4:19.ce OBJECTIONS faites à M. DEPARCIEUX, des Académies Royales des Sciences de Paris & de vie humaine ; avec les réponses à ces objections. L'Essai sur les Probabilités de la durée de la vie humaia ne , que j'ai fait imprimer il y a un an, a été si favorable y ment reçu du Public, que j'aurois crú manquer à ce que je lui dois pour un accueil si flateur , si je n'avois répondu d deux Ecrits qui ont paru à ce sujet. Pour mettre les Lecteurs mieux en état de juger du fond du vrai de cette dispute , l'on m'a conseillé de faire imprimer ensemble les deux Ecrits de M. Thomas , mon aggresseur, avec mes deux réponses. On verra: 1°. Si sa premiere Lettre étoit assez intéressante & assez instructive pour mériter d'être donnée au Public; 2°. Sijy . avois répondu ; Et enfin si l. Auteur a été fondé à écrire sa réplique, à laquelle je ne réponds, que parce qu'elle n'est qu’un tissu de phrases tronquées ou de contre-fens de ce que j'ai dit u dans mon livre de dans ma premiere réponse , comme je le fais voir dans ma seconde , e comme il en est convenu lui-même en présence de Mesieurs Robert , Géographe du Roi & Geansane , tous les deux au fait de la matiere de la dispute. LETTRE de M. THOMAS, au R. P. BERT HIER Jésuite , Auteur du Journal de Trévoux , sur l'Ouvrage de M. DEPARCIEU X. MÓN RÉ VÉREND PERE, suis attaché à l'extrait que vous nous avez donné de l'Ouvrage intitulé: Esai sur les probabilités de la durée de la vie humaine. Quoique l'Auteur qui est un grand Géometre, se soit répandu dans 本 D des réflexions profondes , & des observations laboricuses fort étudices , & qui paroissent même vraisemblables ; j'ai trouvé dans. cette matiere une difficulté qui m'a paru un problême difficile à résoudre : je vais prendre la liberté de vous en faire un précis, que je vous prie de faire insérer dans vos Mémoires prochains. Les moyens qu'il emploie pour parvenir à prouver son objet , font de trois natures : La vie des hommes qui vivent dans le monde sans être attachés à aucune compagnie : La vie des Réguliers , & la vie de ceux qui sont intéressez dans les Tontines. Le premier moyen, dénué de tout principe fùr , doit être totalement réjetté; le second qui est fondé sur les Nécrologes des Communautés Religieuses, me paroît équivoque à plusieurs égards, vû surtout la mutation de maisons que font souvent les Reguliers ; le troisiéme. s moyen, fondé sur des observations juridiques, paroît incontestable. C'est aussi. de ce fondement, que le célébre Auteur , M. Déparcieux, à tiré toutes ses probabilités ; & ce sont ces titres de Tontines que j'ai consultés , qui me servent de preuve contre ses observations. • Un Particulier de ma connoiffance étoit intéressé dans la Tontine de 1689, connue sous le nom de premiere Tontine , & aufli dans la Tontine de 1709, connue sous le nom de troisiéme Tontine; il faut observer qu'au' premier Janvier 1744, la classe de la premiere Tontine du Particulier en question, qui dans la clôture étoit composée de 316 personnes , avoit encore 46 personnes survivantes, dont deux marquées comme négligentes , devant être res tranchées, restoit 44. Dans la classe de la Tontinc de 1709, où étoit inséré le même Particulier , fuivant la feuille du premier Janvier de la même année 1744, il est observé que la clôture de cette Tontine qui étoit. de 109 personnes , étoit réduite à neuf. Il suit de la qu'il y a ell une grande disproportion du nombre des morts de la classe d'une Tontiné, à la classe d'une autre Tontine, l'un & l'autre analogues néanmoins pour l'âge ; car ne restant au premier Janvier 1744, que neuf personnes vivantes dans la classe originairement de 109 personnes , il n'auroit dû rester à la rigueur , que. 27 personnes vivantes dans la classe de 316 personnes , (l'une & l'autre classe , quoique de différentes Tontines , renfermant des personnes de mêine âge, ) en supposant même , qu'il y eût dans cette classe originairement 327 personnes , quoique effectivement , il n'y en ait eu que 316 ; & par des preuves incontestables on voit évidemment qu'il y a 'eû dans la classe de cette premiere Tontine 44 personnes vivantes , au lieu de 27, toutes proportions gardées , & aingi le nombre des Suryiyans de la classe de la premiere. Tontinę у excéde de plus de moitié le nombre des Survivans de la classe de la troisiéme Tontine. Cette observation paroît entierement contraire à toutes celles qu'a fait M. Deparcieux fur cette matiere. Je suis prêt a certifier ce que j'avance , ayant en main les feuilles imprimées annuellement des classes des Tontines dont je parle ; j'espére que le profond Mathématicien trouvera , par la Jagacité, une solution à mon objection. Je suis , &c. Journal de Trévoux, Avril 1746. THOMAS. REPONSE de M. DEPARCIEU X. MON RÉVÉREND PERE, 'A i lù dans votre premier Journal d'Avril les doutes ou ob jections de M. Thomas, sur les moyens dont nous nous sommes servis Messieurs Halley , Simpson, Kerseboom & moi, pour établir les ordres moyens de la mortalité du Genre-Humain, que je rapporte dans mon Elai sur les probabilités de la durée de la vie humaine. Je ne doute point que si M. Thomas se fût moins pressé de vous écrire sa Lettre , & qu'il eût voulu penser à ce qu'il demande, il n'eût lévé lui-même ces difficultés : je vais tâcher de le satisfaire. M. Thomas distingue fort bien les trois moyens , ou les trois sortes de personnes , qui ont été employées pour établir , les probabilités de la durée de la vie des hommes. 1°. Les personnes prises indistinctement , ou qui ne sont attachées à aucune compagnie. 2°. Les Religieux & les Religieuses. 3o. Les Rentiers viagers des Tontines. M. Thomas dit que le premier de ces moyens doit être totalement rejetté ; tout le monde trouvera comme moi, que c'est aller un peu víte. Messieurs Halley & Kerseboom , que cet article regarde méritent un peu plus de ménagement. Il me semble qu'on ne doit pas ainsi rejetter ce qu'un Auteur a fait, parce qu'on ne connoit pas assez bien les moyens dont il s'est servi , ou qu'on ne sent pas assez par soi-même comment il a pû s'y prendre. a Je ne dis pas qu'il faille croire aveuglement tout ce qui vient des Auteurs célébres, mais leur réputation doit nous inspirer de la défiance pour nous-mêmes, lorsque nous croyons pouvoir les reprendre , tout au moins jusqu'à ce que nous nous soyons parfaitement éclaircis. M. Thomas ne connoît sans doute que ce qui se pratique en France à l'égard des morts, & en ce cas il auroit raison. Les Curés de ce pays-ci, à l'exception de celui de saint Sulpice, & peut - être encore quelques autres , ne s'embarrassent guère des âges des personnes qu'ils enterrent, ou s'ils le font, c'eft depuis peu de tems, & encore le font-ils avec peu d'exactitude ; mais en Angleterre , en Hollande & dans la plậpart des Villes d'Alle. magne, on a grand soin depuis longtems d'écrire dans les Registres mortuaires les âges des personnes qu'on enterre. Or ayant de semblables Registres de plufieurs années de suite , & d'une Ville de laquelle il ne sorte personne , & où il n'entre aucun étranger , il est aisé d'en déduire un ordre de mortalité, qui sera d'autant plus approchant du vrai , qu'on aura les Registres mortuaires d'un plus grand nombre d'années , & cela en voyant combien il est mort de personnes de chaque âge, dans le courant de chaque année pris moyennement. M. Thomas dira peut-être , que ceux qui assistent aux enterremens ne sçavent pas toujours les âges des personnes qu'on enterre; mais il n'est pas nécessaire de le sçavoir à l'heure & à la minute: comme dans ces pays-là on est dans l'habitude depuis longtems d'écrire les âges des morts, tout le monde connoît cet usage; parlà tous ceux qui peuvent les donner exactement le font, les autres se contentent de dire ce qu'ils en avoient appris des personnes mêmes qu'on enterre , ou ce qu'ils peuvent en sçavoir d'ailleurs : on ne peut pas fe tromper de beaucoup, & comme la quantité dont on peut se tromper peut ausli souvent arriver en moins qu'en plus, & que le nombre de ceux dont les âges peuvent être douteux n'est pas bien considérable ; l'erreur qui peut revenir de là, doit être regardée comme rien dans la matiere dont il s'agit. Le défaut de ce premier moyen ne peut donc venir que du concours des Etrangers; par cette raison là j'ai rejetté l'ordre établi d'après les Registres mortuaires de Londres ; j'ai dit que M. Halley s'étoit serýi des Registres mortuaires de Breslaw, parce qu'il en fort fort peu de personnes, & que peu vont s'y établir . M. Kerfeboom a obfervé les mêmes choses, à quoi il a joint les observations qu'il a pû tirer des Registres des rentiers viagers des Etats de Hollande. Je ne crois pas qu'on puisse beaucoup mieux faire pour tout le monde en général. Le deuxiéme moyen paroît équivoque à M. Thomas , à cause que : les Religieux changent souvent de maison : ceci ne tombe que sur les Religieux , car les Religieuses font toujours dans le même endroit, & le petit nombre de celles qui changent de maison ne peut pas causer d'erreur. Quant aux Religieux le changement de maison n'y fait rien : car qu'un Religieux ait fait profession à Paris, & qu'il meure à Orleans, à Montpellier , à Toulouse, &c. il importe fort peu , ponrvu qu'on fçache l'âge qu'il avoit au tems de fa profession , & au tems de la mort, & qu'on ait tous les Rcligieux qui sont morts dans un certain espace de tems dans toute une Congrégation , ou dans une ou plusieurs de leurs Provinces, or c'est ce que j'ai observé dans mes recherches ainfi que je le dis page 76, Si M. Thomas connoiffoit les Registres des Religieux que je cite , il n'auroit aucun doute sur ce sujet, & l'uniformité qui se trouve entre tous les ordres moyens de mortalité que j'en ai déduit, est une forte preuve de leur exactitude. Au reste qu'il demande à voir la matricule des RR. PP. Bénédictins de saint Maur , je puis l'assurer qu'il sera content de l'ordre avec lequel ce Registre est tenu, & il verra qu'il est aisé de bien faire avec un parcil secours , lorsqu'on veut s'en donner la peine. Si ce n'est pas assez, qu'il tâche de voir le Nécrologe de Messieurs de sainte Geneviéve, dont on imprime une feuille tous les ans , où on mer les âges entiers & les âges de profession de tous les Religieux qui sont morts dans le courant de chaque année, foit qu'ils meurent à Paris, à Orleans, à Poitiers &c. ou dans les Cures qui dépendent de la Congrégation. Quant au troifiéme moyen M. Thomas ne le conteste pas, mais il doute que dans toutes les Tontines la mortalité des Rentiers suive une uniformité assez approchante de celle que j'ai établie , & il rapporte l'exemple d'un Rentier de la fixiéme classe de la Tontine de 1689, ou de l'âge de 25 à 30 ans. De 316 Rentiers qu'il y avoit I dans cette classe lors de la cloture, il en restoit 46 en 1744; & le même Rentier se trouvant dans la seconde division de la onzième classe de 1709, ou de l'âge de god s5 ans, de 109 Rentiers qu'ils goà étoient lors de la cloture, il n'en restoit que neuf en la même année 1744, tandis qu'il en auroit dû rester 16 ou environ , pour être en proportion au restant de celle de 1689; telle est toute l'objection. Ñ. Thomas auroit dû observer que les Rentiers en général de la fixiéme claffe de 1689, n'avoient atteint en 1709, ou 20 ans après , que l'âge des Rentiers de la dixiéme claffe, & non des Rentiers de la onziéme; je ne dis pas pour cela que le Rentier en question ne soit légitiment dans les deux classes susdites, ce qui vient de la longueur du tems qu’on a été à faire les Constitutions * üj |