<< Non, je fuis content de vos foins, » Di-il, & je voudrois au moins Vous en offrir un plus digne falaire; » Mais je fuis las de vivre pour fouffrir. » Cherchez un nouveau maître, & me laiffez mourir. ར Tous ces valets en proie aux plus vives alarmes, Sont à fes pieds, les arrofent de larmes. <<< Viveż, lui crioient-ils, & fouffrez-nous toujours » Auprès de vous, pour veiller fur vos jours. » Mais de fa vie enfin jaloux de voir le terme, Toujours en proie à fes ennuis, * Sans répondre un feul mot, dans fa chambre il s'enferme Il n'eft pas feul en proie à ce cruel martyre; Bien loin, tout auffi loin qu'auroit pu la conduire Obfervé tous fes pas, on craignoit fa douleur. Nina, près d'y monter, reconnut à la fin Des regrets que l'amour arrachoit à fon cœur. Qui pour avoir dormi trop peu la nuit passée, Elle ralentiffoit les pas de fon courfier, L'un à Médot mene directement, L'autre au château du malheureux amant: Mais le beau cheval gris que ne guide aucun frein, Prend le fentier qui conduit vers fon maître. Qui fommeilloit encor profondément ; Elle obéit à fon guide fidele, Qui la conduit tout droit à fon amant. Oh! quel étonnement, quels transports d'alégreffe, Quand par elle il eut tout appris, Au cheval gris, avec quelle tendreffe Comme il le baife, le careffe, Et lui donne les noms d'ami, de bienfaiteur. Devant un Aumônier l'un à l'autre fe lie Par le ferment d'un amour éternel. Cela fait, à Médot il écrivit l'aventure De fa Nina. « Pour prix d'une flamme fi pure, Le chevalier raconta fon amour Aux vieillards indignés qu'on eût ofé les rendre Tout fut pour les amants; & malgré sa rudeffe, Le e pere fut forcé de foufcrire à leurs vœux. Le cheval gris coula des jours heureux Auprès des deux époux dont il eut la tendreffe; Fut, comme un vieil ami, choyé dans fa vieilleffe. Dans les mots en caracteres italiques, fe trouvent répétées les parties du difcours Qu'on raifonne l'analogie qu'ils ont avec ceux qui les fuivent; après quelques réflexions on aura bientôt trouvé le nom, l'article, le pronom le verbe, &c. Nous espérons qu'on ne nous faura pas mauvais gré d'avoir choifi un conte auffi long. Le naturel & les graces qui y préfident, font bien capables de racheter ce défaut. L'auteur de Joconde (1) ne l'auroit pas défavoué. Nous aurions bien donné pour exemple des parties du difcours, un de ceux de ce poëte inimitable: << tous font autant de modeles de la > narration la plus piquante, la plus naturelle » & la plus gracieufe; mais ils font à redou»ter, quoique l'auteur les ait regardés comme » des préfervatifs contre les pieges de la féduc» tion; ce qui faifoit dire à ce poëte de la > nature, avec une confiance que la candeur » feule de fon caractere peut fauver du foupçon » de fauffeté (2): « J'ouvre l'efprit', & rends le fexe habile » Søtte ignorance en fait trébucher mille, (1) La Fontaine. (2) M. l'abbé Sab Perfonne n'ignore que ce grand homme, cet homme de tous les âges & de toutes les nations, expia par un fincere repentir les écarts de fon imagination, quand on eut diffipé fa fécurité. Que j'aime à lire ces quatre vers renfermés dans l'épître de M. Racine le fils, à J. B. Rousseau. Avec quelle énergie ils peignent le caractere du fabulifte de notre nation; << Vrai dans tous fes écrits, vrai dans tous fes difcours, >> Vrai dans fa pénitence à la fin de ses jours, » Du maître qui s'approche il prévient la juftice, Nous nous permettons dans cet effai quelques digreffions apologétiques; on voudra bien nous en permettre encore. Il eft impoffible de taire l'éloge quand il eft une juftice; il ne peut bleffer ni celui qui le donne, ni celui à qui on l'adreffe. Nous allons nous occuper maintenant de l'Orthographe. 3 DE L'ORTHOGRAPHE. CETTE partie de notre langue a caufé une efpece de fchifme parmi beaucoup d'auteurs. Chacun a voulu, pour ainfi-dire, établir une orthographe particuliere : mais on entreprendra toujours en vain d'affujettir la langue à une pronon-. ciation & à une orthographe fyftématique, & d'en fonder les regles fur des principes qui demeurent toujours les mêmes. L'ufage qui, en matiere de langue, eft plus fort que la raifon, auroit bientôt tranfgreffé les loix. Il est donc vrai de dire qu'on doit fe conformer, non pas à l'ufage qui commence, mais à l'usage généralement établi. L'auteur des contemporaines qui veut abfolument qu'on écrive comme on parle, a trouvé & trouve encore aujourd'hui des partifans. Mais qu'on nous permette d'obferver que dans une langue vivante, l'orthographe eft fujette à des regles toutes différentes de celles de la prononciation. L'ufage général veut qu'on écrive paon, faon, août, Caen, Saône, à jeun, Europe, &c. Cependant on doit prononcer pan, fan, oût, Can, Sône, à jun, Urope, &c. Nous ne nous appuierons donc far aucune autorité particuliere, à moins qu'elle ne foit fondée fur celle de l'académie. Qu'on s'arrête un moment à l'orthographe qui |