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devoit fe dénaturer de plus en plus dans l'efprit du commun des hommes? & que ces étranges ftatues fi furchargées d'attributs, que l'image du foleil & de la lune, que la rencontre continuelle de toutes ces figures d'hommes & d'animaux, dont on n'expliquoit plus l'ufage, devoient faire de fingulières impreffions fur tous ceux qui n'entendoient plus rien à ces allégories, & qui tout livrés à leurs fens & à la recherche des biens de la terre avoient déjà corrompu dans leurs cœurs le culte intérieur & fpirituel que les prcmiers hommes rendoient publiquement à Dieu (1)? Si vous connoiffez bien le cœur de l'homme, Monfieur le Vicomte, vous devez entrevoir dans toutes ces circonftances réunies, la naiffance & les commencemens de l'Idolâtrie. Elle n'eft donc, à l'envifager dans fa vraie fource, qu'un abus énorme, à la vérité, des anciens Hiéroglyphes; mais où la groffiéreté &

(1) Voyez l'Hiftoire du Ciel, tome I, page 133

& fuivantes.

l'ignorance fe trouvent de moitié avec le déréglement des mœurs (1). Il vous est aisé maintenant de juger par vous même

(1) On dit qu'on eft revenu aujourd'hui du systême de M. Pluche fur l'origine de l'Idolâtrie; je le crois : on a eu de fortes raifons pour décréditer les vues & les recherches de cet Ecrivain fi judicieux & fi refpectable. La première, c'eft que fa façon de voir & de préfenter la Cofmogonie des anciens, fe trouve fondée fur une force d'analogie & un enfemble de probabilités & de vraifemblances, qui lui donne tout l'afcendant d'une vérité démonftrativement établie ; & la feconde, c'est que cette manière d'expliquer l'établiffement du culte, & la généalogie des Dieux du Paganisme, a le défaut impardonnable de favorifer la Religion, de répandre une grande lumière fur les faits confignés dans l'Ecriture Sainte, & de confirmer ce que la Révélation nous apprend de l'origine des chofes, & des premiers événemens du monde. Il faut, à quelque prix que ce foit, qu'un écrit de cette espèce ceffe d'être de mode, & qu'il aille groffir la maffe de tous ceux qu'on ne lit plus. Ainfi, d'après le mépris auquel certains faux Antiquaires ont condamné l'Histoire du Ciel de M. Pluche, on a rabattu infenfiblement & fans favoir pourquoi, de l'eftime qu'on avoit eue d'abord pour les idées fages & lumineufes de ce vertueux & vrai Philofophe; & des perfonnes faites d'ailleurs pour apprécier le mérite de fon Ouvrage, n'ont point été à l'abri du préjugé que l'injuftice philofophique a fait

que le vice n'a point produit l'Idolâtrie de deffein prémédité; qu'il n'a été que favorable à fon établissement; qu'il n'a fait que feconder l'imagination & les fens, pour faire décheoir infenfiblement les hommes de la fpiritualité de leur

naître contre fon travail. Quelques conjectures hafar dées & décousues, qu'on a publiées depuis fur la même matière, ont prévalu dans l'efprit de tous les ama teurs de la nouveauté, & fait prefqu'entiérement négliger un livre qui ne fauroit être trop répandu, & où tout lecteur folide & fage fera toujours frappé de la clarté, de la force & de l'enchaînement des motifs qui appuient le fentiment de l'Ecrivain. Mais, encore une fois, la Philofophie n'aime pas qu'on la trouble dans la pos feffion où elle s'eft mife d'obfcurcir l'antiquité, de reculer à difcrétion toutes les époques, de confondre les dates, de forger des chronologies qui fe perdent dans des espaces indéfinis, & qu'elle prétend bien qu'on accueillera comme la réfutation complette de tour ce que Moïfe a écrit.

Au refte, quelque fyftême qu'on adopte sur ce fujet, il fera toujours certain que l'Idolâtrie s'eft gliffée dans le monde par une fucceffion lente & imperceptible de travers & de méprifes, & fans aucun deffein formé contre le culte pur & raisonnable qu'on rendoit à Dieu dans les premiers temps; ce qui fuffit pour juftifier le parallèle que je fais de l'Idolâtrie & de l'Incrédulité, & laiffer toute leur force aux conféquences qui en

croyance, & les difpofer, fans qu'ils s'en apperçuffent, à perdre entiérement de vue cette Puiffance éternelle & infinie, dont ils avoient des idées fi hautes & fi pures, en quittant les plaines de Sennaar.

Il est donc vrai que cet écart fi étonnant, dans lequel prefque tout le genrehumain s'eft précipité, parce que toutes les Nations portées à adopter tout ce qui venoit d'Egypte, ont reçu, avec les autres ufages de cette contrée célèbre, fes caractères & fes fymboles, fans en recevoir le fens; il eft vrai, dis-je, que ce renversement univerfel du fens humain tout affreux qu'il eft, présente néanmoins comme un côté innocent; & que fi l'Idolâtrie a quelque chofe de plus abfurde & de plus extravagant dans fon objet, que le fyftême de l'Incrédulité, elle est auffi

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réfultent contre les ennemis du Chriftianisme : car mon objet principal eft ici de faire voir que les hommes feroient mille fois plus corrompus & plus méchants, fi l'incrédulité étoit libre de les former à fon gré, qu'ils n'ont pu l'être avec toutes les facilités que leur en donna autrefois l'Idolâtrie.

moins perverse & moins déréglée dans fon principe. L'Incrédulité ne peut fortir que de l'extinction de toute lumière, de toute vertu, de toute confcience. Mais le vice & tout le déchaînement des paffions, n'ont pu enfanter l'Idolâtrie, que par leur union avec un fentiment religieux. Elle est le produit d'un fond ténébreux, où reluit encore un foible rayon de vérité; elle est un mêlange de défordre & d'un refte de droiture; enfin elle n'eft pas tellement la ruine de la raison & de la fageffe, qu'elle ne laiffe encore appercevoir, jufques dans fes excès les plus révoltans, des anciennes traces de la Religion originelle. Au lieu que tout eft hideux dans l'Incrédulité; qu'elle emporte la deftruction même de ce qui reftoit de fain dans les cœurs idolâtres; qu'elle tend de fa nature, & par le caractère particulier de l'efprit qui la pouffe, à la corruption des dernières fources, à l'anéantiffement de tout principe, à l'abrutissement & à la dégradation de toutes les facultés humaines.

Examinez bien tous les différens chan

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