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(comme dit M. Baillet, dans son Recueil des Vies des saints) où les femmes étaient reçues comme les hommes, sans changer ni la condition de laïque, ni l'habit séculier, et sans autre engagement que celui d'une ferme résolution de continuer dans les pratiques de dévotion qui y étaient attachées, chacun demeurant dans son particulier et dans les engagements de son état. Mais la sainte, qui cherchait non-seulement le salut de son âme, mais encore celui du prochain, en voulut former une congrégation de filles et de femmes veuves, qui vécussent en commun sous l'obéissance d'une supérieure et sous la juridiction des Pères du Mont-Olivet. C'est ce qu'elle exécuta l'an 1433, ayant assemblé, le jour de l'Annonciation de la sainte Vierge, plusieurs filles et plusieurs femmes veuves dans une maison qu'on appelle encore la Torre de' Spechi, où la Tour des Miroirs, dans la rue des Cordiers, au pied du Capitole, et au quartier Campitelli. Ainsi le nom de Collatine, que M. Baillet donne à ces Oblates, et qu'elles ne connaissent point, ne peut venir ni du quartier ni de la rue où leur maison est située, comme cet auteur le croit. La sainte trouva d'abord de la difficulté dans l'exécution de son dessein; mais l'ayant surmontée avec l'aide de Dieu, pour la gloire duquel elle travaillait, elle donna à ses filles la règle de saint Benoît avec des constitutions particulières, et les soumit aux religieux de l'ordre du Mont-Olivet; et afin qu'elle ne fût plus inquiétée dans cet établissement, elle en demanda la confirmation au pape Eugène IV, ou plutôt elle la fit demander par ses filles; et ce pontife, par une bulle du mois de juillet de la même année 1433, donna commission à Gaspard, évêque de Cozenza, qui se trouvait pour lors à Rome, de s'informer de la vérité de l'exposé, lui donnant pouvoir d'accorder à ces Oblates une maison dans Rome, si les choses étaient telles qu'on le lui avait exposé, dans laquelle maison elles pourraient recevoir celles qui se présenteraient pour y être Oblates, et y vivre avec elles en commun selon leurs constitutions. Ce prélat, après avoir fait les informations, el avoir pris le consentement de l'abbé ou prieur de Sainte-Marie-la-Neuve, des religieux du Mont-Olivet, qui fit pour ce sujet un concordat avec les Oblates, leur accorda, entre autres choses, par ses lettres du 21 du même mois de juillet, la permission de demeurer dans une maison proche l'église de Saint-André des Cordiers, située au quartier de Campitelli, en attendant qu'elles en pussent trouver une plus commode dans quelque autre quartier de la ville; mais ayant agrandi cette maison dans la suite, elles y sont restées jusqu'à présent.

M. Baillet, qui prétend que cet ordre des Oblates a commencé dès l'an 1425, dit que la bénédiction que Dieu lui donna le rendit si fécond, que la maison que sainte Françoise lui avait acquise ne se trouva pas longtemps en état de loger commodément

toutes les personnes qui venaient s'y réfugier pour fuir la corruption du siècle, et que c'est ce qui obligea la fondatrice à des mesures plus étendues, qu'elle transporta ses filles, l'an 1433, au pied du Mont Capitolin, dans une maison plus spacieuse que l'on appelle della Torre de'Spechi, on de la Tour des Miroirs. » Et il ajoute que « ce n'est que de ce dernier transport, qui se fit le 25 mars 1433, que l'on compte le véritable établissement de cette congrégation. » Il est certain néanmoins que la Tour des Miroirs a été leur première demeure, et le lieu où la congrégation a commencé; car nous lisons dans la Vie de sainte Françoise, composée par Madeleine d'Auguillare, supérieure de ces Oblates, ou par quelque autre sous son nom (que M. Baillet a exactement suivie dans les autres faits), que ce fut positivement cette année 1433 que la congrégation des Oblates commença, et que, pour cet effet, on acheta une maison au quartier Campitelli, dans le lieu où est la tour qu'on appelle des Miroirs, que ce n'était pas pour y demearer toujours, mais en attendant qu'on eût trouvé un lieu plus commode: Tandem datum est congregationi principium, eumque in finem comparata domus in regione Campitelli, eo in loco ubi turris est, Speculorum vulgo dicta : non quidem ut isthac perpetuo remanerent, sed interim dum alia opportunior, quæ tunc studiose quærebatur, inveniri posset (1). Voilà donc la première demeure des Oblates, et non pas la seconde, comme prétend M. Baillet, et il y a bien de l'apparence qu'elles ne trouvèrent pas de quartier plus commode, puisqu'elles y ont demeuré jusqu'à présent: car elles sont encore proche l'église de SaintAndré in Vinchi, c'est-à-dire des Liens on des Cordiers, où elles demeuraient déjà dès le temps de leur fondation, comme il parait par la permission de l'évêque de Cozenza: Ut commorari possent in domo vicina ecc'esiæ S. Andrea funarorium in Campitelli. Si cette maison avait été aussi spacieuse que M. Baillet le dit, elles n'auraient pas eu la pensée de la quitter en y entrant, et d'en chercher une autre plus commode; mais elle était pour lors fort petite, et l'évêque de Cozenza ne leur permit d'y demeurer que jusqu'à ce qu'elles en eussent trouvé une plus commode: Donec commodiorem alteram reperissent; encore ne leur donna-t-il pas le choix de tous les quartiers de Rome, il ne leur en marqua seulement que buit, qui étaient ceux di Ponte, di Parione, della Regola, di Transtevere, di S. Angelo, di S. Eustachio, della Pigna el di Campitelli. Mais cette demeure ayant été rendue plus spacieuse par les bâtiments qu'elles y firent faire, elles s'y accoutumèrent insensiblement, et ne voulurent plus en sortir; elles en sollicitèrent au contraire la confirmation, qui leur fut accordée sans peine par le même commissaire apostolique (l'évêque de Cozenza), l'année qui

suivit immédiatement la retraite de sainte Françoise dans cette maison, qui fut 1437;

(1) Vita sanctæ Francisca, apud Bolland. tom. II Martii, p. 192.

car cette sainte fondatrice ayant perdu son mari vers le commencement de l'année 1436, après qu'elle lui eut rendu les derniers devoirs, et qu'elle eut mis ordre à son domestique, n'ayant plus d'obstacles qui l'empêchassent de suivre son attrait pour la solitude et l'ardent désir qu'elle avait de se consacrer entièrement à Jésus-Christ, se retira avec ses filles, auxquelles elle demanda la grâce d'être reçue dans leur sainte compagnie. Elle aurait pu se servir de son droit de fondatrice, mais une vertu aussi consommée que la sienne ne lui permit pas de demander celle grâce autrement que prosternée aux pieds de ses sœurs, les priant, les larmes aux yeux, d'avoir pitié d'une pauvre pécheresse qui cherchait la voie du salut et de la pénitence. Il n'est pas facile d'exprimer avec quelle satisfaction ces saintes filles reçurent une mère si accomplie, et avec quelle marque de distinction et de respect elles lui rendaient leurs devoirs; mais il n'est pas moins difficile d'exprimer ou plutôt de concevoir quels étaient les sentiments d'humilité et de mépris que cette sainte avait d'elle-même; car, dans le temps que ces sœurs s'efforçaient de lui témoigner leur respect et leur soumis sion, elle cherchait toutes les occasions de s'humilier et de se rendre méprisable: elle servait exprès dans les ministères les plus bas de la communauté; elle allait elle-même quérir le bois hors de la ville, pour l'usage de la communauté, et le portait sur ses épaules, ou le mettait sur un âne qu'elle conduisait, comme aurait fait la femme de la dernière condition. En un mot, il ne se pré sentait aucune occasion de pratiquer l'humilité qu'elle ne l'embrassat avec joie : ce grand amour qu'elle avait pour les humiliations lui avait fait toujours préférer l'obéissance à la qualité de supérieure de sa congrégation, dont Agnès de Lellis, qui en était en possession, voulait se démettre en sa faveur; mais enfin, après toutes ses résistances, il fallut céder aux prières de ses filles : elle accepta le gouvernement de sa communauté, mais trop tard pour le bonheur de ces saintes âmes, puisque Dieu, qui sait le nombre de nos jours, et qui en fixe le cours selon qu'il plaît à sa divine sagesse, voulant récompenser les travaux de sa servante, et l'élever à un degré de gloire proportionné à la grandeur de ses abaissements, l'appela à la possession de la couronne qui lui était préparée de toute éternité, ce qui arriva le 9 mars de l'année 1440, après sept jours de maladie, la cinquante-sixième année de son âge.

Cinq mois après la mort de cette sainte, son ordre, qui jusqu'alors avait été sous la juridiction de l'ordre du Mont-Olivet, en fut entièrement séparé par le général dom Jérôme de Mirabello de Naples, nonobstant la ratification du contrat passé entre les religieux de cet ordre et les sœurs Oblates, laquelle ratification avait été faite de l'avis de l'évêque de Cozenza. Cette séparation se fit ainsi. Dom Jean-Baptiste Podio Bonzi, qui succéda au général Laurent Marsupini, l'an 1439,

voulant se décharger de la conduite de cos saintes âmes, plutôt pour se délivrer de quelques petits soins que demandait cette direction, que par aucun autre motif, défendit à ses religieux de ne plus recevoir les Oblates qui voudraient entrer dans la congrégation, se servant pour prétexte que ce contrat semblait être opposé à la bulle d'Eugène IV, puisque dans celle-ci le pouvoir était donné aux Oblates et à leurs supérieures de recevoir celles qui se présenteraient pour être reçues dans leur compagnie, et que l'autre (c'est-àdire le contrat) donnait ce pouvoir aux religieux, et qu'ainsi il ne voulait point préjudicier à leur droit. Et, afin de mieux couvrir son véritable dessein, il approuva les autres conditions du même concordat par un acte du 9 août 1439; mais l'année suivante, cinq mois après la mort de la sainte fondatrice, il ne garda plus aucune mesure; car, par un acte du 26 juillet 1440, il renonça à tout droit de juridiction auquel il pouvait prétendre sur les Oblates, défendant à ses religieux de se mêler de leurs affaires sous prétexte de visite, correction ou confession, consentant néanmoins qu'elles jouissent de tous les priviléges de son ordre.

Ces servantes de Jésus-Christ furent donc obligées de prendre d'autres mesures, et de se pourvoir de confesseurs, ce qu'elles firent par élection, en vertu de la permission qu'elles en avaient reçue du papé. Mais elles eurent dans la suite un scrupule, qui est qu'elles doutaient si ces confesseurs ainsi élus pou vaient les absoudre, lorsque, pour raison de quelques infirmités ou maladies, elles demeuraient dans la maison de leurs parents. Mais Eugène IV leur leva ce scrupule par un bref du 30 mai 1444, par lequel il donna toute juridiction à ces confesseurs, tant au dehors qu'au dedans du monastère.

Cette congrégation ne s'est point étendue: il n'y a que la maison de Rome dans laquelle il n'y a ordinairement que cinquante filles du chœur ou environ, et trente converses pour le service en général de la communauté ; inais tant celles du chœur que les converses peuvent être en plus grand nombre, parce qu'il n'est point fixe. Outre ces converses destinées pour la communauté, chaque Oblaté a encore une servante à qui elle donne l'habit de converse, et au dehors un laquais pour faire ses commissions. On ne reçoit dans celte maison que des filles de la première qualité, auxquelles on donne le titre d'illustrissimes, et lorsqu'elles sont princesses on leur donne celui d'excellentissimes. Elles ne font point de vœux solennels. On leur demande, à leur prise d'habit, si elles promettent obéissance à la supérieure: elles répondent qu'elles la lui promettent suivant la coutume: Prometto obedienza alla madra superiore secondo la consuetudine. Elles font une année de probation et font leur oblation dans l'église de Sainte-Marie-la-Neuve des Pères du Mont-Olivet, sur le tombeau de sainte Françoise leur fondatrice, qui est un des plus beaux monuments de Rome. Elles peuvent sortir de la congrégation pour se mariér.

La supérieure a le nom de présidente, et elle est perpétuelle. Elle ne dépend de personne ni d'aucun tribunal. Toutes les Oblates ont de grosses pensions: elles peuvent même hériter de leurs parents; elles sortent souvent pour aller à une maison de plaisance qu'elles ont, ou pour aller visiter les églises de Rome, et pour lors elles sont ordinairement trois ou quatre ensemble dans un carrosse. Quoiqu'elles fassent profession de la règle de saint Benoît, elles ne l'observent pas à la rigueur. Elles mangent de la viande trois fois la semaine à dîner, mais jamais à souper. Outre les jeûnes ordonnés par l'Eglise, elles jeûnent encore pendant l'avent, et depuis le troisième jour après l'Ascension jusqu'à la Pentecôte, depuis le premier jour d'août jusqu'à la fête de l'Assomption de Notre-Dame, et tous les vendredis et samedis de l'année. Mais la supérieure les en peut dispenser quand elle le juge à propos. Lorsqu'elles meurent, elles sont portées à SainteMarie-la-Neuve, où elles ont une chapelle et leur sépulture. Elles ont aussi une chapelle magnifique dans l'intérieur de leur maison. Cette chapelle est en forme de chœur avec des stalles; elles y disent l'office en commun et se servent du bréviaire de l'ordre de SaintBenoit. Elles peuvent faire entrer les femmes séculières dans leur maison tous les jours et le jour de la fête de sainte Françoise, et pendant toute l'octave elles y donnent enirée à tous les prêtres, tant réguliers que séculiers, qui y vont pour célébrer la sainte messe, ou pour y rendre visite à leurs connaissances. La maison n'est pas moins magnifique que leur chapelle : il y a un très-bel escalier de marbre. Lenr sacristie est une des plus riches de Rome, tant pour la quan lité d'argenterie qu'il y a, que pour la beauté des ornements; elles ont, entre autres choses, un soleil d'un très-grand prix par la quantité de diamants et de perles dont il est chargé, ce qui le rend si pesant qu'on a de la peine à le soulever. Ces diamants sont des présents de plusieurs princesses qui, en se retirant dans cette sainte maison, s'en sont dépouillées pour en revêtir celui qu'elles prenaient pour l'époux de leur âme. Elles font beaucoup de charités, et soulagent principalement les pauvres prisonniers, auxquels elles envoient à manger aux fêtes solennelles et à certains jours de la semaine. Leur habillement consiste en une robe noire et un voile blanc, comme nous le représentons dans la planche suivante, telle que nous l'avons tirée du Père Bonanni (1).

Sainte Françoise fut canonisée par le pape Paul V l'an 1608, et son office se fait double dans l'ordre du Mont-Olivet et dans celui de Saint-François, dont les religieux prétendent qu'elle a été de leur tiers ordre. M. Baillet dit qu'il ne sait pas ce qui a pu tromper ces derniers, à moins que cette fausse opinion ne soit venue de ce que la sainte avait eu un religieux de Saint-François pour confesseur pendant quelque temps, ce qui est, dit-il,

(1) Voy., à la fin du vol., n° 1

contesté avec raison, parce que le frère Barthélemy était son directeur pour les avis, et non pas pour la confession. Mais si ce Barthélemy était son directeur pour les avis, ne pouvait-il pas lui avoir conseillé de se mettre du tiers ordre? Et si, lorsqu'elle se fit Oblate du Mont-Olivet, avant que d'avoir établi sa congrégation, elle ne contracta qu'un engagement qui, selon cet auteur, n'était autre chose qu'une confrérie, sainte Françoise ne pouvait-elle pas être en même temps du tiers ordre de Saint-François et d'une confrérie telle que celle des Oblates, du Rosaire, du Scapulaire ou de quelque autre? Les continuateurs de Bollandus n'apportent pas de meilleures raisons pour disputer cette sainte à l'ordre de Saint-François. Ils disent qu'il est impossible qu'elle ait été du tiers ordre de Saint-François après la mort de son mari, puisque, immédiatement après sa mort, elle entra dans la congrégation des Oblates. On convient qu'elle est entrée dans sa congrégation après la mort de son mari; mais on ne demeure pas d'accord qu'elle se soit mise du troisième ordre de Saint-François dans ce temps-là: car, quoiqu'il y ait des auteurs qui ont avancé que ce fat après la mort de son mari qu'elle se fit Tiertiaire, comme Camboni, que citent ceux qui suivent le sentiment de Bollandus, il y en a d'autres néanmoins qui disent que ce fut immédiatement après son mariage, et qu'elle en obtint le consentement de son mari; ce qui n'est pas impossible, puisque ce sacrement n'est pas un obstacle au troisième ordre séculier, dont on peut embrasser les observances sans être obligé au célibat, puisqu'il y a eu des empereurs, des rois, des reines, des princes et des princesses, qui, nonobstant les engagements du mariage, se sont fait un honneur de professer cette règle et de porter l'habit de l'ordre. Ce qui est certain, c'est que si les religieux de SaintFrançois manquent de preuves solides pour s'attribuer cette sainte, ceux qui suivent Bollandus, aussi bien que M. Baillet, en manquent aussi pour la disputer à cet ordre.

Bollandus, tom. II Mart., ad diem 10. Giulio Orsini, Vita della B. Francesca. Baillet, Vies des Saints, 9 mars. Philippe Bonanni, Catalog. Ord. relig., part. 1. Joan. Maria Vennoner, Annal. tertii ord. S. Francisci, et Mémoires envoyés de Rome.

OBLATES DES SEPT-DOULEURS. Voy. PHILIPPINES.

OBLATIONNAIRES DE L'ÉCOLE DE SAINT-AMBROISE. Des Oblationnaires de l'école de Saint-Ambroise à Milan.

De toutes les églises catholiques, il n'y en a point qui ait plus retenu de l'ancienne coutume des Oblations que celle de Milan, et c'est ce qui a donné lieu à l'établissement des Oblationnaires de l'école de Saint-Ambroise. Mais afin de donner une intelligence

lus claire de leur office el institut, il faut expliquer en peu de mots ce que c'est que celte ancienne pratique, qui a duré dans toute l'Eglise jusqu'au xm siècle, et dont nous avons encore des restes dans la coutume que l'on a conservée en beaucoup d'endroits de présenter le pain bénit les dimanches à la messe de paroisse, et de porter du pain et du vin à l'offrande de la messe du sacre des évêques, de la bénédiction des abbés et abbesses, du sacre des rois, de la canonisation des saints, et aux messes des morts. Cette ancienne coutume ou pratique consistait en ce que l'on faisait deux oblations à la messe, l'une par le prêtre, et l'autre par les assistants; et de celle-ci on en prenait une partie pour le sacrifice, et l'autre servait pour la subsistance et l'entretien des ministres car comme l'Eglise, dans les commencements, n'avait ni fonds ni revenus, elle n'était pas en état de faire les frais du pain et du vin nécessaires pour la célébration de la messe, d'autant plus que tous les fidèles y communiaient, et que ce qui n'avait pas été consacré était porté à ceux qui n'avaient pu assister au saint sacrifice. Ainsi il fallait que cette dépense fût supportée par les particuliers, surtout par ceux qui devaient commuDier c'est pourquoi saint Césaire, archevêque d'Arles, dans un sermon attribué à saint Augustin, exhortait ses auditeurs d'offrir les oblations que l'on devait consacrer . à l'autel, leur disant qu'un homme qui pouvait les faire devait rougir de communier d'une hostie qu'il n'aurait pas offerte: Oblationes quæ in altario consecrentur offerte. Erubescere debet homo idoneus, si de aliena oblatione communicaverit (1). Les prêtres offraient seulement du pain, et les laïques, tant hommies que femmes, offraient du pain et du vin, excepté les pauvres, qui en étaient dispensés, à cause de leur pauvreté, aussi bien que les excommuniés, les catéchumènes, les énergumènes, les pénitents, et les autres qui, n'étant point reçus à la communion, étaient exclus des oblations ce qui s'étendit dans la suite à ceux qui entretenaient des inimitiés et qui opprimaient les pauvres; et cela par une défense qui en fut faite pour ces derniers par le quatrième concile de Carthage, comme indignes que leur nom fût proféré sur les sacrés autels, où on récitait celui de ceux qui y apportaient leurs offrandes; et c'étaient là les diptyques sacrés, ou les mémoires solennelles qui se récitaient publiquement.

L'église de Milan ayant donc conservé cet ancien usage de présenter tous les jours, à la messe de l'office qui se dit dans sa cathédrale, du pain et du vin, cette offrande est présentée par deux vieillards et deux vieilles femmes, qui représentent tout le peuple du diocèse. Pour cet effet il y a deux communautés, l'une d'hommes avancés en âge, et l'autre de vieilles femmes, qui sont au nom

(1) Serm. 257, in Append., tom. V S. Augustini, Dov. edit. (2) Voy., à la fin du vol., n° 2.

bre de dix dans chaque communauté, et qui forment une congrégation que l'on appelle l'Ecole de Saint-Ambroise. Le plus ancien des hommes a le titre de prieur, et la plus ancienne des femmes celui de prieure. Leur habillement est noir, et consiste en une robe serrée d'une ceinture de cuir. Les uns et les autres assistent aux processions sous leur croix particulière, et précèdent le clergé (2). Pour lors les hommes portent un surplis avec un bonnet en forme de toque, mais d'une manière particulière, et les femmes ont un grand voile noir avec un tablier blanc (3). Lorsqu'ils vont à l'offrande, deux de ces vieillards ont chacun sur les épaules une nappe blanche, avec laquelle l'un tient trois hosties, et l'autre un vase plein de vin blanc, et par-dessus cette nappe ils mettent un grand capuce, se terminant en pointe, avec une grosse houpe au bout, qui descend par derrière jusqu'au bas du surplis. Deux femmes, avec une pareille nappe et un petit voile noir, présentent autant de pain et autant de vin (4); mais il n'y a que les hommes qui entrent dans le chœur : ils s'approchent jusques aux degrés de l'autel, et en offrant au célébrant ce qu'ils portent, ils lui disent: Benedicite, Pater reverende; le célébrant répond: Benedical te Deus et hoc tuum munus, in nomine Patris, etc., et leur donne le manipule à baiser. Il va ensuite recevoir les offrandes des femmes à la porte du chœur. Ces Oblationnaires sont entretenus de revenus ecclésiastiques, assignés sur des abbayes de l'ordre de Saint-Benoît.

Voyez pour les Oblations, Bena, Res liturg. lib. 11, cap. 8, n. 4. Martène, de Antiq. Eccles. Ritibus, t. I, lib. 1, cap. 4, art. 6. Thomassin, Discipline de l'Eglise, part. 1, liv. III, chap. 6, et part. Iv, liv. III, chap. 4; et le Vert, Explication des cérémonies de l'Eglise, t. II, chap. 2; et pour les Oblationnaires de Milan, Philipp. Bonanni, Catalog. Ord. relig., part. 111.

OBLATS DE SAINT-AMBROISE.

De la congrégation des Oblats de Saint-Ambroise, avec la Vie de saint Charles Borromée, cardinal et archevêque de Milan, leur fondateur.

Entre les œuvres pieuses que saint Charles Borromée établies pour le bien de l'Eglise, l'une des plus signalées est l'institulion des Oblats de Saint-Ambroise. Ce grand cardinal, qui, dans les derniers siècles, a fait revivre la sainteté de l'épiscopat, naguit dans le Milanais le 2 octobre de l'an 1538, dans le château d'Arone. Il était fils du comte Gilbert Borromée, et de Marguerite, sœur de Jean-Jacques de Médicis, marquis de Marignan, et du cardinal Jean-Ange de Médicis, qui fut depuis élevé au souverain pontificat sous le nom de Pie IV. Dès ses plus tendres années il donna des marques d'une

(3). Voy., à la fin du vol., no 3 el 3 bis. (4) Voy., à la fin du vol., n° 4.

singulière piété, employant à la prière ou à d'autres exercices de dévotion le temps que les personnes de son âge emploient ordinairement aux divertissements ou à la promenade, après avoir satisfait au devoir de leurs études. Ces marques qu'il donnait déjà de sa vocation au service de Dieu obl gè ent son père à lui faire recevoir la tonsure, et à lui en faire aussi porter l'habit, tout enfant qu'il était ce qui fut pour lui un sujet de joie, d'autant plus sensible, que son père ne faisait en cela que suivre ses inclinations. A l'âge de douze ans il fut revêtu de l'abbaye de Saint-Gratinien et de Saint-Félin, située dans le territoire d'Arone, que son oncle le cardinal Jules-César Borromée lui résigna. Le jeune abbé, dont les pensées et les connaissances étaient beaucoup élevées au-dessus de celles que son âge lui permettait na turellement d'avoir, comprit d'abord les obligations que les bénéficiers ont d'user saintement des biens de l'Eglise : c'est pourquoi il ne voulut pas souffrir que le revenu de son abbaye fût confondu avec celui de sa famille, et pria son père de lui en laisser la disposition, pour en faire l'usage qu'il croyait en conscience être obligé d'en faire, qui était celui de la charité.

Lorsqu'il eut achevé ses humanités à Milan, il fut envoyé à Pavie à l'âge de seize ans, pour y étudier en droit sous le célèbre Alciat, qu'il fit élever depuis au cardinalat, par reconnaissance du soin qu'il avait pris de lui pendant qu'il demeura dans cette ville. Hy vécut avec tant de régularité et de prudence, qu'il sut éviter une fufinité de piéges qu'on voulut tendre à sa chasteté. Il était encore dans cette ville, lorsque son oncle, le cardinal Jean-Ange de Médicis, lui donna une seconde abbaye et un prieuré considérable; mais son père étant mort quelque temps après, il fut obligé d'en sortir et d'interrompre ses études de droit pour aller à Milan, afin d'y prendre le soin de sa famille, qu'il régla avec la prudence d'un homme consommé dans les affaires. Lorsqu'il eut mis ordre à tout ce qui regardait ses intérêts, il alla, en 1559, prendre le bonnet de docteur à Pavic, d'où étant retourné à Milan, il y apprit, peu de temps après son arrivée, l'élection de son oncle au souverain pontificat, sous le nom de Pie IV, qui peu de temps après l'appela auprès de lui, le fit d'abord protonotaire et ensuite référendaire de l'une et l'autre signature. Le dernier jour de janvier de l'année 1560, il le créa cardinal, et le 8 février suivant il lui confera l'archevêché de Milan, n'étant pour lors âgé que de vingtdeux ans. La manière admirable dont il réussissait dans tous les emplois qu'on lui donnait fit que le pape lui confia tout ce qu'il y avait de plus grand dans le gouvernement de l'Eglise et dans l'administration de l'Etat ecclésiastique, avec une autorité si absolue, que le saint, doutant de ses forces pour soutenir un si grand poids, fit quelques difficultés pour accepter cet honneur ce qui lui attira quelques reproches du saintpère, aussi bien que de ses parents, qui, es

pérant toutes choses de son crédit et de son autorité, ne pouvaient souffrir son humilité, qu'ils traitaient de bassesse de cœur.

Son frère unique, Frédéric Borromée, étant mort à la fleur de son âge, on croyait que, pour le soutien de sa famille, il quitterait le chapeau de cardinal pour se marier. Son oncle, ses parents, ses amis, lui conseillaient de le faire; mais le saint, envisageant ces conseils comme une tentation dangereuse, prit les ordres sacrés, et se fit ordonner prétre par le cardinal Césis, dans l'Eglise de Sainte-Marie Majeure, dont il fut fait archiprêtre par le pape, qui l'honora encore de la dignité de grand pénitencier, de plusieurs légations, et de la protection de plusieurs ordres religieux et Militaires. Après avoir reçu la prêtrise, il ne songea plus qu'à travailler fortement à la réforme des mœurs, au rétablissement de la discipline de l'Eglise, el à remédier aux maux causés par les hérésies de Luther et de Calvin, qui venaient d'être condamnées dans le concile de Trente, assemblé depuis près de dix-huit ans, lequel fut enfin conclu par ses soins l'an 1563, malgré les délais que l'on voulait encore apporter.

Après que le concile eut été terminé, il fit de grandes instances auprès du pape pour obtenir de Sa Sainteté la permission de sc retirer à son église de Milan, préférant ses obligations et son devoir à tous les avantages qu'il avait à Rome; mais le pape, persuadé qu'il y allait de l'intérêt du saint-siége et de toute l'Eglise de conserver auprès de sa personne un homme si plein de zèle pour le bien public, n'y voulut jamais consentir : ainsi il fut obligé de céder par obéissance à la volonté du saint-père, qui le dispensa de la résidence ordonnée par le concile de Trente, et il demeura dans les exercices de ses charges ordinaires, à la réserve du gouvernement de l'Etat, qu'il abandonna pour vaquer avec plus d'attention aux affaires purement spirituelles et ecclésiastiques. Il envoya pour son grand vicaire à Milan Nicolas Ormanette, dont il connaissait la capacité, la prudence et la piété, et qui, secondant les intentions du saint cardinal, s'efforça de réformer ce diocèse, qui était fort déréglé; mais les contradictions qu'il trouva, principalement dans le clergé, firent prendre la résolution au saint prélat de se rendre à Milan, avec la permission du pape, qui, avant qu'il partit de Rome, le nomma son légat a latere pour toute l'Italie. Il arriva à Milan au mois de septembre de l'an 1563, et il y fut reçu aux applaudissements du peuple, qui l'attendait avec des désirs qu'on ne saurait s'imaginer. Cet abrégé ne nous permet pas de rapporter tout ce que ce saint cardinal fit pour la réforme de son diocèse; ce qui se passa dans les six conciles provinciaux qu'il tint et les onze synodes qu'il assembla ; les règlements qu'il fit pour les personnes consacrées au service de Dieu; ce qu'il eut à souffrir pour la défense de la juridiction ecclésiastique; le zèle avec lequel il entreprit de rétablir les observances régulières dans

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