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de madame de Pourlan, réformatrice de l'abbaye de Tart. Constitutions de Port-Royal, et plusieurs écrits faits à l'occasion de ces religieuses.

Les religieuses de Port-Royal de Paris, après la destruction de la maison des Champs, continuèrent d'habiter leur communauté, située dans la rue qu'on appelait, il y a peu rue de la Bourbe, et à qui on a donné récemment le nom de Port-Royal, près de l'Observatoire, dans le faubourg Saint-Jacques. Elle sert aujourd'hui d'hôpital pour les pauvres femmes en couche.

Pendant tout le dernier siècle, elles gardèrent une soumission édifiante aux décisions de l'Eglise, et n'eurent aucun rapport avec les jansénistes. Le temps de la postulance n'était point fixé ; le novicat était d'un an; et tant pour le noviciat que pour la dot et les frais de profession, la maison demandait l'honoraire de 7500 livres. Elle était, en 1762, composée de trente-une professes de chœur, de plusieurs novices et sœurs converses, et de quelques postulantes. L'abbesse était perpétuelle, et on ne suivait plus en cela les constitutions de Port-Royal, qu'on gardait pour le reste. Le beau tableau qui représente la Cène, peint par Philippe de Champagne, et qu'on admire au Musée de Paris était autrefois dans cette Maison.

Vers l'époque de la révolution française, les religieuses de Port-Royal se procurèrent, de l'abbaye Saint-Denis, une nouvelle relique de la sainte épine. Pendant les temps orageux, elles restèrent fidèles à leur sainte vocation, et dès qu'un peu de liberté leur fut laissée, plusieurs d'entre elles se réunirent pour vivre en communauté. A la restauration des Bourbons, elles habitaient rue Saint-Antoine, n° 172. De là elles passèrent, vers 1824, dans une maison située au n° 25 de la rue de l'Arbalète, au faubourg SaintMarceau, maison que venaient de quitter les anciennes Visitandines du premier monastère. Hélas! les religieuses de PortRoyal ne purent que louer cette maison, et y vécurent dans une pauvreté extrême, n'ayant qu'un pensionnat très-peu nombreux. Elles étaient sous la direction d'une ancienne Mère, madame Devy, dite SainteAnne, que j'ai connue.

Cette supérieure portait dans la maison le titre d'abbesse et avait pour marque distinctive de cette dignité un cordon (large ruban blanc) d'où pendait une croix, qu'elle tenait habituellement cachée sous son scapulaire blanc, et sur laquelle était un christ attaché. Telles ne sont point les croix abbatiales. Aussi la maison n'avait point été érigée en abbaye, et l'abbesse n'avait reçu ni bénédiction, ni bulles. Dans un recueil historique, conservé en manuscrit dans la maison, se trouvait une décision raisonnée sur les attributs de l'abbesse, qui montrait le degré de connaissances canoniques de celui qui en élait l'auteur, l'abbé Desjardins, mort grand vicaire de Paris en 1835. La crosse, disait-il, est marque de juridiction; or il n'y a plus de

juridiction, donc la crosse devient superflue, en conséquence l'abbesse de Port-Royal restauré ne portait point de crosse.

En 1831, les religieuses de Port-Royal furent victimes d'un désagrément dont j'étais l'occasion et qu'il est peut-être utile d'indiquer ici; ce récit fort abrégé servira à faire connaître l'esprit et les hommes de l'époque.

Le service funèbre célébré le lundi du Carnaval, 13 février, à Saint-Germainl'Auxerrois, pour le repos de l'âme de S. A. R. Monseigneur le duc de Berri, avait servi de prétexte aux émeutiers révolutionnaires, ou mieux à ceux qui les menaient, pour piller cette église paroissiale et l'archevêché, qu'on essayait de meubler et d'habiter depuis peu de jours (il était désert depuis juillet 1830). Ce vandalisme ne trouva nulle résistance dans les autorités civiles; au contraire, M. Odilon-Barrot, alors préfet de la Seine, se promenait silencieux et à cheval près de l'archevêché livré aux brigands. Les pillards se portèrent le lendemain sur l'église Saint-Médard, faubourg saint-Marceau, et arrachèrent les grilles en fer, posées devant la porte principale de cette église, qui resta fermée pour quelques jours, et comme j'étais attaché au service de cette paroisse et dans ce quartier, j'allais dire la messe chez les dames de Port-Royal, auxquelles je rendais quelques services. Je leur fis la distribution des cendres, le mercredi, et sur le bruit répandu dans le lieu, que les émeutiers s'étaient emparés de la communauté des dames du Saint-Coeur de Marie, alors logées en face et dans la même rue, les religieuses de Port-Royal me prièrent de consommer toutes les saintes espèces qui étaient dans le taber. nacle, sans même réserver, comme on le demandait d'abord, une hostie qu'on aurait placée dans le grenier pour y continuer l'adoration. Après la messe, je vins moi-même rassurer les religieuses sur ces faux bruits; les émeutiers s'étaient portés à Conflans, pour y chercher M. de Quelen, et piller sa maison. Alors nous conviumes que je reviendrais le lendemain dire encore la messe, ce que je fis, en effet, à leur demande. Après la messe, et étant dans la cour pour me retirer, je fus reconnu pour prêtre, nonobstant l'habit laïque dont j'étais revêtu. Un ouvrier tanneur qui m'avait vu, et que j'aurais dû braver en m'en allant, réussit à attronper devant la porte quelques personnes mal intentionnées, en disant qu'il y avait là des prêtres. Les religieuses effrayées me firent entrer au chœur dans la clôture, et de là j'entendais le groupe menaçant, et ma vie était réellement en danger. Des voisins, de leur propre mouvement, allèrent prévenir la garde nationale, qui pénétra dans le monastère et me trouva bientôt, je n'avais pas quitté le chœur, où je commençais, je l'avoue, à devenir un peu troublé. On voulut me reconduire chez moi; je refusai ceite offre obligeante, qui m'aurait signalé et fait reconnaître. Je répondis qu'on ne m'en vculait point personnellement et que j'allais

m'en aller seul. Je sortis en effet sous cette sauve-garde, qui en imposait à la multitude, et quand on vit qu'il n'était question ni d'archevêque, ni de personnage important, j'enlendis dire dans la foule désappointée: Tiens! c'est un prêtre de Saint-Médard! Ce n'était que cela en effet, et la multitude se dispersa. Mais une heure après, un groupe menaçant se forma de nouveau dans la rue, sous prétexte de prêtres cachés, et dans sa persécution inintelligente, attaqua à coups de pierres la communauté du Saint-Coeur de Marie, au lieu de celle où j'avais été réellement ! Les pensionnaires, effrayées, s'enfuirent presque toutes de ces deux établissements, qui eurent à héberger la garde nationale pendant quelques jours. Pendant quelques jours aussi, les religieuses de Port-Royal furent sans prêtres; aucun n'osait approcher de leur maison, et désirant un confesseur, elles se disaient dans leur désappointement : « Nous nous adresserons encore à M. B-D-E; il sera encore le plus hardi. Elles ne se trompaient pas; mais alors elles reçurent pourtant la visite fructueuse de l'abbé Godard, vicaire à SaintPaul, un de leurs anciens amis dévoués.

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Cette excursion n'en est pas une positivement; elle servira à montrer que les communautés ne furent pas alors sans avoir à souffrir de ces révolutionnaires qu'on disail si honnêtes.

On disait aussi qu'ils ne volaient pas : témoin ce qui s'est fait aux Tuileries et en tant d'établissements. Dans le pillage de l'archevêché, les religieuses de Port-Royal perdirent ce manuscrit que je citais ci-dessus, et qui contenait la suite de leur histoire pendant le dernier siècle et jusqu'à l'époque actuelle. J'y aurais puisé d'utiles renseigne

ments.

La mère Sainte-Anne était morte, et on avait élu pour abbesse une jeune religieuse remplie de bonnes intentions et de mérite. Cette nouvelle supérieure voulut donner à sa communauté une existence moins précaire, et elle fit une tentative décisive, en achetant une maison, qui leur donnerait une demeure fixe et convenable. Cette acquisition eut lieu, et la maison que les dames Carmélites possèdent aujourd'hui était alors au no 67, dans la rue Vaugirard, au faubourg Saint-Germain. La communauté, qui commença à l'habiter en 1836, parut reprendre une nouvelle vie, car elle avait végété jusqu'alors. La jeune princesse de Gallitzin, qui prit l'habit dans cet institut, lui attira un peu les regards et l'attention. Cette novice ne persévéra pas et, en général, on avait fait peu de sujets depuis la révolution. Par on malheur plus grand encore, l'esprit de désunion, à ce que je crus voir, se mit dans la maison, et par je ne sais quel motif déterminant, vraisemblablement sur les offres qui leur furent faites, les religieuses résolurent de quitter Paris.

Elles s'adressèrent à l'autororité ecclé siastique, qui avait alors pour chef M. Affre, et lui dirent qu'elles pensaient à quitter le

diocèse. L'autorité leur envoya une réponse qui ne les édifia pas et les confirma daus leurs velléités. Cette autorité leur fit dire nettement, et d'un air qui ne s'en inquiétait guère, qu'elles pouvaient partir. Ou sait quel a été l'esprit de l'administration de M. Affre, et de combien de communautés religieuses le diocèse de Paris a été privé pendant les huit grandes années qu'elle a duré!

Les religieuses, divisées dans leur manière de voir et sur les offres qui leur étaient faites, ou les espérances qui leur étaient données, se partagèrent en deux colonies, quittèrent Paris au printemps de l'année 1841, et allèrent s'établir, l'une à Lyon, l'autre à Besançon.

L'établissement de Lyon était désiré par le cardinal de Bonald, qui voulait en enrichir son diocèse. C'est dans cette ville que se rendirent l'abbesse et quelques religieuses, dont j'ignore le nom et le succès. J'ai plus de détails à fournir sur la colonie de Besançon. Voici les noms de celles qui s'y rendirent et que je consigne ici pour conserver le souvenir des fondatrices de ce nouvel établissement Mère Saint-Louis; sœur Julienne; sœur Placide; sœur Saint-Etienne ; sœur du Cœur de Marie; sœur Rose; sœur Saint-Benoît; sœur Stanislas, sœur Marie; sœur Adélaïde; sœur Agathe. Elles furent suivies aussi par une mère Saint-Augustin et par une novice converse. C'etait donc un personnel de treize religieuses. Le 22 mars 1841, vers deux heures et demie après midi, Besançon vit arriver cette colonie de Bernardines. M. Mathieu, archevêque de cette ville, qui leur avait témoigné de l'intérêt lorsqu'il était grand vicaire à Paris, leur continuait cet intérêt, et avait envoyé quelqu'un au devant d'elles avec deux voitures pour les amener directement à l'archevêché. Il les reçut avec bonté et les fit conduire à la maison de la Providence, située près de la cathédrale, où on les attendait et où elles logèrent en attendant qu'elles pussent avoir une demeure fixe. La directrice de la Providence leur avait préparé un corps de logis, afin qu'elles pussent être retirées et solitaires. Là, elles eurent un très-beau dortoir, une grande salle, avec une chapelle, dédiée sous l'invocation de la sainte Vierge, pour y dire leur office en chœur. Cette salle leur servit aussi de réfectoire. Le jour même de leur arrivée, elles reprirent leurs habits monastiques, et le jeudi elles recommencèrent leurs exercices. On sait qu'elles ont l'adoration perpétuelle, depuis la tentative de M. Jamel, évêque de Langres; elles eurent le bonheur de ne pas l'interrompre dans cette maison provisoire, à Besançon. Elles la faisaient dans la chapelle commune de la maison de la Providence. Dans cette chapelle, elles ne pouvaient réciter l'office, qu'elles disaient dans la salle dont j'ai parlé; par conséquent, elles ne pouvaient suppléer par leur présence au temps des heures à l'adoratrice, qui n'aurait point été nécessaire à ce moment-là. Il leur fallait donc, étant peu

nombreuses, faire leur adoration, chacune deux ou trois fois par jour, et prolonger le temps de l'adoration. Les sœurs la faisaient pendant que les choristes étaient à l'office. Dans cette maison de la Providence, située rue du Chapitre, n° 13, elles trouvèrent avantages spirituel et temporel; l'un des aumôniers qui les dirigeait leur fit faire en peu de temps deux retraites; et comme elles ne pouvaient occuper qu'au mois de septembre la petite maison que M. Mathieu avait acquise pour leur servir de monastère, elles furent pendant six mois chez leurs hôtes charitables logées et nourries, etc., sans qu'il leur en coûtât une obole. Cependant leurs affaires n'étaient point terminées à Paris. En quittant la maison de la rue de l'Arbalète, qui n'était qu'à loyer, pour l'acquisition de celle de la rue Vaugirard, elles s'endettèrent. En quittant Paris, elles ne purent revendre aussitôt, et le prix de nouvelle vente, qui s'élevait à 156,800 fr. ne suffit pour éteindre les dettes, dont le chiffre s'élevait à 162,000. Ce déficit fut supporté par madame de Campigny (sœur Thérèse de Jésus), moyennant une indemnité à trouver sur le mobilier. L'archevêque de Besançon et les religieuses, par amour de la paix, firent un sacrifice des intérêts de la communauté, en cédant sur un Travail fait par un mandataire de madame de Campigny, lequel travail lésait les dames Bernardines.

Ces dames entrèrent dans leur nouvelle maison le 11 octobre 1841. Le 28 mai 1842, M. l'archevêque bénit la chapelle et établit la clôture; ensuite il fit aux religieuses un sermon, dans lequel il leur rappela que, les prêchant autrefois à Paris, il les avait engagées à garder le feu sacré. Pas plus qu'el les, à cette époque, il ne prévoyait ce qui leur arriverait dans l'avenir.

Le 21 août 1841 eut lieu l'élection de l'abbesse de la nouvelle colonie. Mgr l'archevêque la présida et confirma la nomination de cette abbesse, la Mère Saint-Louis-de-Gonzague, à laquelle il fit présent d'un anneau; car bien entendu elles n'en avaient point apporté de Paris. La Mère Saint-Placide fut nommée prieure et maîtresse des novices; la Mère Saint-Benoît fut nommée sacristine, lingère et dépositaire.

Au mois de novembre 1843, la nouvelle communauté n'avait encore qu'une novice de chœur et une postulante converse. Les vocations étaient à désirer. Plusieurs sujets s'étaient présentés, mais venant des montagnes, et n'ayant point l'instruction et les qualités nécessaires. Les habitants de Besançon semblaient effrayés des grilles, et préféraient les communautés où il n'y en avait pas. Les Bernardines n'avaient pour ressources que leur travail, et il était insuffisant; mais la charité les aida par des personnes généreuses, non de Besançon, excepté une seule peu fortunée, mais surtout de Paris. J'ai la persuas on que depuis lors la nouvelle communauté a été plus heureuse en ressources et en sujets.

Les religieuses de Port-Royal étaient bien

éloignées des préventions jansénistes: à Paris. elles célébraient avec pompe les fêtes des Sacrés Cœurs de Jésus et de Marie; elles continuaient à réciter l'office parisien, introduit autrefois par les anciennes folies de Port-Royal novateur, mais elles auraient bien voulu reprendre le bréviaire de Citeaux, et l'abbesse (la Mère Sainte-Anne) me consulta un jour à ce sujet, relativement aux frais d'acquisition que demanderait ce retour à la liturgie de leur ordre. Leur pauvreté s'effraya des dépenses à faire.

Le zèle éclairé de l'archevêque de Besançon a enrichi son diocèse d'une réforme si riche en souvenirs historiques, dont l'archevêque de Paris, M. Affre, à fait si facilement le sacrifice.

Notes communiquées, etc. B.D-E. PORTUGAL (BÉNÉDICTINS DE LA CONGRÉGATION DE).

La réforme des Bénédictins de Portugal commença dans le monastère de Sainte-Thirse, et y fut portée par les Pères réformés d'Espagne, Dom Antoine de Silva, qui en était abbé commendataire, ayant obtenu, l'an 1558, du général de la congrégation d'Espagne, les Pères Dom Pierre de Chiaves et Dom Placide de Villalobos, pour rétablir dans ce monastère les observances régulières. Le premier y exerça d'abord l'office de prieur, et le second celui de sous-prieur. La régularité y étant bien établie, Pierre de Chiaves retourna en Espagne. La réforme ne fit pas pour lors de grands progrès en Portugal, parce qu'avant que de travailler à son établissement dans les autres monastères de ce royaume, la reine Catherine, veuve de Jean III, qui gouvernait ce même royaume en l'absence de son neveu, le roi Dom Sébastien, voulut, conjointement avec le cardinal infant Dom Henri, obtenir du pape une bulla pour les unir tous en une même congrégation. Mais cette bulle ne fut accordée que par le pape Pie V, qui, avant que de la faire expédier, demanda à Barthélemy des Martyrs, archevêque de Brague, et à Rodrigue Pinherro, évêque de Porto, un état de tous les monastères de Portugal, de leurs revenus, et du nombre de leurs religieux. Ce pontife envoya en même temps ordre au général de la congrégation de Valladolid de nommer de ses religieux pour faire la visite de ces monastères. Dom Alphonse Zorrilha, abbé de Saint-Benoît de Séville, et Dom Placide de Villalobos furent chargés de cette commission: ce qui ayant été exécuté, on sollicita l'expédition de la bulle que Pie V accorda l'an 1566. Ce pontife ordonna, par une autre bulle de l'année suivante 1567, que les abbés de la congrégation de Portugal seraient triennaux, et commit l'exécution de cette bulle au cardinal infant Dom Henri, qui nomma premier général de cette congrégation, et en même temps abbé de Tibaès, le P. Dom Pierre de Chiaves, que le général d'Espagne avait renvoyé en Portugal.

Pierre de Chiaves ne put pas prendre d'ahord possession de tous les monastères, à

cause de l'opposition des abbés commendalaires; mais le cardinal infant, qui voulait absolument la réforme et la réunion de tous les monastères sous un même chef, envoya ordre à l'archevêque de Brague et à l'évêque de Porto d'obliger les abbés commendataires à se déporter de la juridiction qu'ils avaient our les religieux de leurs abbayes, et d'obéir à la bulle du pape. Le P. de Chiaves, ayant pris cependant possession de son monastère de Tibaès, y tint, l'an 1568, le premier chapitre général de sa congrégation, où se trouvèrent les abbés de quelques monastères, dont les commendataires, s'étant soumis à la bulle du pape et aux ordres du cardinal infant, s'étaient déjà démis de leur pouvoir et de leur juridiction entre les mains des abbés triennaux, qui furent ceux de Rendufe, de Refoyos, du collège de Coimbre, et de SaintRomain de Négua; les monastères qui étaient encore gouvernés par des abbés commendataires se contentèrent d'y envoyer les prieurs. On dressa dans ce premier chapitre des constitutions pour le bon gouvernement de la congrégation, et on y fit quelques règlements.

Après la mort de Pie V, Grégoire XIII lui ayant succédé, l'an 1572, révoqua la bulle qui ordonnait que les abbés seraient triennaux, et voulut qu'à l'avenir ils fussent perpétuels. Mais Sixte V, qui succéda à Grégoire l'an 1585, rétablit et confirma la bulle de Pie V, et voulut qu'elle fût exécutée dans toute sa teneur. Cette confirmation eut tout le bon succès qu'on en pouvait espérer; car non-seulement la réforme fut introduite dans tous les monastères de Portugal, mais encore on en fonda de nouveaux. Le premier fut commencé l'an 1571, dans la ville de Lisbonne, et ne fut achevé que l'an 1573. Le P. Dom Placide de Villalobos en fut premier abbé triennal: il le gouverna pendant six ans, ayant été continué pour un second triennal, après lequel il fut élu général de la congrégation. On fit une nouvelle fondation dans la ville de Porto, l'an 1596; la congrégation obtint un second monastère dans la ville de Lisbonne l'an 1598, et sous le même général Dom Placide de Villalobos, ces Bé nédictins furent appelés dans le Brésil, où ils fondèrent, l'an 1581, un monastère dans la ville de Bahia.

Ascagne Tambourin, de l'ordre de Vallombreuse, met deux congrégations de Bénédictins réformés en Portugal, dont la première a commencé dans le monastère de Tibaès l'an 1549, et dont il dit qu'il n'a pu trouver qui en a été l'auteur ; et il donne à cette congrégation le titre de congrégation de Portugal. La seconde, qu'il nomme de Lisbonne, a commencé (selon lui) la même année, et il en attribue la fondation à Dom Jacques de Murcie, de l'ordre de Saint-Jérôme, abbé commendataire du monastère de Saint-Nicolas, qui, après en avoir'obtenu la permission du pape Paul III, jeta les fondements de cette réforme dans la ville de Coïmbre, où il fit bâtir un monastère l'an 1555. Il ajoute de plus que les religieux de cette

Dictionn. des Ordres religi¿UX. III.,

congrégation ayant fait bâtir dans la suite un monastère dans Lisbonne, la congrégation prit le nom de cette capitale du royaume de Portugal. Il est vrai que Dom Didace de Murcie, et non pas Jacques de Murcie, religieux de Saint-Jérôme et abbé de Saint-Ni colas de Refoyos, fit bâtir deux colléges dans la ville de Coimbre, l'un pour les religieux de son ordre, l'autre pour ceux de l'ordre de Saint-Benoît, l'an 1551. Mais il ne fonda point de congrégation particulière : ainsi on doit s'en rapporter plutôt à ce que dit le P. Léon de Saint-Thomas, religieux de la congrégation de Portugal, qui ne met qu'une congrégation dans ce royaume.

Leao de Santo Thomas, Benedictina Lusitana, tom. II, part. ultim., cap. 1 et seq. Ascag. Tambur,, de Jur. abb., tom. II, disput. 24, quæst. 5, n. 58 et 59.

POUILLE (CONGREGATION de la).
Voy. AUGUSTINS.

POUSSAY (CHANOINESSES DE).

Voy. EPINAL.

PRECHERESSES.

Voy. DOMINICAINES.

PRÊCHEURS (FRÊRES).

Voy. DOMINICAINS.

PRÉMONTRÉ (ORDRE DES CHANOINES RÉGULIERS DE ).

§ 1er. Origine de l'ordre.

Peu de temps après que la France eut produit deux ordres célèbres qui se sont répandus par toute la terre, que la province de Dauphiné-eut donné à l'un le désert de Chartreuse, et que celle de Bourgogne eut donné à l'autre celui de Citeaux, dont ils ont pris les noms, aussi bien que celui que saint Etienne avait fondé à Muret, qui, quelques années après, prit le nom de Grammont, d'un lieu inhabité dans les montagnes du Limousin, la province de Champagne eut aussi le bonheur de recevoir saint Norbert, dans un lieu appelé Prémontré, et auparavant le désert de Vosge, dans la forêt de Coucy.

Plusieurs auteurs ont cru que ce nom de Prémontré venait de ce que Enguerrand, le premier de l'illustre maison de Coucy, ayant été pour combattre un lion qui dévorait beaucoup de monde dans cette forêt, il se trouva inopinément devant lui, et qu'il en eut une si grande frayeur, qu'il s'écria: Saint Jean, tu me l'as de près montré ! mais qu'étant revenu de sa peur, il avait tué ce lion, et qu'en mémoire de cette action il avait fait bâtir dans ce lieu un monastère qu'il avait nommé Prémontré.

Il y en a d'autres qui ont prétendu qu'il a pris ce nom à cause d'un pré qui avait été découvert et montré par les religieux Bénédictins de Saint-Vincent de Laon; mais le P. le Paige, qui rapporte ces opinions (Biblioth. Præmonst., lib. I, cap. 2), les traite de fabuleuses, comme en effet elles le sont, et dit que la plus certaine est à cause que le lieu où est présentement la fameuse abbaye qui porte ce nom, et qui est le chef de tout cel

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ordre, fut montré à saint Norbert par la sainte Vierge, lorsque, étant une nuit en orai con, il vit aussi plusieurs personnes vêtues de blanc qui allaient en procession autour de ce lieu avec des croix et des lumières. Cependant le P. Hugo, dans la Vie de saint Norbert, qu'il a donnée en 1704, prétend que le nom de Prémontré est sans mystère et l'effet du pur hasard, et traite cette vision de pieuse fable, ce qui n'a pas plu à un de ses confrères, comme il paraît par les dissertations faites à ce sujet par le P. Gautier, et que le P. Hugo, avec ses réponses aux dissertations du P. Gautier et à l'auteur des Fables pieuses, a insérées dans son journal littéraire de l'an 1703, plus connu sous le nom de Journal de Soleure, imprimé néanmoins à Nancy.

Ce fut l'an 1119, sous le pontificat de Calixte II et sous le règne de Louis, surnommé le Gros, roi de France, que commença cet ordre. Ce qui y donna lieu fut le relâchement où étaient tombés la plupart des monastères de chanoines réguliers. Celui de Saint-Martin de Laon était de ce nombre. Barthélemy, évêque de cette ville, voulant y apporter remède et couper court aux désordres qui augmentaient de jour en jour, crut que le meilleur moyen était de demander au pape Calixte II saint Norbert ( qui se trouvait pour lors dans son diocèse) pour réformer cette abbaye. Le pape y consentit; mais on eut bien de la peine à faire résoudre ce saint à prendre le gouvernement de cette maison. Il se soumit néanmoins par obeissance à ce qu'on demandait de lui; mais ce fut à condition que les chanoines recevraient les lois qu'il leur prescrirait. Cette condition l'exempla bientôt du gouvernement de cette abhaye; car il ne trouva point dans leurs esprits une disposition à recevoir la réforme qu'il y voulait introduire; ainsi il les quitta.

Il n'abandonna pas pour cela l'évêque de Laon, qui, dans l'appréhension de le perdre, lui proposa de bâtir un nouveau monastère dans quelque solitude voisine où il pourrait recevoir des disciples et établir un nouvel ordre conforme à la vie austère et penitente dont il donnait l'exemple. Le saint y consentit, et ils furent ensemble dans un lieu appelé Foigny, où rien ne manquait pour la cominodité d'une maison religieuse; mais le saint s'étant mis en prières, connut par révélation que ce lieu n'était pas pour lui, et qu'il était destiné pour les religieux de Citeaux, qui y sont encore à présent.

Ils furent ensuite dans un autre lieu appelé Thenailles ou Thenelle, qui lui aurait été aussi fort propre; mais, s'etant mis en core en oraison, Dieu lui fit connaître que ce n'était pas le lieu qu'il lui avait préparé (quoique dans la suite on y a bati un monastère de cet ordre). Enfin, ils vinrent dans la forêt de Coucy, dans un endroit appelé Vois, où il y avait un vallon qui dans la suite a pris le nom de Prémontré, et il y avait aussi une chapelle dédiée à saint Jean-Baptiste, que les religieux de Saint-Vincent de Laon avaient abandonnée.

Il n'eut pas plutôt aperçu ce désert, qu'il s'écria: C'est ici le lieu que le Seigneur a choisi. Il pria l'évêque de trouver bon qu'il y passat la nuit en oraison avec son compagnon. Ce fut durant cette nuit que quelques historiens prétendent qu'il eut la vision dont nous avons parlé ci-dessus. Ce prélat lui accorda sa demande avec beaucoup de joie. I s'en accommoda avec l'abbé et les religieux de Saint-Vincent, et le donna en propre à saint Norbert, avec trois vallées voisines pour sa subsistance et celle de ceux qui se devaient joindre à lui, ce qui fut confirmé par les lettres patentes de Louis le Gros.

Peu de jours après, le 25 janvier de l'an 1120, ce prélat ôta à saint Norbert et à son compagnon les habits de pénitence qu'ils portaient, et les revêtit d'un habit blanc que la sainte Vierge avait montré à ce saint fondateur, selon ce que disent les mêmes historiens, qui ajoutent que saint Augustin lui étant aussi apparu tenant une règle écrite en lettres d'or, il lui dit qu'il était le célèbre évêque d'Hippone, et que la volonté de Dieu était qu'il suivit sa règle, et qu'il y ajoutât des constitutions pour le maintien de la discipline régulière. Ainsi, ayant eu quelque temps après jusqu'au nombre de treize disciples, il leur donna la règle de saint Augustin, les fit chanoines réguliers, et ils en firent profession le jour de Noël de l'an 1122.

Quatre ans après, il entreprit le voyage de Rome pour obtenir la confirmation de son ordre, ce que le pape Honorius II lui accorda l'an 1126, et dans la suite ses successeur? Honorius I et IV, Adrien II et IV, et un grand nombre de souverains pontifes onl aussi accordé à cet ordre beaucoup de priviléges.

Les religieux étaient si pauvres dans le commencement, qu'ils n'avaient rien en propre; ils n'avaient qu'un seul àne qui leur appartenait et qui leur servait à porter le bois qu'ils allaient tous les matins couper dans la forêt, et qu'ils allaient ensuite vendre à Laon pour avoir du pain, les religieux attendant quelquefois pour manger jusqu'à None, que ce pain fût venu; mais Dieu, pour récompenser leur charité et l'hospitalité qu'ils exerçaient, suscita plusieurs personnes de piété qui en peu de temps leur firent de si grands dons, et fondèrent tant de monastères, que trente ans après la fondation de cet ordre, il se trouva déjà au chapitre gé néral presque cent abbés, non-seulement des monastères de France, mais encore d'Allemagne.

L'on remarque que, dans le temps de sa première ferveur, tous les religieux ayant demandé comme à l'envi des privilèges à Innocent III, qui les accordait facilement, les Prémontrés furent les seuls qui n'en recher chèrent point, désirant seulement que le pape approuvât le décret qu'ils avaient fait de ne point se servir de mitres ni de gants en faisant le service divin, de peur que la vanité ne se glissât dans leur cœur; ce que leur ayant accordé, il leur donna d'autres priviléges, comme à des personnes qui

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