honneur, la raifon tour-à-tour,

Le chevalier raconta fon amour

Aux vieillards indignés qu'on eût ofé les rendre
Complices d'un fi lâche tour.

Tout fut pour les amants; & malgré sa rudeffe,

Le

e pere fut forcé de foufcrire à leurs vœux.

Le cheval gris coula des jours heureux

Auprès des deux époux dont il eut la tendreffe;
Et par ce couple généreux,

Fut, comme un vieil ami, choyé dans fa vieilleffe.

Dans les mots en caracteres italiques, fe trouvent répétées les parties du difcours Qu'on raifonne l'analogie qu'ils ont avec ceux qui les fuivent; après quelques réflexions on aura bientôt trouvé le nom, l'article, le pronom le verbe, &c.

Nous espérons qu'on ne nous faura pas mauvais gré d'avoir choifi un conte auffi long. Le naturel & les graces qui y préfident, font bien capables de racheter ce défaut. L'auteur de Joconde (1) ne l'auroit pas défavoué.

Nous aurions bien donné pour exemple des parties du difcours, un de ceux de ce poëte inimitable: << tous font autant de modeles de la > narration la plus piquante, la plus naturelle » & la plus gracieufe; mais ils font à redou»ter, quoique l'auteur les ait regardés comme » des préfervatifs contre les pieges de la féduc» tion; ce qui faifoit dire à ce poëte de la > nature, avec une confiance que la candeur » feule de fon caractere peut fauver du foupçon » de fauffeté (2):

« J'ouvre l'efprit', & rends le fexe habile
» A fe garder des pieges divers :

» Søtte ignorance en fait trébucher mille,
» Contre une feule à qui nuiront mes vers. »

(1) La Fontaine. (2) M. l'abbé Sab

Perfonne n'ignore que ce grand homme, cet homme de tous les âges & de toutes les nations, expia par un fincere repentir les écarts de fon imagination, quand on eut diffipé fa fécurité. Que j'aime à lire ces quatre vers renfermés dans l'épître de M. Racine le fils, à J. B. Rousseau. Avec quelle énergie ils peignent le caractere du fabulifte de notre nation;

<< Vrai dans tous fes écrits, vrai dans tous fes difcours,

>> Vrai dans fa pénitence à la fin de ses jours,

» Du maître qui s'approche il prévient la juftice,
» Et l'auteur de Joconde eft armé d'un cilice. >>

Nous nous permettons dans cet effai quelques digreffions apologétiques; on voudra bien nous en permettre encore. Il eft impoffible de taire l'éloge quand il eft une juftice; il ne peut bleffer ni celui qui le donne, ni celui à qui on l'adreffe.

Nous allons nous occuper maintenant de l'Orthographe.

3

DE L'ORTHOGRAPHE.

CETTE partie de notre langue a caufé une efpece de fchifme parmi beaucoup d'auteurs. Chacun a voulu, pour ainfi-dire, établir une orthographe particuliere : mais on entreprendra toujours en vain d'affujettir la langue à une pronon-. ciation & à une orthographe fyftématique, & d'en fonder les regles fur des principes qui demeurent toujours les mêmes. L'ufage qui, en matiere de langue, eft plus fort que la raifon, auroit bientôt tranfgreffé les loix. Il est donc vrai de dire qu'on doit fe conformer, non pas à l'ufage qui commence, mais à l'usage généralement établi.

L'auteur des contemporaines qui veut abfolument qu'on écrive comme on parle, a trouvé & trouve encore aujourd'hui des partifans. Mais qu'on nous permette d'obferver que dans une langue vivante, l'orthographe eft fujette à des regles toutes différentes de celles de la prononciation. L'ufage général veut qu'on écrive paon, faon, août, Caen, Saône, à jeun, Europe, &c. Cependant on doit prononcer pan, fan, oût, Can, Sône, à jun, Urope, &c. Nous ne nous appuierons donc far aucune autorité particuliere, à moins qu'elle ne foit fondée fur celle de l'académie.

Qu'on s'arrête un moment à l'orthographe qui

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