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&meres ne voient leurs enfans que quand on les rapporte; & en général il en meurt un peu plus de la moitié entre les mains des Nourrices, ce qui vient en grande partie du manque de soins de la part de ces femmes: foit que leur lait soit trop vieux, ou qu'elles n'en ayent pas assez , ou qu'elles le leur fassent sucer mauvais; soit qu'ils ne tetent pas assez long-tems; soit qu'elles diminuent leur portion en faisant teter de tems en tems leurs propres enfans au préjudice de ceux pour qui elles font payées , les parens étant trop éloignés pour y avoir l'oeil. Les enfans des cam

у pagnes qui font nourris par leurs propres meres , ne sont pas sujets à tout cela ; aussi en meurt-il peu, si ce n'est aux environs de Paris où les en

, fans des pauvres gens vivent bien moins en général que

dans les Provinces éloignées. Les meres des environs de Paris qui font métier de nourrir d'autres enfans, févrent les leurs au bout de cinq ou six mois, & les tuent pour ainsi-dire , ou leur gâtent le tempérament en ne les laissant pas teter aussi long-tems qu'il faudroit, & en les nourrissant d'un aliment qui n'est pas à la portée

. de leur estomach, encore trop foible digérer, ou qu'il ne digere qu'avec peine. Car enfin, tout autre obstacle à part, le lait d'une

pour le femme ne dure ordinairement qu'un certain tems que la nature a proportionné au besoin des enfans; or à l'égard des Nourrices ce tems se trouve partagé entre deux enfans ; il faut donc de nécessité ou que l'un des deux ne soit pas nourri un tems suffisant, ou qu'ils ne le soient tous les deux qu'à moitié, ce qui ne peut jamais faire que

de fort mauvais tempéramens; c'est de ce commencement sur - tout que cela dépend; telle personne qui ayant été nourrie de la sorte, vit jusqu'à 70 ou 80 ans , auroit vécu jusqu'à 9o ou 100 ans si elle avoit teté tout le lait

que

la nature lui avoit destiné. Aussi voit-on bien plus de gens âgés dans les Provinces éloignées, qu'aux environs de Paris : dans ces endroits-là les hommes font forts , vigoureux, & travaillent communément avec autant de force & de courage à l'âge de 70 ou 80 ans, qu'aux environs de Paris à l'âge de so ou 60 ans ; là les hommes grands & bienfaits sont aussi communs , que les hommes petits & chétifs le font autour de Paris.

Il est vrai qu'il y a beaucoup de femmes qui par leur état ou par impossibilité en elles-mê

ne peuvent pas nourrir leurs enfans. Mais il y en a aussi beaucoup plus à qui il ne de

à yroit pas être permis d'en confier le soin à d'au,

mes

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tres.

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tres. Il y a même en cela un défaut de tendresse qui fait honte à l'humanité ; c'est n’être mere qu'à demi. Tout autre devoir ne devroit-il pas céder à celui-ci dans le cæur des meres tendres & affectionnées?

Les devoirs de rangs ou les raisons d'intérêts, font-ils en France, & sur-tout à Paris, d'une autre espece qu'en Allemagne, en Hollande , en Angleterre, &c. où presque toutes les femmes nourrissent leurs enfans, celles même de la plus haute distinction?* Les femmes sont-elles moins meres dans ce pays-ci que dans ceux-là ? & s'il s'en trouve en qui ce titre respectable n'inspire pas assez de tendresse pour leur faire remplir le premier & le plus cher de tous les devoirs, pourroit-on blâmer une exacte Police qui y pourvoiroit ? Il en résulteroit bien des avantages ; les meres & les enfans seroient réciproquement plus attachés les uns aux autres, & jouiroient tous d'une meilleure santé ; elles en auroient moins, & en éleveroient davantage, & l'Etat auroit plus de sujets.

Je me suis un peu étendu sur les vies moyen*En 1743 la Princesse de Nassau, fille du Roi d'Angleterre, allaitoit elle-même la Princesse d'Orange sa fille. M. le Duc d'Orléans , gent, avoit été nourri par MADAME, Princesse Palaține, sa mere. Des exemples aussi louables & aufli respectables, devroient bien être plus imités qu'ils ne le font,

K

Re

l'Etat gagne

nes , parce que tout le monde est dans le faux préjugé que la vie commune des enfans en général est beaucoup moindre ; les uns la disent de 14 ans, d'autres de 15 ans, d'autres de 16 ans, &c. Mais tout ce qu'on dit là-dessus est sans aucun fondement, comme on doit le sentir par tout ce que j'ai dit jusqu'ici. Le monde n'est frappé que de ceux qui meurent, & sur-tout s'ils sont Rentiers viagers ; car à la mort de chacun de ceux-ci, on se récrie sur ce que

à faire des Rentes viageres: on ne fait jamais attention à ceux qui jouissent d'une Rente viagere pendant des 60 ou 80 ans & plus ; cela n'est pourtant pas si rare qu'on se l’imagine. Mais on ne veut pas prendre garde à ceux qui vivent long-tems; on craint ici, comme en toute autre chose , de trouver des raisons qui détruiroient les préjugés qu'on a adoptés.

On rencontre tous les jours des gens qui avec beaucoup d'esprit & de jugement, ne peuvent

se persuader qu'il y ait quelque ressemblance entre les ordres de mortalité de plusieurs nombres de personnes différentes, ou que la mortalité des habitans d'un même endroit conserve quelque uniformité en des tems différens, ou bien en même tems & en différens quartiers

pas

d'une même Ville. Je rapporte ici cinq Tables de la mortalité réelle des Religieux & Religieuses de différens Ordres, qui feront voir ce qu'on doit penser de cette uniformité : j'avoue qu'elle a passé mon attente.

Qu'on ne s'imagine pas sur cet exposé, que je veuille encore prouver l'ordre de mortalité

que j'ai établi pour les Rentiers

par

celui des Religieux & Religieuses. Je veux seulement faire comparer entre eux les ordres de mortalité de plusieurs nombres de Religieux différens ; & par

la ressemblance qu'on y trouvera, étant tous établis d'après des gens de même espece, on jugera de la ressemblance qu'il doit y avoir entre les ordres de mortalité de plusieurs nombres de personnes différentes prises en un même lieu & en des tems différens , ou en même tems & dans une même Ville ou dans un même pays; ou bien de la ressemblance qu'il doit y avoir de l'ordre de mortalité des personnes qu'on n'observe pas, à l'ordre établi d'après des personnes qu'on n'a, pour ainsi-dire, pas perdu de vue depuis le jour de leur enregistrement à la Tontine jusqu'à leur mort. Car qu’un nombre de Religieux ou Religieuses vivent plus ou moins qu'un pareil nombre de Rentiers ou de personnes du

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