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le Mont-Cési, en un lieu solitaire, où le patriarche saint François avait dressé une cabane de branches d'arbres dans laquelle il se retirait souvent, et dont frère Paulet fit un petit couvent, y joignant une petite église qu'il båtit en l'honneur de l'Annonciation de la sainte Vierge, et mit toutes choses en un tel état, que les novices qu'il prétendait y élever pourraient y recevoir et entretenir l'esprit de piété et de pauvreté; mais les per sécutions qu'il cut à souffrir de la part des religieux relâchés lui firent abandonner cette solitude, et l'obligèrent à se retirer seul, avec la permission des supérieurs, dans une tour de Foligni qui avait autrefois servi de prison, et que son parent Hugolin de Trinci, qui était seigneur de cette ville, lui donna. Paulet ne se servit de celle retraite que pour vaquer avec plus d'assiduité à la prière, et pour pratiquer la mortification avec plus de rigueur. Son exemple animait quelques autres religieux à la vertu, et leur inspirait l'amour de la pauvreté et des autres observances, auxquels il les encourageait par ses entretiens et par ses lettres, les fortifiant de plus en plus dans le dessein qu'ils avaient de s'unir avec lui pour travailler à la réforme de l'ordre.

Pendant que Paulet demeurait dans sa tour, et s'exerçait dans la pratique de la vertu et de la piété, Thomas de Farignano, général de l'ordre, vint à Foligni pour y présider au chapitre de la province de SaintFrançois, qui y avait été convoqué. Hugolin de Trinci, seigneur de cette ville, ayant fourni tout ce qui était nécessaire pour les frais de ce chapitre, le général, avant son départ, crut qu'il était de l'honnêteté de le remercier de ses libéralités. Hugolin le reçut avec toutes les marques d'estime et tous les honneurs que méritait sa dignité, et se servit de cette occasion pour lui demander l'ermitage de Bruliano pour le frère Paulet, qui l'en avait prié; ce que ce général lui promit, s'estimant heureux de ce qu'il lui procurait cette occasion de lui témoigner sa reconnaissance; mais étant arrivé au couvent, quelques religieux lui ayant dit qu'il avait accordé une chose qui pourrait porter préjudice à l'ordre par les troubles et les divisions qu'elle y pourrait causer, il fit réflexion à celles dont l'ordre avait été agité, et aux difficultés que l'on avait eues pour les dissiper; c'est pourquoi, se repentant de la parole qu'il avait donnée, il retourna le lendemain vers Hugolin, pour lui permettre de révoquer la permission qu'il avait donnée à frère Paulet de demeurer à Bruliano, à cause des inconvénients qu'il n'avait pas prévus, et qui seraient sans doute nuisibles à l'ordre. Ce seigneur, ne se payant pas de ces raisons, lui répondit qu'il ne souffrirait pas qu'on lui manquât de parole, ce qu'il dit dans des termes à faire connaitre qu'il s'en offenserait beaucoup; en sorte que le général ne voulant pas déplaire à un bienfaiteur si illustre, et d'ailleurs son ami, fut obligé, par honneur el par reconnaissance, de confirmer ce qu'il

lui avait promis, nonobstant les oppositions des religieux.

Ce fut donc l'an 1368 que frère Paulet de Foligni jeta les fondements de l'Observance dans l'ermitage de Bruliano, situé dans un lieu désert, entre Foligni et Camerino. Il eut d'abord plusieurs compagnons qui le voulurent suivre et imiter son zèle; mais la plupart n'eurent pas le courage de soutenir toutes les incommodités que l'on ressentait dans ce lieu car, outre qu'il y ava't auprès du couvent un lac où une infinité de grenouilles ne cessaient de coasser jour et nuit, il était environné de marais qui exhalaient des brouillards épais qui corrompaient l'air; l'humidité engendrait une multitude de serpents qui allaient jusque dans les chambres des religieux, et les piquaient souvent dans leurs lits; on n'y avait aucune fréquentation avec les hommes, on n'y buvait point de vin, la terre ne produisait rien: c'était un pays inculte, et l'on trouvait seulement dans les montagnes quelques gens rustiques, mais pauvres, vêtus de peaux de brebis, et qui avaient pour chaussure des socques ou sandales de bois. Ce fut de ces sortes de gens que frère Paulet apprit à porter des socques ou sandales de bois, dont l'usage devint commun dans plusieurs provinces, où les religieux ont été appelés pour ce sujet Soccolanti (qui veut dire porte-socque).

L'inconstance de ces religieux fut fort sensible au frère Paulet; mais il eut la consolation de voir que leurs places furent bientôt remplies par d'autres plus constants. F. Ange de Mont-Léon, et F. Jean de Stronconio, prédicateurs célèbres, en furent les plus remarquables par leur mérite et par leur zèle; leur nombre augmenta de telle sorte, qu'il fallut agrandir les bâtiments de Bruliano. Hugolin de Trinci y contribua par ses libéralités, et le général leur accorda quelques autres couvents de la province de Saint-François, qui furent ceux des prisons sur le Mont-Subaze de Pistia, de Dani, de Mont-Luci, de Mont-Joio et de Strouconio. Mais celui de Bruliano fut toujours regardé comme le chef de l'Observance. Jules II, revenant de Bologne à Rome, l'an 1511, voulut voir ce lieu; il y vint avec sept cardinaux, mangea avec les religieux, et accorda des indulgences à perpétuité pour le jour de saint Barthélemy, en l'honneur duquel l'église était dédiée.

Ce fut la même année de cet établissement 1368 que le général Thomas de Farignano fut déféré au pape, comme suspect d'hérésie. Cette accusation ne provenait, selon les apparences, que du déplaisir que les religieux portés au relâchement avaient de ce qu'il favorisait ceux qui étaient zélés pour l'observance il les avait soustraits de la juridiction des provinciaux. Guillaume, évêque de Narni, qui avait été religieux de l'ordre, et le provincial de la province de Saint-François, étaient ses principales parties. Cette affaire dura six mois, pendant lesquels il fut suspendu de son office; mais il fut pleinc

ment justifié par une sentence qui fut publiée dans l'église de Saint-Pierre, en présence de trois cardinaux et d'une grande foule de peuple; et son innocence fut si bien reconnue, que non-seulement il fut rétabli dans les fonctions de sa charge, mais que le pape Grégoire XI le fit patriarche de Grade, et ensuite cardinal.

Il eut pour successeur dans le gouvernement de l'ordre Léonard de Giffon, qui fut élu l'an 1373 dans le chapitre qui se tint à Toulouse. Ce général ayant fait la visite des Couvents qui étaient sous la conduite du frère Paulet, fut si satisfait de la manière de vie des religieux qui y demeuraient, et si édifié de leur modestie, de leur simplicité, de leur pauvreté, de leur humilité et de la soli. tude qu'ils gardaient (caron les retenait dans les limites de ces petits lieux, de peur qu'ils ne s'étendissent trop), qu'il les crut fort propres à remettre tous les autres dans la pure observance de la règle. C'est pourquoi il donna permission au frère Paulet et aux gardiens de ces couvents d'aller et d'envoyer leurs religieux dans les provinces voisines el partout où ils jugeraient à propos.

Dans ce temps-là la secte des Frérots ou Fraticelli avait trouvé tant de protecteurs à Pérouse, qu'ils y avaient deux maisons : l'une dans la ville et l'autre hors la ville. Ces hérétiques avaient commencé à scmer leurs hérésies vers l'an 1260, ayant eu pour chef Herman Pongiloup de Ferrare, qui avait tellement trompé les peuples par son hypocrisie, qu'on avait érigé après sa mori des autels en son honneur dans la ville de Ferrare, el que même dans l'église cathédrale on y avait exposé son portrait à la vénération des fidèles; mais vingt-neuf ans après sa mort, l'an 1300, ses impostures étant reconnues et avérées, son corps fut délerré, et brûlé par le commandement du pape Boniface VIII, et sa mémoire condamnée comme celle d'un hérétique. Ces Frérots, qu'on appelait aussi Béghards et Béguins, se répandirent presque dans toute l'Europe; ils avaient des maisons dans lesquelles ils établissaient des supérieurs, à qui ils donnaient les titres de ministres, de custodes et de gardiens. Ils portaient un habit religieux, demandaient l'aumône, et disaient qu'ils gardaient à la lettre la règle de Saint-François, quoiqu'ils ne reconnussent pas les supérieurs de l'ordre, sous le prétexte d'avoir été établis par le pape Célestin V. Quelques-uns disaient avoir reçu l'habit de la main des évêques, d'autres se faisaient du tiers ordre de Saint-François ; et parmi toutes ces impostures, ils mêlaient des erreurs contre la foi. Jean XXI, dit XXII, informé de ce désordre, condamna cette secte (qu'il appela des Frérots, Béguins ou Béghards et Bisoches), comme une assemblée profane de gens qui s'étaient établis contre les saints canons, et avaient usurpé le nom et les droits d'une religion approuvée, défendant aux évêques de la tolérer. La bulle de ce pape est du mois de décembre 1317; mais celle secte, nonobstant la condamnation de ce pontife, ne fut pas sitôt détruite. Ces

Frérots subsistèrent encore plusieurs années en différentes provinces. Ils avaient deux maisons à Pérouse, lorsque Léonard de Giffon fut élu général de l'ordre de SaintFrançois l'an 1373. Ils s'y assemblaient en grand nombre, et la protection que les bourgeois de cette ville leur donnaient, les rendait tellement insolents, qu'ils insultaient les religieux de Saint-François, qui avaient aussi un couvent hors les murs de Pérouse, leur reprochant publiquement qu'ils avaient dégénéré de la pauvreté qui leur avait été prescrite par leur Père, qu'ils voulaient avoir des bâtiments sompteux, des mets délicats et des habits de prix; et ces hérétiques avaient même l'insolence de les arrêter lorsqu'ils passaient dans les places publiques, et de mettre la main sous leurs robes pour faire voir qu'ils portaient du linge, leur demandant si c'était là l'austérité que saint François leur avait enseignée, et s'il était permis par la règle de porter des chemises. Ils reprochaient ainsi et en d'autres manières le relâchement où les religieux de Saint-François étaient tombés. Le peuple croyait ces hypocrites; il les regardait comme les véritables enfants de ce saint, et n'avait que du mépris pour les frères Mineurs, qui n'osaient plus sortir de leur couvent.

Le provincial, voulant chercher un remède à ce désordre, assembla ses religieux pour avoir leur avis, et il y en eut qui crurent qu'il n'y avait pas de meilleur moyen pour arrêter l'insolence de ces hérétiques, que de donner le couvent de Pérouse à frère Paulet et à ses compagnons, parce que leur vie austère confondrait celle de ces hypocrites. Ce conseil fut approuvé; on fit venir à Pérouse frère Paulet, qui commença par une belle prédication qu'il fit au peuple: il y défia les Frérots d'entrer en dispute avec lui, pour savoir qui étaient les véritables disciples de saint François. Au jour assigné frère Paulet se présenta avec son compagnon devant une foule de peuple, que la curiosité avait attirée. Les Frérots y vinrent avec beaucoup de fierté, et traitèrent d'abord avec mépris ces deux frères lais, les regardant comme des ignorants. Frère Paulet, qui mettait toute sa confiance en Dieu, ne s'étonna point de leur insolence; il écouta tout ce qu'ils avaient à lui reprocher touchant les abus qui s'étaient glissés dans l'ordre, d'où ils concluaient que ceux qui étaient tombés dans le relâchement ne pouvaient pas être les véritables enfants de saint François, mais bien ceux qui avaient souffert des persécutions pour pratiquer et soutenir l'étroite pauvreté, et qui vivaient dans un abaissement conforme à cet état. Après qu'ils eurent cessé de parler, Paulet leur répondit avec beaucoup d'humilité que saint François n'avait rien commandé dans sa règle avec tant d'exactitude que l'obéissance au saintsiége. Vous vous moquez, leur dit-il, de ce commandement; car vous résistez aux ordres du pape et des prélats ecclésiastiques; donc vous n'êtes qu'en apparence ses imitateurs, et c'est à tori que vous vous glorifiez d'être

ses disciples. A ce reproche, ils restèrent confus, et s'en allèrent sans répliquer un seul mot. Le peuple se moqua de ces hérétiques, et leur hypocrisie ayant été reconnue peu de temps après, ils furent chassés de la ville et de tout son territoire. Frère Paulet ayant été ainsi victorieux, reçut pour sa récompense le couvent de Saint-François du Mont près de Pérouse, l'an 1374. L'honneur qu'il acquit dans cette rencontre, aussi bien que la protection des supérieurs, qu'il mérita par sa bonne conduite, aidèrent beaucoup à fortifier et à augmenter sa congrégation, à laquelle le général Léonard Giffon donna plusieurs priviléges, et la recommanda à Pierre de Sora, provincial de la province de SaintFrançois, qui la favorisa de tout son pouvoir.

Dans ce temps-là on commença à distinguer les religieux de l'ordre de Saint-François par quatre noms différents, savoir des Conventuels, des frères des Ermitages, des frères de la Famille, et des frères de l'Observance. Il est vrai que depuis le pape Innocent IV on appelait Conventuels tous ceux qui vivaient en communauté; mais après les différentes réformes dont nous avons parlé, on donna principalement le nom de Conventuels à ceux qui suivaient le relâchement qui s'était introduit dans l'ordre. Les frères des Ermitages étaient ceux qui demeuraient dans de petits couvents et dans des lieux solitaires, et ce nom fut toujours donné aux disciples de frère Paulet, jusqu'à ce qu'ayant réformé les grands couvents, on leur donna le nom de frères de l'Observance, et enfin on appela frères de la Famille tous ceux qui entreprenaient une nouvelle façon de vie comme s'il eussent fait une famille particulière. C'étaient les noms que donnaient les généraux et les provinciaux au frère Paulet en lui écrivant, car celui d'Observance ne ful approuvé qu'au concile de Constance, et s'étendit depuis dans toutes les provinces. La congrégation se trouvait déjà composée de douze couvents l'an 1380, dans la province de Saint-François. Frère Mathieu d'Amerino, qui en était provincial, lui en confirma la possession, et donna à frère Paulet un pouvoir absolu pour le gouvernement de ses religieux et pour les envoyer où il jugerait à propos, et le général Louis Donat lui donna encore le couvent de Forano dans la province de la Marche.

Il y avait pour lors schisme dans l'ordre au sujet des généraux, et ce schisme avait commencé avec celui de l'Eglise après la mort du pape Grégoire XI, arrivée l'an 1378. Ce pontile avait reporté le saint-siége d'Avignon à Rome, d'où il avait été transféré depuis soixante-douze ans ; il y arriva au cominencement de l'année 1377, et y mourut l'année suivante. Les Romains, craignant que si l'on faisait un pape français il ne transférât encore le siége à Avignon, obligèrent par force les cardinaux d'élire un pape italien. Les cardinaux protestèrent de cette violence et choisirent Barthélemy Pignani, archevêque de Bari, quoiqu'il ne fût

pas cardinal: il fut élu le 8 avril 1378, et prit le nom d'Urbain VI. Mais les cardinaux français et espagnols, s'étant assemblés quelque temps après à Fondi, au royaume de Naples, avec trois cardinaux italiens, prétendant qu'on les avait violentés en leurs suffrages lorsqu'ils étaient au pouvoir du peuple romain, élurent pour pape Robert de Genève, qui prit le nom de Clément VII; Léonard Giffon, général de l'ordre de Saint-François, prit le parti de ce dernier, dont Urbain Vi voulant le détacher et l'attirer dans le sien, lui envoya le chapeau de cardinal; mais Jeanne I", reine de Naples, pour laquelle ce général avait beaucoup de déférence, l'obligea de le refuser et de le prendre de la main de Clément VII, ce qui fit qu'Urbain VI le déposa, et dans le chapitre qui se tint à Strigonie l'an 1379, Louis Donat fut élu pour général par les vocaux de douze provinces. D'un autre côté, Léonard Giffon, qui, comme nous venons de le dire, avait été fait cardinal par l'antipape Clément, et qui, nonobstant sa déposition, gouvernait encore l'ordre, tint un autre chapitre général à Naples, où il fit élire un autre général pour lui succéder dans le gouvernement de l'ordre, dont il se démettait. Cette élection se fit le 1er octobre de la même année, et ce schisme, qui avait commencé avec celui de l'Eglise, ne finit aussi que quand celui de l'Eglise cessa.

Louis Donat fut fait aussi cardinal par le pape Urbain VI, l'an 1381, et retint le gouvernement de l'ordre jusqu'au chapitre général qui se tint à Ferrare l'an 1383, où Pierre de Conza fut élu pour son successeur.

ne vécut qu'un an et quelques mois; mais dans ce peu de temps il gouverna l'ordre avec tant de sagesse et de prudence, que la petite famille de l'Observance fit du progrès. Elle croissait de jour à autre par la faveur des princes, qui estimaient beaucoup ces saints religieux, dont la solide piété confondait l'hypocrisie des Frérots: plusieurs villes les appelaient pour les mettre en possession des couvents de ces hérétiques, qui, malgré la condamnation de Jean XXII et la confusion qu'ils avaient eue à Pérouse, avaient encore l'audace de se dire les véritables enfants de saint François; les supérieurs de l'ordre leur donnaient de petits couvents où les nonréformés ne se plaisaient pas; les Conventuels les souffraient volontiers, parce qu'ils voyaient qu'ils agissaient en toutes choses avec beaucoup d'humilité et qu'ils étaient soumis aux supérieurs; et enfin Guillaume d'Ast, provincial de la province de SaintFrançois, accorda l'an 138 au frère Paulet le pouvoir de recevoir partout des novices et d'établir des couvents dans tous les lieux où il serait appelé et où on lui en offrirait; ce qui étant confirmé par Ferdinand, patriarche de Jérusalem et légat du pape Urbain VI, dans le duché de Spolette, acheva et affermit l'établissement de cette réforme.

Martin de Riparole, qui avait été élu général après la mort de Pierre de Conza, dans le chapitre qui se tint à Pavie l'an 1385, ne gouverna l'ordre que pendant deux ans,

étant mort au couvent de Castelnovo l'an 1387. Henri Alfero d'Ast lui succéda et fut élu dans le chapitre qui se tint aussi à Pavie la même année. Ce nouveau général confirma, l'an 1388, tous les pouvoirs que ses prédécesseurs avaient donnés au frère Paulet pour le gouvernement de sa congrégation de l'Observance, et l'établit son commissaire sur quinze couvents qui en dépendaient et sur ceux qu'il établirait de nouveau, et il lui donna encore la conduite d'une maison qu'il avait fondée à Foligni pour des sœurs du tiers ordre de Saint-François avec ce secours cette réforme s'étendit en Italie et y fit de grands progrès.

Comme la France reconnaissait pour pape légitime Clément VII, les religieux de l'ordre de Saint-François en ce royaume, qui suivaient aussi le parti de ce pontife, ne reconnaissaient point pour général Henri d'Alfero, et obéissaient au Père Ange, qui était celui qui avait été élu l'an 1379, dans le chapitre tenu à Naples par Léonard Giffon. Quoiqu'il ne possédât pas légitimement cette charge (son élection n'ayant pas été canonique), il ne laissa pas de contribuer de tout son possible au bien de l'ordre; car trois religieux de la province de Touraine s'étant adressés à lui pour commencer une nouvelle réforme, non-seulement il leur accorda les permissions nécessaires pour cela, mais encore il ordonna à Jean Philippe, provincial de Touraine, de leur donner le couvent de Mirebeau en Poitou; ces réformes y acquirent une si grande réputation qu'en peu de temps ils eurent onze couvents en France: cette observance s'étendit aussi en Espagne, en Portugal, en Allemagne et même en Orient.

mourir; mais il ne voulut point monter les chevaux, ni se servir des voitures qu'on lui avait amenées. Quoiqu'il fût aveugle, et qu'il eût plus de quatre-vingts ans, il se contenta de son bâton pour s'appuyer, et de son compagnon pour lui servir de guide. Il arriva à Foligni le 17 septembre 1389, et alla loger au couvent de Saint-François, qui appartenait aux Conventuels, où il ne songea qu'à se préparer à la mort. Il voulut néanmoins encore visiter le tombeau de saint François à Assise; et ce fut à son retour de ce voyage qu'il fut attaqué de la maladie dont il mouru l'an 1390.

Après la mort du bienheureux Paulet, Jean de Stronconio fut chargé de la conduite de l'Observance en Italie, et en fut fait commissaire général l'an 1405, par le général Antoine de Pireto. Grégoire XII l'augmenta par les couvents qu'il lui donna à Pistoie, à Ascoli, à Foligni, à Nocera, et proche Florence; et Jean de Stronconio envoya des religieux à Naples pour y faire des établissements. Les généraux et les provinciaux contribuaient volontiers à l'agrandissement de la réforme : c'est pourquoi ils accordèrent à Jean de Stronconio la permission de tenir des chapitres particuliers, d'y élire des vicaires généraux et provinciaux, de faire. des règlements pour le maintien de l'Observance, et de recevoir des religieux, soit qu'ils sortissent de chez les Conventuels pour embrasser la réforme, ou qu'ils quittassent immédiatement le monde.

Les Observants de France ne jouissaient pas d'une si grande tranquillité. Le provincial de la Touraine, qui succéda à Jean Philippe, leur ôta les couvents que celui-ci leur avait donnés par ordre du général Ange. Cette mauvaise disposition aurait dès lors empêché le progrès de la réforme en ce royaume, si le général Jean Bardolin, qui, ayant succédé au Père Ange, était reconnu par les Français, ne leur eût fait rendre ces Couvents par l'autorité de Benoît XIII (qui était aussi reconnu en France pour pape légitime), leur donnant en même temps pour commissaire Thomas de la Cour; mais lorsque l'Observance se fut étendue dans les provinces de France et de Bourgogne, les provinciaux s'opposèrent aux exemptions que les Observants avaient reçues de l'antipape Benoît et des deux antigénéraux, Ange et

Pendant que celle-ci s'établissait en France, celle du frère Paulet continuait toujours à faire de grands progrès en Italie, où ce zélé réformateur obtint, l'an 1390, trois couvents dans la province de la Marche, avec pouvoir de les gouverner avec la même autorité que s'il eût été provincial. Il en eut encore un autre proche Fabriano, et ayant envoyé Jean de Stronconio et frère Ange de Mont-Léon prêcher en Toscane, ils y firent un si grand fruit par la ferveur de leurs prédications et par la sainteté de leur vie, que cela leur donna moyen de s'établir premiè rement à Fiesoli, où ils bâtirent un couvent, et ensuite à Cortone, à Colombare et à Saint-Jean. Antoine de Pireto, légitime général, qui Processe, où il y avait des couvents de l'ordre qui leur furent donnés par le provincial de cette province. Ce fut cette même année que frère Paulet mourut à Foligni. Demeurant l'année précédente à Bruliano, il y avait perdu la vue; il supporta cette affliction avec une patience admirable, et en profita pour faire ses oraisons avec moins de disiraction. Ses parents et les principaux de Foligni souhaitaient avec passion qu'il finit ses jours dans sa patrie, afin qu'ils eussent l'avantage de posséder ses précieuses reliques. Ils lui envoyèrent des députés pour le supplier d'y venir; il y consentit facilement, parce que Dieu lui avait révélé qu'il devait bientôt

d'ailleurs favorisait les réformés, appréhendant que ces exemptions n'augmentassent le schisme dans l'ordre, les fit révoquer par le pape Alexandre V, qui de plus soumit les réformés à la juridiction des provinciaux, leur défendant de recevoir des novices sans leur permission, ni de changer la forme de leur habillement; ce qui causa du trouble et de la division: car les provinciaux voulant détruire l'Observance, et les religieux zélés voulant la maintenir, cela ne se put faire sans quelque altération de la paix et de l'union. Jean XXIII, en ayant eu connais sance, donna aux Observants un vicaire provincial; mais les provinciaux le firent

sion qu'il avait envie d'y remédier, Gt assemtier, à la sollicitation de saint Jean Capistran, le premier chapitre generalissime de l'ordre à Assise, l'an 1430, dans le dessein de procurer à l'ordre une parfaite union, et d'y etablir une méme observance : les commencements en furent si beureux, que l'on se flattait de voir l'exécution da projet de ce poplife; car tous les Convertae's consent rent à recevo.r

encore révoquer, et suspendre les réformés de la pret talkin. Enfa le concile de ConsLence ayant ele convoqué par le mène pace pour meure fin au schisme qui divisait l'Ese, et l'ouverture en ayant ee faite l'an 1.1k, les Observants et les Conventuels y porteret leurs differends, qui furent decides en faveur des Observants, auxquels le concile accorda, dans la neuviene session, qui se uut le 13 mai de l'an 1115, que les mai-les Constitutions qui avaient été dressées par sens qu'ils avaient dans les provinces de France, de Bourgogne et de Touraine leur demeureraient, qu'ils auraient des supérieurs particuliers; que dans chacune de ces provinces il y aurait un vicaire provincial, soumis à un vicaire general, dont le concile se réserva la nomination du premier, qui fut Nicolas Rodolphe ; qu'ils pourraient faire des règlements pour le maintien de leur reforme, et qu'ils pourraien tenir des chapitres généraux. Ainsi les Observants en France eurent les premiers un vicaire gé, éral; et le nom d'Observance fut confirmé à la réforme dans le même concile. Its assemblerent l'année suivante leur premier chapitre général dans le couvent de Bercore, où Nicolas Rodolphe présida, comme vicaire général en France; l'on y fit plusieurs réglements nécessaires pour lire forme; et Rodolphe étant mort l'an 1419, ils lui donnèrent pour successeur Thomas de la Cour, qui avait été leur premier commissaire, el que le pape Alexandre V, avait deposé, lorsqu'il les soumit aux provinciaux.

Les Conventuels, qui souffraient avec peine les décisions du concile en faveur de la réforme, et qui ne la laissaient tranquille que parce qu'ils appréhendaient de ne pas réussir dans leurs entreprises, renouvelèrent leurs poursuites contre elle quelques années après les décisions de ce même concile, sous prétexte que le pape Martin V avait annulé tout ce qui avait été fait; mais ce pontife, qui était aussi convaincu de la malice et de la jolousie des Conventuels, qu'il l'était de la simplicité et de la droiture des réformés, ayant été averti de ce qui se passait, bien loin de casser le décret du concile qui avait favorisé ceux-ci, le confirma au contraire par une bulle de l'an 1420. Cette confirmation, mettant la réforme à couvert des poursuites de ses adversaires, lui donna lieu de faire de nouveaux progrès tant en France qu'en Italie, où elle obtint la même année le Mont Alverne, si célèbre par le miracle qui s'y fit en la personne de saint François, lorsqu'il y reçut les stigmates, de même qu'elle avait obtenu dès l'an 1415 la maison de NotreDame-des-Anges, autrement dit de la Por. tioncule, où l'ordre avait pris naissance.

saint Jean Capisiran, par ordre du cardinal de Cervantes, qui pres.dait au chapitre de la part du pape, lesquelles Constitutions retranchaient tous les abus qui avaient été introduits dans l'ordre, et étaient conformes à la regle, se on les explications de Nicolas III et de Clément V, et promirent tous de les garder exactement, s'y engageant même pir serment; et les Observants, de leur côte, renoncèrent aux vicaires généraux qu'ils avaient eus jusqu'alors, se soumettant en tout à l'obeissance du général. Mais le chapitre n'était pas encore fini, que les Conven tuels ayant examiné attentivement ces Constitutions auxquelles ils s'étaient engagés, se repentirent de les avoir acceptées si aisement, et prièrent le cardinal de les relever de leur serment, ce qu'il leur accorda; et non-seulement le general demanda aussi d'étre relevé de son serment, mais pour assurer la conscience de ses religieux, il obtint de ce pontife une bulle qui leur permettait de posseder des biens meubles et immeubles, de recevoir des legs, d'avoir des rentes et des procureurs pour faire valoir leurs biens et toucher leurs revenus. Ainsi cette réunion ne se fil pas; au contraire, les Conventuels, profitant de la mort du pape, qui arriva l'année suivante, recommencèrent à persécuter les Observants, qu'ils chassèrent du MontAlverne, dont ils les avaient laissés paisibles possesseurs pendant la vie de ce pontife (parce que c'était lui qui le leur avail procuré), et afin que l'on ne rendit plus à l'Observance un lieu si saint et si célèbre, ils obtinrent d'Eugène IV, successeur de Martin V, que cette affaire serait commise au cardinal des Ursins, protecteur de l'ordre, duquel ils espéraient une décision favorable pour eux; mais ce prélat, après avoir écoute les deux partis, ordonna au général Guillaume de Casal, l'an 1431, qu'il eût à rendre sans délai le Mont-Alverne aux Observan's, que le pape init aussi en possession vers l'an 1434 des saints lieux de la Palestine qui avaient eté honorés de la présence de Jésus-Christ et arrosés de son précieux sang.

Les religieux qui aimaient l'Observance, ne pouvant souffrir les mauvaises manières des Conventuels à leur égard, non plus que les adoucissements qu'ils avaient obtenus de Martin V contre l'esprit de la règle, s'adressèrent à Eugène IV, qui, comme nous l'a

Ces progrès augmentèrent encore la jalousie des Conventuels, qui, fâchés de perdre leurs maisons et ce qu'il y avait de plus saint et de plus respectable dans l'ordre, et ne pouvant souffrir que les réformés fussent quasi sous-vons déjà dit, lui succeda au souverain po.traits de leur juridiction par le moyen de leurs vicaires généraux, se déclarèrent encore plus ouvertement contre l'Observance, et conçurent plus d'éloignement pour elle. Le pape, qui avait autant de chagrin de voir cette divi

tificat, le priant qu'il voulût bien les mettre à couvert de leur jalousie et de leurs entreprises; ce qu'il leur accorda, en leur permettant de tenir un chapitre séparément des Conventuels, afin d'y élire des vicaires įro

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