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De l'art féduifant de charmer,
On ne m'entendra pas me plaindre.
Qu'importe qu'on fache m'aimer

Pouvu que l'on fache bien feindre!

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A la chanfon fuivante on pourra prêter une breille auffi attentive qu'à celle-là. Elle eft für le même air. M. le cardinal de Bernis qui réunit dans fes tableaux lé coloris de Coypel à la touche du célebre Mignard, en eft l'auteur; & Mad. de Pompadour l'héroïne.

Íris, Thémire & Danaé

Ont en vain reçu mon hommage;
N'en doutez point, belle Aglaé,
Jamais mon cœur ne fut volage.

Iris parle fi tendrement,

Mon cœur eft fi foible & fi tendre,
Que je croyois, même en l'aimant,
Vous voir, vous parler, vous entendre.

Un fourire engageant & doux
M'enflamma bientôt pour Thémire;
J'ignorois qu'une autre que vous
pût auffi finement Sourire.

Danaé s'offrit dans le bain;
Qu'on eft aveugle quand on aime
Aux lys répandus fur fon fein,
Je ne crus voir qu'Aglaé même.

Ainfi, dans les plus doux plaifirs,
Je cédois à vos feules armes;
Mon cœur ne formoit des defirs

Que par l'image de vos charmes.

On voit dans ces deux chanfons que les mots

en lettres italiques font des verbes, parce qu'on peut mettre avant eux les pronoms perfonnels.

Les poéfies de M. Dorat, & principalement fes chanfons, offrent une tournure d'efprit agréable, de la fineffe, des détails piquants, des comparaifons ingénieufes, des images riantes, un coloris brillant, & une touche toujours délicate & toujours facile.

Autant en emporte le vent, chanfon que ce poëte ingénieux a faite fur l'air: Des fimples jeux de mon enfance, joint à ces différents caracteres un ton de naïveté & de graces que la Fontaine n'auroit pas défavoué. Les trois couplets qui la compofent donneront encore la connoiffance la plus fatisfaifante des verbes.

Licidas prit, dans le bocage,,
Un bel oifeau fous des buiffons;
Et crut retenir le volage
Par un fimple lien de joncs
Que ta cage n'eft-elle faite,
Lui difoit-il! Dès cet inftant,
J'irois t'offrir à mon Annette;
Et l'amour fait ce qui m'attend.

Annette n'eft point févere:
Ton ramage lui plaira tant,
Que j'obtiendrai de la bergere,
En échange, un baiser comptant.
Qu'elle m'en donne un seul bien tendre,
Annette doit me l'accorder :

Les autres, je faurai les prendre,
Si je n'ofe les demander.

Il dit, & fongeant à la cage,
Détache une branche d'ofier,
Puis revient, ardent à l'ouvrage,
Croyant tenir fon prifonnier :

Mais hélas ! il s'eft fait paffage;
Du lien l'oiseau s'est enfui,

Et tous les baifers, quel dommage!
Se font envolés avec lui.

Avant d'entrer dans les différentes fortes de verbes, les dames feront bien aifes de connoître ce que c'eft que fujet & attribut dans le difcours. Le fujet eft la perfonne ou la chose dont on parle. L'attribut eft ordinairement l'adjectif.

Par une touche moëlleufe, M. Lemiere a le talent de donner de la vie & de l'intérêt aux tableaux qu'il veut préfenter. Notre jugement ne fera pas hafardé, fi l'on juge du ton & de la maniere de ce poëte, par Luci & Colin, qui n'eft pas même la meilleure de fes romances; elle eft fur l'air : Tu croyois en aimant Colette, & fera aisément connoître le fujet & l'attribut

Ecoutez-moi, faciles belles,
Apprenez à fuir les trompeurs;
Ecoutez, amants infideles,
La peine due aux fuborneurs.

Lucy, des filles de Vincennes
Etoit la plus riche en attraits:
Jamais l'eau pure des fontaines
Ne réfléchit de plus beaux traits.

Hélas! des peines trop cuifantes,
Hélas! un amoureux fouci
Vint ternir les roses brillantes

Sur le teint vermeil de Lucy.

Vous avez vu fouvent l'orage,
Qui courboit les lys d'un jardin ;
De ces lys elle étoit l'image,

Et déjà penchoit vers fa fin.

Par

Par trois fois on entend la cloche
Dans le filence de la nuit ;

Par trois fois le corbeau s'approche,
Frappe aux vitres, crie, & s'enfuit.

Ce cri, cette cloche cruelle.. i.
Lucy comprit tout aisément ;
Aux filles en pleurs autour d'elle,^.
Elle dit ces mots en mourant :

Cheres compagnes, je vous laiffe;

Une voix femble m'appeller, Une main que je vois fans ceffe Me fait figne de m'en aller.

L'ingrat, que j'avois cru fincere; Me fait mourir, fi jeune encor: Une plus riche a fu lui plaire ; Moi qui l'aimois, voilà mon fort!

Ah, Colin! ah! que vas-tu faire ? Rends-moi mon bien, rends-moi ta fol. Et toi que fon cœur me préfere, De fes baifers détourne-toi.

Dès le matin en épousée
A l'églife il te conduira;

Mais, homme faux, fille abusée,
Songez que Lucy fera là.

Filles, portez-moi vers ma foffe ; Que l'ingrat me rencontre alors, Lui dans fon bel habit de noce,

Et Lucy fous le drap des morts.

Qué devient-il? fon cœur fe refferre ; Un froid mortel vient le tranfir. Qu'a-t-il vu? Lucy qu'on enterre, Et Lucy qu'il a fait mourir.

B

Il tombe: chacun se disperse;
L'époufe fuit loin de ce deuil.
Colin, baigné des pleurs qu'il verfe,
Reffe éperdu fur le cercueil.

-Vaine & tardive repentance !
Pleurant fes premieres amours,
Aux fuites de fon inconftance
Il ne furvécut que deux jours.

Près de fon amanté fidelle,
Les bergers l'ont porté, dit-on;
Et Colin repofe avec elle,
Couvert par le même gazon

La tombe reçoit mille offrandes ;
Deux à deux les amants conftants
S'en viennent l'orner de guirlandes,
Au retour de chaque printemps.

Vois cette pierre, amant volage,
Et crains un femblable deftin;
Avant que ton cœur fe dégage,
Souviens-toi du fort de Colin.

Dans cette romance dont la verfification eft facile, & pleine de grace & de douceur, telle que l'exige la poéfie de ce genre, on voit que les mots belles, amants, eau, traits, peines, souci, &c. font le fujet; & les noms auxquels ils font liés, tels que faciles, infideles, pure, beaux, cuifantes, &c. font l'attribut ou l'adjectif.

amoureux 9

On lira avec plaifir la chanfon fuivante qui confirme le même précepte. C'eft la pêche volée ; elle eft fur l'air : Dans un verger Colinette:

Une pêche m'étoit chere ;-
Je la foignois de ma main:

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