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jours les provifions nécessaires à l'homme. Ils mangeoient ensemble après les prières & les offrandes. Ils faifoient profeffion d'at tendre la réfurrection des corps. & une meilleure vie, où ils recevroient la récompenfe de la justice qu'ils auroient pratiquée en celle-ci. Par un effet de cette perfuafion, les Egyptiens traitoient honorablement les corps morts qu'ils favoient être deftinés de Dieu à fe relever un jour de la poufière, & à paffer dans un tout autre état. C'eft fur quoi eft fondé ce refpect pour les morts, qui, avec le facrifice & l'offrande du pain & du vin, a passé de la Chaldée, c'est-à-dire du berceau des nations, généralement dans tous les pays du monde.

Tel avoit été, dès l'origine des choses, l'état de la Religion & du culte public: telle étoit la Foi du genre humain, lorfque le poifon de l'idolâtrie vint altérer, défigurer & enfin anéantir prefque par toute la terre, ces idées fi pures & fi confolantes.

Mais, encore une fois, cette révolution

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ne fut point le fruit d'une manœuvre fysté-· matique contre les articles de la Foi ancienne & univerfelle. Ce n'eft pas que dès ces premiers temps, il n'y eût, fans doute, des hommes intéreffés à fe cacher la vérité, & auffi ennemis de tout joug & de toute dépendance, que ceux que nous voyons se déchaîner aujourd'hui fi indécemment contre le Chriftianifme. Mais il leur manquoit, pour tenter le décri des dogmes incommodes, ce caractère d'intrépidité qui méconnoît tous les ménagemens; & les pervers de ce temps - là n'étoient pas encore affez Philofophes, pour hafarder de fouler aux pieds ce que le monde refpectoit depuis fa création. Il leur auroit paru trop féroce d'effayer la ruine d'une croyance confacrée par la pratique & la tradition des premiers Patriarches, & dont ils voyoient la fainteté fet renouveller tous les jours dans les cérémonies publiques, où fe perpétuoient les rites & les facrifices d'avant le déluge. Ainfi, la corruption du cœur pouvoit bien murmurer en fecret de l'austérité de la

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Doctrine Religieufe; mais elle n'étoit point au dégré qu'il faut, pour aveugler fur la néceffité d'obéir aux Loix, & de garder les bienséances. Elle pouvoit produire l'affoiblissement ou l'extinction de la piété & de la Religion du cœur ; mais elle n'avoit pas encore la force de s'élever publiquement contre les dogmes & le cérémonial facré de la Foi primitive. En un mot, elle pouvoit faire de froids ou de faux adorateurs, & préparer de loin les voics à l'Idolâtrie; mais elle étoit encore trop réservée & trop timide, pour fe donner un caractère de Philofophie, & pour enfanter des blafphémateurs & des impies.

Je ne vous raconterai pas en détail, mon cher Vicomte, l'Hiftoire de la naiffance, des progrès & du règne prefque univerfel de l'Idolâtrie. Je me bornerai à vous faire jetter un coup-d'œil rapide fur l'époque décifive de fon entrée dans le monde. Ce fimple regard vous offre la preuve fenfible que l'Idolâtrie, malgré tous

fes excès, eft fortie d'une fource moins

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corrompue que la Philofophie de notre fiècle.

Vous avez affez de connoiffance de l'antiquité, pour vous fouvenir que l'Ecriture fymbolique étoit d'un ufage extrêmement familier parmi les premières Colonies de l'Egypte; & que les Hiéroglyphes ont été, durant une longue fuite de fiècles, les feules affiches dont on se fervît, foit pour annoncer les affemblées publiques de Religion, foit pour publier les réglemens de la Société civile. L'extrême complication de toutes ces figures groffières, qui devenoient à la fin presque impraticables par la quantité des fignes acceffoires qu'il falloit multiplier ou varier, fuivant les temps, le nombre, & la diversité infinie des objets & des circonftances, dût donner une vogue bien prompte à l'écriture linéaire & courante, dès que ce chefd'œuvre d'invention parut, & faire oublier en peu de temps l'ufage, & par conféquent la fignification de l'écriture hiéroglyphique.

Or, il y a ici deux chofes qu'il eft très

important de remarquer la première, c'est que les anciens hiéroglyphes tenoient intimement, dès leur origine, à la Religion, auffi bien qu'à l'Aftronomie & à toute la constitution de la police Egyptienne; la feconde, c'eft qu'il eft dans le caractère de toutes les Nations, que le cérémonial du culte public, une fois établi & confacré par une pratique immémoriale, fe foutienne & fe perpétue au milieu de tous les changemens qui furviennent dans l'ordre focial. On n'eut donc garde de faire difparoître tous ces fymboles qui étoient dans les Temples, & qu'on avoit toujours vus fur les tables facrées, fur les grands vafes employés à faire les offrandes & les facrifices, fur les obélifques, fur les tombeaux, & généralement fur tout ce qui avoit rapport à l'inftruction du peuple, & aux bienféances du culte extérieur.

Mais dans cet état des chofes, qui ne voit naturellement que l'ancienne & innocente fignification de tous ces fymboles impofans qu'on retrouvoit par-tout,

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