Imágenes de páginas
PDF
EPUB

vinrent un ordre religieux sous le nom de Frères du Pont, et on les nommait aussi pontifes, à cause de la fabrique des ponts qu'ils entreprenaient. Les supérieurs des maisons prenaient indifféremment le titre de prieurs ou de commandeurs, et les religieux n'étaient point dans les ordres sacrés. Leur premier établissement fut dans un endroit des plus dangereux, que pour cette raison on appelait Mauvais-Pas, ou Maupas, sur la Durance, dans l'évêché de Cavaillon. Ces religieux étant établis en ce lieu, travaillèrent aussitôt à rendre le passage libre par le moyen de leur bac, et par la retraite qu'ils donnèrent aux pauvres passants, et dans la suite ce lieu ne fut plus appelé Maupas, mais Bonpas. Saint Bénézet, qu'on nommait ainsi, comme qui dirait petit Benoît, à cause de sa petite taille, ainsi que nous l'avons dit ci-dessus, était religieux de cette maison, et même commandeur ou supérieur, lorsque, inspiré de Dieu, il alla à Avignon, dans la pensée de faire sur le Rhône un établissement pareil à celui de Bonpas. Il y arriva le 13 septembre 1176, dans le temps que l'évêque Ponce prêchait dans sa cathédrale pour rassurer le peuple effrayé d'une éclipse de soleil qui avait paru ce jour-là; il entra hardiment dans l'église, et s'étant fait jour au milieu de l'assemblée, il annonça à haute voix le sujet de sa mission. La vénération que son grand âge Ini attirait (car il était obligé de se soutenir sur un bâton) fit que le menu peuple entra d'abord dans son sentiment; mais il n'en fut pas de même des personnes les plus considérables de la ville, qui le regardèrent comme un visionnaire, d'autant plus que la largeur du Rhône et la rapidité de ses eaux leur faisaient croire qu'il était impossible d'y bâtir un pont. Cependant, comme la construction des ponts était la dévotion à la mode (c'est toujours l'auteur qui parle), cela fit que le peuple se porta à seconder le dessein de saint Bénézet; et comme la ville d'Avignon était pour lors en république, et que le menu peuple avait plus de voix dans le conseil, la construction du pont fut conclue. On fit avec beaucoup de diligence les préparatifs nécessaires pour commencer cet édifice; le public et les particuliers y contribuèrent par leurs libéralités, et lorsqu'on eut vu l'adresse avec laquelle saint Bénézet et ses religieux firent couler dans l'eau la première pierre qui devait servir de fondement à la première pile du pont, chacun cria miracle, et dans cette surprise, on proclama saint le religieux Bénézet. L'on fit alors une quête pour les frais de l'édifice, et l'on amassa sur-le-champ une somme con. sidérable, parce que tous ceux qui étaient présents regardaient comme autant de prodiges tout ce qui avait été fait jusqu'alors.

C'est sur ce récit, que l'auteur nous donne pour véritable, quoique contraire en quelques faits aux actes authentiques qui furent dressés immédiatement après la mort de saint Bénézel et qui sont conservés dans les archives d'Avignon, qu'il prétend que ces mêmes actes n'étaient que des déclamations

que l'on donnait à faire à de jeunes moines qui ont parlé de ces faits dans des sens figurés et hyperboliques. Le titre de pasteur qu'on y a donné, dit-il, à saint Benézet, est par rapport à sa qualité de prieur de la maison de Bonpas, qu'il gouvernait et qu'il quitta. L'âge de douze ans que l'on donne à ce prétendu berger est le temps de sa supériorité, et la pierre que trente hommes ne pouvaient soulever, et que le saint porta avec beaucoup de facilité, fait seulement allusion à l'adresse avec laquelle saint Bénézet et ses religieux firent couler cette pierre dans l'eau, pour servir de fondement à la première pile du pont.

Après avoir ensuite rapporté ce qui se passa à la mort de ce saint et les miracles qui se firent à son tombeau, et qui attiraient de toutes parts un grand nombre de personnes, il continue à décrire l'histoire des religieux Pontifes. Le pont d'Avignon, dit-il, étant achevé, le succès de ce grand travail convia les frères hospitaliers de la maison de Bonpas d'entreprendre encore la construction d'un pont sur la Durance, ce qui manquait à leur établissement. Le pape Clément III approuva leur dessein et les en félicita par une bulle qu'il leur adressa l'an 1189, les confirmant dans la possession de tous les biens qui leur avaient été donnés, et les mettant sous la protection du saintsiége. Cet ordre était dans toute sa splendeur au commencement du XIe siècle. Guillaume IV, comte de Forcalquier, l'an 1202, et Raymond III, dit le Vieux, comte de Toulouse et du Vénaissin, l'an 1203, accordèrent aux religieux d'Avignon toutes sortes de franchises dans l'étendue de leurs Etats, leur Grent don du droit de passage qu'ils avaient sur le Rhône, et les prirent sous leur protection; la donation du comte de Toulouse fut confirmée par Raymond le Jeune, son fils, l'an 1237. Ils étaient déjà aussi sous la protection des évêques dans les diocèses desquels ils avaient des maisons. C'était à eux qu'ils avaient recours lorsqu'ils étaient troublés dans les fonctions de leur institut, comme firent ceux de Bonpas, l'an 1241, en s'adressant à l'archevêque d'Arles, comme au métropolitain, pour être conservés dans la liberté de donner passage aux pauvres voyageurs, sur un bac qu'ils avaient fait faire pendant que leur pont était occupé par les troupes du comte de Toulouse.

L'utilité que l'on retirait des ponts d'Avignon et de Bonpas, et la réputation qu'ils avaient acquise à cause des charitables fonctions qui s'y exerçaient, et des merveilles que Dieu opérait par l'intercession de saint Bénézet, portèrent les habitants de Saint-Saturnin du Port (présentement le Pont-SaintEsprit) sur le Rhône, d'en établir un semblable. Tout le domaine de ce lieu apparienait à un prieuré de l'ordre de Cluny. Les moines de ce prieuré y donnèrent les mains. Ils voulurent même poser la première pierre du pont, et elle fut en effet posée le 12 septembre de l'an 1265, par Jean de Thyanges, leur prieur. L'on donna à ce pont le nom du

Saint-Esprit, L'on fut trente ans à y travailler; et enfin il fut mis en l'état où il est encore à présent, ayant vingt-deux arches, qui lui donnent une étendue de douze cents pas de longueur sur quinze de largeur; et il y a à chaque pile une fenêtre pour donner plus de facilité à ce fleuve rapide de passer quand les eaux sont fortes.

L'estime qu'on avait pour les religieux Pontifes leur fit acquérir de grandes richesses par le moyen des donations qu'on leur offrait, et qu'ils acceptaient; et ce furent ces mêmes richesses qui leur firent perdre l'es prit de leur institut. Ceux de Bonpas furent les premiers qui tombèrent dans le relâchement. Ils voulurent s'unir aux Templiers en l'an 1277: ils avaient donné procuration à l'un d'eux pour aller à Rome poursuivre cette union: mais Girard, évêque de CaVaillon, quoiqu'il y eût donné son consentement, sollicita, l'an 1278, le pape Nicolas III dedonner l'hôpital de Bonpas aux hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalein, qui sont aujourd'hui les chevaliers de Malte, afin que du moins l'hospitalité y fûttoujours continuée. Les frères du Pont ayant su ce que l'évêque de Cavaillon avait fait, donnèrent eux-mêmes leur maison aux hospitaliers de saint-Jean-de Jérusalem, et passèrent dans leur ordre.

Lorsque l'on bâtit le Pont-du-Saint-Esprit, on y établit aussi un hôpital qui devint célèbre. Les habitants de ce lieu en avaient la direction et y remplissaient, quoique sécaliers, les mêmes fonctions que les religieux Pontifes exerçaient à Avignon. Ceuxci étant devenus peu utiles au public par leur relâchement, le pape Jean XXII, l'an 1321, unit leur maison d'Avignon à l'église collégiale de Saint-Agricol de la même ville. Il ne restait plus que des frères Pontifes du Pont-Saint-Esprit, qui, dégoûtés de leur état laïcal, se firent ordonner prêtres; et comme ils étaient les seuls de la province qui se pouvaient faire honneur d'avoir eu saint Bénézet pour religieux de leur ordre, ils publièrent que leur maison et le Pont-du-SaintEsprit avaient été fondés par ce saint d'une manière aussi miraculeuse que l'on disait que le pont d'Avignon avait été construit; c'est ce que l'on remarque (continue cet auleur) dans une bulle de Nicolas IV, de l'an 1448, donnée en faveur de ces religieux, où ce pontife dit que le jeune berger Bénézet commença cet ouvrage par la grâce du SaintEsprit et par les aumônes des fidèles : Pastorque ipse, Spiritus sancti gratia, et fidelium eleemosynis fretus, pontem in loco indicato hujusmodi inchoavit. Ce même pontife, à la prière de Charles VII, roi de France, et d'Alain Coëlivi, évêque d'Avignon, prieur commendataire de Saint-Saturnin du Port, confirma à ces religieux toutes les grâces qu'ils avaient déjà obtenues du saint-siége; avec leurs statuts, leurs règlements, leurs priviléges, et généralement tous les biens qu'ils possédaient; et ensuite il leur donna l'habit blanc pour les distinguer des autres religieux. Cet habit, qui marquait la régularité, n'y retiat pas pour cela ces religieux; mais ils pas

sèrent à l'état séculier; et pour s'y distinguer des autres corps ecclésiastiques, ils retinrent leur habit de religion pour marquer la profession d'hospitaliers qu'ils ont conservée. Cette sécularisation était déjà faite, et même affermie l'an 1519, comme l'on voit par une bulle de Léon X, de la même année, où ce pape parle d'eux comme d'ecclésiastiques séculiers. Ils sont encore nommés les Prétres Blancs, et ce sont les seuls restes de l'institut des religieux Pontifes ou Faiseurs de ponts. Ils forment comme une espèce de collégiale sous la juridiction du prélat diocésain, qui est l'évêque d'Uzès.

Voilà en abrégé de quelle manière l'auteur de la Nouvelle Histoire de saint Bénézet rapporte le commencement et la fin de l'ordre des religieux Pontifes ou Faiseurs de ponts; mais il y a bien de l'apparence que cet ordre est le même que celui des Hospitaliers de Saint-Jacques-du-Haut- Pas, dont nous avons parlé en son lieu, et qui devait avoir plusieurs maisons en France, puisque, outre le grand maître général de l'ordre, qui faisait sa résidence en Italie, et dont même il y en eut un qui mourut à Paris l'an 1403, il y avait encore un commandeur général pour la France. L'on n'aura pas de peine à se persuader que ce n'était qu'un même ordre, si l'on considère que la fin de l'institut des hospitaliers de Saint-Jacques-du-Haut-Pas était aussi de donner main-forte aux voyageurs et d'établir des bacs pour leur faciliter le passage des rivières, et que le premier établissement se fit sur la rivière d'Arno, an diocèse de Lucques, en Italie, en un endroit dangereux appelé le Haut-Pas, ce qui a beaucoup de conformité à ce premier établissement des hospitaliers Pontifes, qui, selon cet auteur, se fit dans un passage qui n'était pas moins dangereux sur la Durance, appelé Mau-Pas, et qu'on a peut-être ainsi appelé par corruption, au lieu de Haut-Pas. Il est vrai que les Hospitaliers de Saint-Jacquesdu-Haut-Pas qui furent établis à Paris n'avaient pas soin d'entretenir des bacs pour passer les pauvres pèlerins sur la rivière de Seine. Ils étaient éloignés de la rivière, puisqu'ils furent établis au milieu du faubourg Saint-Jacques; mais comme la fin de leur institut était aussi de loger les pèlerins, ce fut pour cette raison que Philippe le Bel, roi de France, leur fonda cet hôpital l'an 1286.

L'auteur de l'Histoire de saint Bénézet dit, à la page 25, que les hospitaliers Pontifes, comme gens beaucoup expérimentés dans la construction des pouts, avaient eu la direction des ouvriers de celui d'Avignon cela présuppose qu'ils avaient déjà bâti des ponts, et qu'ils avaient donné des preuves de leur habileté cependant le pont d'Avignon fut le premier qu'ils entreprirent l'an 1177, et ce ne fut que la réussite de cet ouvrage qui leur fit naître le dessein d'en bâtir aussi un sur la Durance, l'an 1189. N'a-t-on pas sujet de croire que le peuple donna le nom de Frères du Pont, ou de Pontifes aux hospitaliers de Saint-Jacques-du-Haut-Pas, lorsqu'ils furent établis dans l'hôpital d'Avignon, qu'on

nowme l'hôpital du Pont, et après que plusieurs princes et quelques particuliers leur eurent cédé les droits de péage qui leur appartenaient sur le Rhône? Ces hospitaliers ayant ensuite reçu ces mêmes droits de ceux qui passaient sur le pont d'Avignon, dont ils exemptaient les pauvres, qu'ils logeaient aussi dans leur hôpital, on a pu les appeler les Frères du Pont; et ceux de Bon-Pas et du Pont-Saint-Esprit ont pu aussi prendre le même nom, après que les ponts de ces deux endroits eurent été bâ is, et que de pareils droits eurent été accordés à leurs hôpitaux. Le peuple a donné souvent à des religieux des noms qui leur sont restés, quoique ces noms n'appartinssent pas à leurs ordres. Ainsi les religieux Jésuates de Saint-Jérôme n'étaient connus à Sienne que sous le nom des Pères de l'Eau-de-Vie gli Padri della aqua vita, parce qu'ils distillaient de l'eau-de-vie dont ils faisaient trafic, sans qu'i's cessassent pour cela d'être de l'ordre des Jésuates. Les religieux hospitaliers de Saint-Jean de Dieu sont appelés en France les Frères de la Charité, en Espagne les Frères de l'Hospitalité, et en Italie les Frères fate ben Fratelli, quoique leur véritable nom soit celui des Hospitaliers de SaintJean de Dieu; et il en est de même de plusieurs ordres à qui le peuple a donné différents noms.

Saint Bénézet n'a donc point été l'instituteur de l'ordre des religieux Pontifes ou des Frères du Pont, comme a prétendu le P. Théophile Raynaud; mais il y a bien de l'apparence que, lorsque les hospitaliers de Saint-Jacques-du-Haut-Pas furent introduits dans l'hôpital du Pont à Avignon, il entra dans leur ordre, et qu'il en était procureur et tenait lieu de supérieur à ces religieux l'an 1180, lorsqu'on certain Bertrand de la Garde leur vendit le droit qu'il avait dans le port d'Avignon Profitetur se vendere, et venditionis titulo tradere operi pontis Rhodani, et fratri Benedicto procuratori, cæterisque Pontis fratribus, jus omne suum in portu, vel in Caudelo portus. Les miracles que ce saint opérait tous les jours, et l'entreprise qu'il avait faite du pont d'Avignon par inspiration divine, le firent sans doute choisir pour supérieur par les religieux hospitaliers, sans avoir égard à sa jeunesse, puisqu'il ne pouvait avoir alors que dix-sept ans, quoi qu'en dise l'auteur de son Histoire, qui prétend que lorsque ce saint vint à Avignon, il était déjà si accablé de vieillesse, qu'il était obligé de se soutenir sur un bâton. Cet auteur veut être cru en cela sur sa parole, car il n'apporte aucune autorité ni aucun témoignage pour prouver ce grand âge de saint Bénézet, et qu'il n'a point été berger. Ces acles authentiques, où il est specialement marqué qu'il était encore enfant et qu'il gardait les rebis de sa mère : Quidam puer Benedictus nomine, ores matris suæ regebat in pascuis, ne sont, selon lui, que des déclamations que l'on donnait à faire à de jeunes moines qui, par des figures hyperboliques, out voulu dire qu'il était supérieur des hos

pitaliers Pontifes de la maison de Bonpas, et l'âge de douze ans qu'on lui a donné marque les douze années de sa supériorité dans cette maison avant que de venir à Avignon. Ce serait une figure de rhétorique toute nouvelle, si un orateur, pour embellir son discours et faire connaître à ses auditeurs qu'une personne avait été supérieur d'un monastère, disait que c'était un enfant qui faisait paître les brebis de sa mère, et que, pour marquer qu'il avait été supérieur pendant douze ans, il disait qu'il n'était âgé que de douze ans. Je laisse au lecteur sage el prudent à porter son jugement sur le raisonnement de cet auteur.

Il ne s'accorde pas même en plusieurs endroits, et entre autres il dit à la page 18 que le zèle que saint Bénézet avait de remplir les devoirs de sa profession lui fit naître la pensée de faire à Avignon, sur le bord du Rhône, un établissement semblable à celui de Bonpas; qu'ayant formé ce dessein et se reposant de la réussite, à cause de son importance, sur la providence divine, il alla à Avignon, et entra dans cette ville dans le temps que l'évêque Ponce prêchait; que, comme ce saint religieux était très-ardent pour procurer l'avancement de son institut, il entra hardiment dans l'église et y annonça à haute voix le sujet de sa venue; que le peuple l'écouta avec beaucoup d'attention et donnait dans son sentiment; mais que les personnes les plus considérables le traitèrent de visionnaire, regardant comme impossible de faire un pont sur le Rhône, à cause de la largeur de ce fleuve et de la rapidité de ses caux. Or, si ces hospitaliers de Bonpas n'avaient point de pont, et qu'ils n'en bâtirent un sur la Durance que l'an 1189, après que celui d'Avignon eut été achevé, comme cet auteur le dit à la page 55, et s'ils n'avaient auparavant qu'un bac à Bonpas, il n'y avait pas d'apparence que saint Bénézet ait proposé d'abord aux Avignonais de faire bâtir un pont, puisque son intention était de faire dans leur ville un établissement pareil à celui de Bonpas. Il fait en effet (selon cet auteur) la proposition de cet établissement, et les grandes difficultés qu'on y trouve et qui le font regarder comme visionnaire, c'est parce que l'on croyait qu'il était impossible de faire un pont sur le Rhône. L'auteur devait donc parler de ce pont avant que de faire remarquer les difficultés que l'ou forma sur sa construction, et c'est néanmoins ce qu'il ne dit point, se contentant de faire proposer par saint Bénézet un établissement pareil à celui de Bonpas où les religieux n'avaient qu'un bac, el qui n'y bâtirent un pont que douze ans, ou environ, après celui d'Avignon. Il faut donc mieux s'en tenir à l'ancienne tradition du pays et aux actes authentiques, qui disent que saint Bénézet était un jeune berger, à qui Dieu commanda d'aller à Avignon pour y bâtir un pont sur le Rhône.

Il ajoute que le P. Théophile Raynaud s'est trompé, en donnant à ce saint le nor de Jean Benoit, et qu'il le confond avec un

autre Jean Benoit, prieur des religieux Pontifes d'Avignon, qui lui succéda dans le gouvernement de leur maison. En cela il a raison; car le P. Théophile Raynaud a cru avoir trouvé le véritable nom de saint Bénézet dans un acte de l'an 1187, qu'il rapporte, par lequel les chanoines de la cathédrale d'Avignon, du consentement de l'évêque, accordèrent à ce frère Jean Benoit prieur, et aux autres religieux Pontifes, la permission d'avoir une église, un cimetière et un chapelain In nomine Jesu Christi, anno ab Incarnatione ejusdem 1187, mense Augusto, hac præsenti pagina ad perennem rei memoriam præsentibus et posteris notum fiat, qualiter Dominus G. Avenionensis Ecclesiæ præpositus et ejusdem Ecclesia conventus, et ex altera parte Joannes Benedictus tunc temporis domus operis Pontis prior et fratres inibi constitutis coram Domino Rostagne Ecclesia Avenionensis episcopo, amiabiliter inter se convenerunt, ut liceret Ecclesiam et cameterium habere fratribus Pontis, itemque capellanum habere. C'est aussi sans doute cet acte qui lui a fait reculer la mort de saint Bénézet jusqu'à cette année 1187; cependant l'opinion la plus commune est qu'il était mort dès l'an 1184, et l'auteur de la Nouvelle Histoire de ce saint fait remarquer que si le P. Théophile Raynaud avait examiné cet acte, il y aurait trouvé qu'il y est parlé de saint Bénézet, et qu'en parlant de lui, on ajoute de pieuse mémoire, ce qui fait connaltre qu'il était certainement décédé.

Voyez Théophili Raynaldi Opera, tom. VIII, pag. 148. Bolland, Act. SS., tom. II, Aprilis die 14, pag. 255. Mange Agricol, Hist. de saint Bénézet et de l'ordre des religieux Pontifes, et Baillet, Vies des SS., 14 avril. PONTIGNI.

[blocks in formation]

Louis de France, duc d'Orléans, pair de France, comte de Valentinois, d'Ast et de Blois, second fils du roi Charles V et de Jeanne de Bourbon, ayant épousé, l'an 1389, Valentine, fille de Jean Galéas, duc de Milan, il en eut un prince, l'an 1394, qui reçut au baptême le nom de Charles. Le duc d'Orléans, pour rendre les cérémonies de ce baptême plus augustes, institua l'ordre du Porc-Epic, qui devait être composé de vingtcinq chevaliers, y compris ce prince, qui en était le chef. Ces chevaliers devaient être nobles de quatre races. Leur habillement consistait en un manteau de velours violet, le chaperon et le mantelet d'hermine, et une chaine d'or au bout de laquelle pendait sur l'estomac un porc-épic de même, avec celle devise: Cominus et eminus (1). Cet ordre fut aussi appelé du Camail, parce que le duc d'Orléans donnait avec le collier une bague d'or garnie d'un camaïeu ou pierre d'agate, (1) Voy., à la fin du vol., no 38.

sur laquelle était gravée la figure d'un porcépic. L'on prétend qu'il prit cet animal pour emblême de son ordre, afin de montrer à Jean, duc de Bourgogne, son ennemi, qu'il ne manquait ni de courage, ni d'armes pour se défendre, le porc-épic étant un animal si bien armé, que de près il pique avec ses pointes, et de loin il les lance contre les chiens qui le poursuivent.

L'autorité que le duc d'Orléans avait dans le royaume l'avait rendu si puissant, qu'elle donnait de la jalousie au duc de Bourgogne, qui avait part aussi bien que lui au gouvernement. Comme ils avaient tous deux un parti considérable, la mésintelligence de ces deux princes causait des divisions continuelles; mais enfin, l'an 1405, le roi de Navarre et le duc de Bourbon les réconcilièrent ensemble. Juvénal des Ursins dit que le duc de Bourgogne fit serment sur le corps de JésusChrist d'être vrai et loyal parent du duc d'Orléans, prompt d'être son frère d'armes, et qu'il portait son ordre. Ces deux princes entreprirent, l'année suivante, de chasser de France les Anglais. Le premier les attaqua en Guienne, et l'autre par Calais; mais le duc d'Orléans perdit son temps et sa réputation devant Blaye, et le duc de Bourgogne, après de grandes dépenses, n'osa approcher de Calais. Ce dernier ayant conçu encore un nouveau dépit contre le duc d'Orléans, qu'il accusait d'avoir fait échouer son entreprise, en empêchant adroitement les levées de l'argent qui lui avait été accordé pour ses troupes, forma le dessein de faire assassiner ce prince ce qu'il exécuta la nuit du 23 au 24 novembre 1407, s'étant servi, pour une si noire action, d'un gentilhomme normand, nommé Raoul d'Ocquetonville, qui attendit le duc d'Orléans dans la rue Barbette, comme il revenait de l'hôtel de Saint-Paul, où il étail allé rendre visite à la reine, qui était en couche.

Après la mort du duc de Bourgogne, qui fat aussi assassiné sur le pont de MontereauFault-Yonne, l'an 1419, par Tanneguy du Châtel, qui avait servi le duc d'Orléans, Philippe II, duc de Bourgogne, ayant succédé aux Etats de son père, ces deux maisons d'Orléans et de Bourgogne se réconcilièrent; mais ce ne fut que l'an 1440. Ce qui donna lieu à cette réconciliation fut la liberté que le duc de Bourgogne procura à Charles, duc d'Orléans, qui était depuis vingt-cinq aus prisonnier en Angleterre, et qui épousa à son retour Marie de Clèves, nièce du duc de Bourgogne. Ce dernier avait institué l'ordre de la Toison d'or, dont il donna le collier au due d'Orléans, et, réciproquement, le duc d'Orléans donna au duc de Bourgogne le collier de l'ordre du Porc-Epic ou du Camail. Cet ordre subsista encore longtemps en France: car le roi Charles VIII étant mort sans enfants, et Louis XII lui ayant succédé l'an 1498, il fit de nouveaux chevaliers de l'ordre du Porc-Epic, qui n'est néanmoins nommé que du Camail dans les lettres

qu'il fit expédier à Michel Gaillart et à son fils, qui étaient du nombre de ces chevaliers. Voici les lettres de ce prince :

Loys, etc., à tous présent et avenir. Comme nous desirons à notre pouvoir ensuir le bon zele de nos progeniteurs et predecesseurs roys de France et ducs d'Orleans, et en ce faisant premier et remunerer les bons persages et loyaulx serviteurs qui journellement s'appliquent et mettent leur estude en bonnes ouvres et à nous faire service, ainsi que par bonne experience ils ont toûjours demontré à nosdils progeniteurs et predecesseurs et les eslever en honneurs, authoritez et prerogatives selon leurs vertus et merites qui sont les choses qui principalement font entretenir les roys et princes chrétiens en bonne amour, crainte et obeir de leurs vassaux et sujets, scavoir faisons, que nous ces choses considerées et les tres grands, louables, vertueux et recommandables services que notre amé et feal conseiller Michel Gaillart l'ainé chevalier a par cy devant des long-tems faits à nosdits progeniteurs et predecesseurs et à nous en nos grands et principaulx affaires, ou il s'est toujours tres vertheusement et en grande sollicitude et en peine et travail employé et aquité, fait et continue chaque jour, et esperons que plus face au tems avenir et pareillement notre amé et feal aussi chevalier Michel Gaillart son fils qui, à l'imitation de son dit pere et en ensuivant ses gestes, s'efforce journellement aussi à nous faire service, à iceux Michel Gaillart laisné et Michel Gaillart le jeune avons de notre certaine science et propre mouvement et par grace especial, donné et octroyé, donnons et octroyons par ces presentes et à chacun d'iceux, l'ordre du Camail qui est l'ordre ancien de nosd. progeniteurs et predecesseurs ducs d'Orleans, avec faculté d'icelui porter et eux en decorer et parer en tous lieux, toutes fois et quantes que il leur plaira et joyr des honneurs, authorites, prerogatives et preheminences, dont joyssent et ont accoutumé joyr les chevaliers dudit ordre et qui y peuvent et doivent compeler et appartenir. Si donnons en mandement par ces memes presentes à notre amé

après son établissement. Schoonebeck, qui est de ce nombre, se contredit lui-même, puisqu'après avoir dit qu'il n'eut pas le suc cès que le duc d'Orléans s'en était promis, ayant été éteint presque aussitôt qu'il fut institué, il ajoute que Louis XI, l'an 1430, fit tout ce qu'il put pour le maintenir, ayant donné aux chevaliers des instituts et des règles pour la conduite de leur vie, par lesquelles il leur était ordonné de défendre 'Etat et la religion du royaume, et de promettre obéissance au souverain. Il n'est pas vrai que Louis XI ait conféré cet ordre, qui était l'ordre des ducs d'Orléans, comme il paraît par les lettres de Louis XII que nous avons rapportées; ce prince, comme fils de Charles, duc d'Orléans, l'ayant conféré à son avènement à la couronne de France, et il fut ensuite aboli. Pierre de Belloy s'est aussi trompé, lorsqu'il attribue l'institution de cet ordre à Charles d'Orléans, puisqu'il est certain que ce fut son père Louis, duc d'Orléans. Cet ordre se donnait quelquefois à des femmes car dans une création de chevaliers du 8 mars 1438, le duc d'Orléans le donna à mademoiselle de Murat et à la femme du sieur Potron de Saintrailles.

Favin, Théâtre d'honneur et de chevalerie. Le P. Anselme, Le Palais de l'honneur. Bernard Giustiniani, Hist. di tutti gli ordin, militari, Belloy, Origine des ordres de chevalerie. Herman et Schoonebeck, dans leurs Histoires des ordres militaires; et différents manuscrits.

PORTE-ANGÉLIQUE (ERMITES DE LA). Voy. JEAN-BAPTISTE (Ermiles de Saint-).

[blocks in formation]

Voy. TEUTONIQUE,

PORT-ROYAL (REFORME DE).

Citeaux, et institut du Saint-Sacrement.

et feal chancelier et à tous nos autres justi- Des religieuses de Port-Royal de l'ordre de ciers et officiers et à chacun d'eux, si comme à lui appartiendra que de nos presens don el octroy, ils facent, souffrent et laissent lesdits Michel Gaillart laisné et le jeune chevalier, joyr, user, ensemble desdits droits, honneurs, authoritez, preheminences et prerogatives, doresnavant, plainement et paisiblement, tout ainsi et par la forme et maniere que dessus est dit. Car tel est nostre plaisir, et afin que ce soit chose ferme et stable à toujours, nous avons fait mettre notre scel à cesdites presentes; sauf en toutes autres choses, notre droit et l'autruy en loutes. Donné à Bloys au mois de mars l'an de grace 1498, et de notre regne le premier. Ainsi signé, par le roy Cotereau, visa contentor, B. Budè.

Ces Lettres de Louis XII prouvent que cet ordre du Porc-Epic ou du Camail ne fut point aboli presque aussitôt qu'il fut institué, comme quelques auteurs ont avancé, puisqu'il subsistait encore plus de cent ans

L'abbaye de Port-Royal, proche Chevreuse, au diocèse de Paris, de l'ordre de Cî – teaux et de l'institut do Saint-Sacrement, s'appelait anciennement le Port du Roi ou PortRoi. L'origine de ce nom est fort incertaine : cependant l'ancienne opinion est que Philippe Auguste, roi de France, chassant dans les bois qui sont aux environs de cette abbaye, s'égara, et qu'après avoir fait plusieurs tours sans savoir où il était, il trouva une petite chapelle dédiée à saint Laurent, à laquelle il s'arrêta, se doutant bien que quelques-uns de ses officiers, la voyant, ne manqueraient pas de s'en approcher, dans l'espérance d'y trouver quelqu'un qui put les tirer de l'inquiétude où il présumait que son absence les mettait; ce qui étant arrive comme il se l'était imaginé, il donna à ce lieu le nom de Port Royal ou Port du Rei,

« AnteriorContinuar »