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additionnel, pour éviter des répétitions inu

liles.

En l'assemblée générale de 1711, on fit sentir l'inconvénient de trop de frais pour les assemblées de ce genre, qu'on proposa de ne tenir que tous les neuf ans. On répondit avec raison qu'il faudrait à cette modification des constitutions l'intervention du pape, et on ne changea rien, pas même le nombre trop grand des dépenses qu'on proposait aussi de réduire. Le P. de la Tour était alors général.

En 1717, à la 29e assemblée générale tenue depuis la fondation, le duc d'Orléans, régent, à qui on fit demander un député du roi, répondit qu'il n'en donnerait point, afin de ne pas gêner la liberté de l'assemblée, et qu'il ne nommail pour commissaire que le général de la congrégation (encore le P. de la Tour), lui laissant la latitude de se faire remplacer par qui il voudrait. Le P. de la Tour nomma le P. Patornay, supérieur de la maison Saint-Honoré. Dans cette assemblée on fit d'excellents règlements pour le renouvellement de la discipline et des études.

Je dirai, pour l'intelligence de ce qu'on vient de lire, qu'aux assemblées générales, aux élections des principaux instituts, le gouvernement envoyait, et continua jusqu'à la révolution d'envoyer un homme qui y représentait la personne du roi, et était établi pour veiller au maintien des principes reçus en France. Quelquefois ce commissaire était un laïque, quelquefois un prélat, quelquefois même un religieux. Ainsi, à la 28 assemblée générale de l'Oratoire et à quel ques autres, le P. Le Porcq fut le député du roi tel était le nom qu'on donnait au commissaire dont je parle.

On pourrait peut-être juger de la manière dont la discipline intérieure était gardée par les Oratoriens, d'un point qui occupa en 1720 la 30 assemblée générale. On y fit, avec raison, difficulté d'y admettre le P. Decombe visiteur, mais qui n'avait jamais fait de visites dans les établissements, et on fit pour l'avenir un cas d'exclusion à celui qui en agirait ainsi. Et néanmoins cette assemblée nomma de nouveau visiteur ce même P. Decombe avec le P. de Laborde!

La soumission à la bulle Unigenitus élait censée générale dans le corps de la congrégation, mais en réalité la grande majorité des Oratoriens lui était opposée.

Dès le commencement de ce siècle commencent les luttes entre les Oratoriens et un très-grand nombre d'évêques. Lorsque la peste décima la ville de Marseille, à cette époque malheureuse dont tout le monde a entendu parler, les Oratoriens furent bien loin d'imiter le zèle des autres religieux, et s'attirèrent le mécontentement du célèbre évêque Belzunce, qui n'était déjà pas trop bien disposé pour eux, et qui les priva (en 1729) de tout exercice public de religion. En 1728, Henriau, évêque de Boulogne, eut des discussions avec les Oratoriens, et les interdit; le conseil de la congrégation voulut que ses membres satisfissent l'évêque. Après la mort

de Mgr de Lorraine, les grands vicaires de Bayeux interdirent les Oratoriens de Caen. Languet, évêque de Soissons, obligea tous les Oratoriens de sa ville à lui renvoyer leurs pouvoirs. Par ordre du roi, suspension des conférences au collège de Tours, non soumis à la bulle.

Sur divers points de la France, les Oratoriens ont des discussions et des désagréments avec les évêques : ainsi à Paris, leurs prédicateurs refusent de se présenter à Mgr de Vintimille, pour faire renouveler leurs pouvoirs. La maison de Saint-Magloire était infestée de Pères récalcitrants. Interdiction des PP. Terrasson (frères), Cordier, de Vence, Hultz, Tronchon. Dans le même séminaire, le P. Leroy, assistant et premier directeur, fut destitué, ainsi que le P. Labletterie, théologien pour la scolastique, Tant de disgrâces prouvent bien à quel degré l'esprit d'opposition était déjà monté dans l'Oratoire. Cette congrégation eut du moins d'autre part une petite consolation dans ces circonstances: le roi de Sardaigne, cédant à cette inspiration mauvaise qu'on a vu, depuis un siècle surtout, perdre les rois et les princes, ne voulait plus que l'instruction de la jeunesse fût, dans ses Etats, confiée à des communautés; l'évêque d'Annecy s'intéressa pour les PP. de l'Oratoire et fit leur éloge.

Ce n'était pas seulement de l'opposition à la bulle que l'Oratoire se trouvait coupable; on blâmail ou on accusait plusieurs de ses membres de dispositions communes parmi les jansénistes; ainsi les PP. de l'Oratoire du Forez étaient accusés d'opposition au culte de la sainte Vierge: ils se dirent calom niés. On arrêta, sur le Pont-Neuf à Paris, un Oratorien de province, qui avait participé aux scènes scandaleuses données sur le tombeau du diacre Pâris, à l'église Saint-Médard. Ces folies étaient du goût de quelques autres et peut-être d'un très-grand nombre de ses confrères. Et, puisque j'en suis à ce sujet, j'anticiperai pour rapporter un fait passé à Saint-Séverin en 1740. Le 11 février, le P. Dulcrain, prêchant le panégyrique du saint patron de cette paroisse de Paris, rappela qu'on avait prié saint Séverin de se rendre auprès de Clovis et d'obtenir sa guérison, et à cette occasion il ajouta cette diatribe: La cour croyait les miracles et ne mettait point sa gloire à mépriser celui que les peuples révéraient. Allusion aux prétendus miracles du diacre Pâris, allusion qui fut comprise. Ensuite il avait dit en parlant des évêques : Colonnes brillantes, il est vrai, mais plus propres à surcharger l'édifice qu'à le soutenir. Mgr de Vintimille, archevêque de Paris, n'avait fait que rire de la sortie insolente du prédicateur. Mais l'excursion sur le diacre Påris et ses miracles attira au P, Dulcrain une lettre de cachet, qui lui commandait de sortir de la capitale; il se retira à Vannes, sa patrie. A même d'obtenir la révocation de ces ordres rigoureux en déclarant qu'il n'entendait pas parler des miracles de Pâris, le fanatique Dulerain soutient au contraire qu'il croit à la vérité de ces prodiges.

Ces actes de vigueur contre les jansénistes n'intimidaient guère leurs confrères, partageant, en grande partie, ou toutes leurs erreurs ou leur entèlement sur quelques points. L'insubordination, qui faisait des progrès fanestes dans la Congrégation, d'où elle n'avait jamais été entièrement exclue, amenait des actes vraiment déplorables. En 1732, le P. de la Tour, général, priva vingt-cinq prêtres de voix active et passive; il fit écrire par le secrétaire à cinq députés de ne point venir à Paris. Malgré cette défense ils y vinrent. M. Hérault leur ordonna de sortir de l'assemblée à laquelle deux se présentèrent néanmoins, et n'en sortirent qu'en protestant. Des brouillons qui se trouvaient présents voulurent délibérer sur la validité de l'assemblée, qui fut déclarée canonique, disent les actes imprimés. M. Hérault, que je viens de nommer, était commissaire du roi à l'assemblée; dès l'année 1729, à la 33 assemblée générale, il avait le même titre. Des lettres de cachet excluaient les députés réappelants (au futur concile). Quatre d'entre eux demandent la lecture des ordres du roi, et sortent en posant leur protestation sur le bureau. Par l'exclusion, l'assemblée se trouva réduite de cinquante et un députés à vingtsept; mais l'assemblée inscrivit sur la liste les députés exclus comme simplement absents. Le cardinal de Fleury ordonna, après l'assemblée, de faire sortir de Paris tous les députés exclus, et une lettre de cachet porta exclusion totale des PP. de Vizé, de Gennes,

et Daimé.

Dans un grand nombre de diocèses, les évêques prouvèrent aux Oratoriens la désap probation qu'ils donnaient au mauvais esprit qui animait la plupart des membres de la congrégation. Ainsi, je citerai Toulon, où l'évêque fit des efforts pour leur enlever le collége de sa ville; Angers, où l'évêque défendit aux Bénédictins de la Fidélité de Saumur de les recevoir dans leur maison. M. de Montmorin, évêque de Langres, entreprit de déposséder les Oratoriens de leur établissement, possédé depuis 1616, et ils furent expulsés du séminaire. En 1737, l'évêque de Blois interdit les Oratoriens de Vendôme, à l'exception de deux. En 1743, l'évêque de Troyes interdit seize Pères de la maison de cette ville; la même année, M. de Charleval, évêque d'Agde, les renvoie du séminaire, et trois ans plus tard ceux de Clermont furent interdits par M. de la Garlaye, évêque de cette ville, et même au diocèse d'Annecy, l'évêque avait, en 1742, interdit ceux de la maison de Rumilly.

A une époque que je ne puis préciser ici, les Oratoriens de Flandre se séparèrent de la congrégation française. Cette rupture ne dut pas avoir lieu avant la moitié du dernier siècle, ou du moins ne brisa pas tous les liens, même d'administration qui attachaient la fille à la mère; car je vois des députés de l'Oratoire de Flandre aux assemblées de

(1) On peut voir à l'article OBSERVANTINS, dans ce volume, la réponse que ft a une question sur un su

l'Oratoire de France, et je lis qu'à la 37′ assemblée générale, en 1739, les Flamands n'envoient point de députés, à cause de quel ques difficultés qui s'étaient élevées entre leurs maisons. A l'assemblée précédente, en 1736, à l'occasion d'une dispute qui s'était élevée en Flandre précisément, on décida, 1° que dans la suite on ne pourrait admettre dans le conseil de la congrégation de Flandre deux proches parents, comme frères, cousins germains, oncle et neveu, à moins qu'ils ne fussent élus à l'unanimité entière (1): 2° que les différends qui s'élèveraient sur le gouvernement de la congrégation ne pourraient être portés aux tribunaux ordinaires, sous peine d'exclusion contre celui qui les y porterait ces différends devant être vidés en présence des supérieurs et jugés par cux. A l'occasion de ces mesures, je trouve important d'en signaler une qui fut prise à l'assemblée de 1739: on envoya deux députés prendre à domicile le suffrage du P. Camusat, qui était logé en ville, et qui tomba malade. La même assemblée déclara exclus ipso facto ceux qui porteraient des perruques, ou quel que autre sorte de cheveux empruntés. L'opinion sur les perruques a bien changé depuis un siècle; et peut être aujourd'hui, dans une assemblée pareille, ne mettrait-on pas un tel sujet en question.

Pour ne pas revenir sans cesse et d'una manière fastidieuse sur le jansénisme dominant dans la congrégation de l'Oratoire, je vais parler longuement de ce qui se passa à l'occasion de l'assemblée générale qui se tint à Paris en 1746, et commença le 14 septembre. Le roi avait donné ordre de n'élire pour députés que des hommes soumis au formulaire et à la bulle. Le père de la Valette, général, avait fait des démarches pour adoucir cet ordre, et menaçait même, dit-on, de donner sa démission. Cette assemblée fut précédée de la messe du Saint-Esprit, à laquelle assista M. de Marvile, commissaire du roi pour présider ladite assemblée, et ensuite on se rendit dans la salle du conseil. Le R P. général pala le premier, et fit un discours; et quoiqu'il eût parlé pendant une demiheure, il n'avait nullement touché aux affaires du temps. Quand il eut fini, M. de Marville prononça aussi un discours, qui parut fort bien écrit, et qui fut dit avec beaucoup de grâce et de décence: il fit remarquer que le roi, à qui la congrégation de l'Oratoire était chère, avait voulu donner à ce corps tout le temps de se conseiller; que Sa Majesté attendait que cette congrégation, seul corps dans l'Etat qui n'eût point encore donné de marques de soumission, obéirait à ses ordres et qu'elle recevrait es constitutions et bulles du pape reçues en France, et notamment le formulaire, purement et simplement, et la bulle Unigenitus, comme loi de l'Eglise et de l'Etat. Il ajouta que si malheureusement il s'en trouvait quelques-uns parmi ceux qui composaient l'assemblée qui ne

jot semblable à celui-ci, le rape Clément XIV, et que j'ai mentionnée dans l'addition.

fussent point soumis, Sa Majesté les privait de voix active et passive et les excluait des premières dignités de la congrégation. Les expressions du magistrat étaient très-ménagées, et il se comporta avec toute la politesse qu'on pouvait attendre dans une commission aussi fâcheuse. Il fit faire lecture des ordres de Sa Majesté qui lui avaient été donnés pour présider l'assemblée, et de ceux que le P. général avait reçus, pour se conformer avec tous les Pères de l'assemblée aux volontés de Sa Majesté. Cette lecture étant finie, il y eut quatorze députés qui se levèrent pour se retirer. Le P. Montenil fut le premier, et dit en passant à M. de Marville qu'il était fâché de ne pouvoir obéir, nais qu'il valait mieux obéir à Dieu qu'aux hommes. M. de Marville lui témoigna sa peine avec obligeance. Le P. de Bon-Recueil vint ensuite, et dit que sa conscience ne lui permettait pas de recevoir la bulle Unigenitus, et adressant la parole à l'assemblée et de la main lui montrant le crucifix, il dit: «Mes Pères, c'est Jésus-Christ qui préside ici et c'est lui qui sera le juge de tout ce que vous allez faire. » M. de Marville l'interrompit en lui disant que de tels discours étaient indécents; qu'il eût à se retirer. Ce Père obéit et sortit avec treize autres députés. L'assemblée, après l'exclusion des quatorze, resta composée de dix-neuf députés, en comptant le P. général. On procéda à la signature; le P. général dit en termes formels qu'il ne s'agissait point de recevoir la bulle comme règle de foi; que Sa Majesté ne voulait ni ne pouvait la faire recevoir avec cette qualification. Que la bulle n'était donc qu'une règle de discipline et de précaution; M. de Marville fit même un signe d'approbation. Cette explication ne fut pas mise sur la formule que l'on signa et qui fut portée à M. d'Amien, évêque de Mirepoix. Il y est dit que la bulle est une loi de l'Eglise et de l'Etat, conformément aux déclarations de Sa Majesté, et en l'enregistrement du parlement, sur les registres des actes de l'assemblée, l'acceptation est encore différente. A mesure que les députés se relíraient, ils mettaient sur le bureau les protestations dont ils étaient chargés. M. de Marville demanda au général ce que c'était que ces papiers. Il lui fut répondu qu'apparemment c'élait des protestations. Quand la séance fut finie, M. de Marville alla dans la chambre du P. général et lui remit toutes les protestations, pour en faire l'usage qu'il jugerait à propos; on dit, et c'est le sentiment le plus sûr, que le magistrat les brûla chez le général. Il y en avait quatre cents, dit-on. Il y eut une deuxième séance, le soir à quatre heures. On nomma assistants le P. Viger (1), qui fut continué, le P. du Faveau, et le P. Toucas, supérieur des Vertus; celuici fut élu, parce que l'évêque de Mirepoix (Boyer) ne voulut point du P. Lefranc. Les isiteurs furent les PP. Boyer, supérieur de

(1) Ce P. Viger est celui qui a travaillé à la rédaction Bréviaire de Paris; son nom se trouve toujours eerit ainsi dans les manuscrits de l'Oratoire. C'est

Juilly, de la Grie, supérieur de la maison d'Angers, et Etienne, supérieur à Toulon.. Quant au procureur général, le P. de Murard.. il s'était déclaré avant l'assemblée et avait dit qu'il ne voulait plus l'être, et même il ne voulut pas se trouver à l'assemblée, et les opposants regardèrent son absence comme un témoignage. Néanmoins l'assemblée décida qu'il serait continué à condition qu'il accepterait la bulle; le P. Renou fut élu à sa place. Les fonctions de secrétaire furent données au P. Moisset, supérieur de l'Institution. (heureusement, ainsi s'exprime le Mémoire où je puise, heureusement il ne fut pas question de décret pour toute la congrégation, chose que l'on craignait beaucoup.) La constitution fut donc reçue par dix-neuf. rejetée par quatorze, auxquels il faut joindre six absents qui devaient entrer dans l'assemblée c'étaient les PP. Laborde, Mâne, Tatou, Batarel, Renouard, de Murard; ajoutez 400 protestations et bien des Nicodèmes, dit encore notre Mémoire..

Ces quatre cents protestations étaient-elles formulées suivant les sentiments et le style de chaque individu? c'est possible: mais il serait possible aussi que ces protestations nombreuses aient été le fruit d'un comp'ot et les copies d'une circulaire. J'ai lieu de le penser, car ce que je viens de dire sur cette étrange assemblée se trouve bien analysé dans les Annales manuscrites d'Adry; mais les détails, je les ai pris sur une feuille volante insérée dans ce registre, et il était à propos de faire connaître, en y puisant largement, toute la vérité qu'on n'a point dile ouvertement ailleurs. Or, au même lieu se trouvait, sur une autre feuille volante, un projet vague de protestation, qui vraisemblablement a servi de modèle à celles dont j'ai donné le chiffre et qui n'en auront été qu'une copie. Quoi qu'il en soit, voici cette pièce curieuse et importante, qu'il est important aussi de faire connaître :

JESUS MARIA.

Au nom du Père, et du Fils, et du SaintEsprit.

Je soussigné, prêtre de l'Oratoire de la maison de Paris, après avoir fait de sérieuses réflexions sur la lettre circulaire que le T. R. P. général nous a fait l'honneur de nous adresser, en date du 25 jour de mars de la présente année, et sur les ordres du roi que ce R. P. y a joints par extrait, déclare :

1° que je n'adhère point à la doctrine contenue dans ladite lettre circulaire, touchant la volonté de Dieu et la mort de Jésus-Christ pour le salut du genre humain, c.-à-d. que je ne reconnais point que Dieu veuille d'une volonté intérieure et formelle sauver tous les hommes, sans excepter même les réprouvés, ni que Jésus-Christ N.-S. ait répandu son sang précieux pour leur salut éternel. Je crois au

donc à tort que quelques personnes le nomment Vigier.

contraire que notre Dieu étant le Tout Puissant, a fait tout ce qu'il a voulu dans le ciel, sur la terre, dans la mer et dans les abîmes, et que par conséquent il n'a pas voulu sauver ceux qu'il n'a pas sauvés en effet. Je crois que N. S. Jésus-Christ n'a point prié, ni par conséquent offert le sacrifice de sa vie pour le salui du monde réprouvé. Et quant au texte de l'Apôtre qui semble dire le contraire, et dont les pélagiens et demi-pélagiens ont tant abusé, je m'en liens aux explications que le fidèle interprète de l'Eglise, saint Augustin, en a données dans les écrits qu'il a faits contre les hérétiques. Je me crois obligé de faire cette première déclaration, parce que le respectable auteur de la lettre circulaire nous y attribue à tous ses sentiments sur cette matière.

Je déclare en deuxième lieu, que la liberté des élections étant détruite par les ordres du roi joints à la lettre circulaire, en ce que Sa Majesté exclut de la députation la plus grande et la plus saine partie de la congrégation, je m'abstiens pour le présent de disputer, requérant qu'il soit fait auparavant, au nom de la congrégation, de très-humbles et trèsrespectueuses remontrances à sa Majesté sur l'impuissance où nous sommes d'exécuter ses ordres; et m'opposant à toute députation avant la révocation desdits ordres.

Que si, malgré ma présente opposition, et contre toute justice, on ne laissait pas de procéder à la députation, et de tenir en conséquence l'assemblée convoquée pour le 14 sepiembre prochain, je déclare en troisième lieu, que je m'oppose à tout ce qu'une assemblée aussi irrégulière pourrait faire et statuer, soit par rapport au régime et à la discipline de la congrégation, soit en faveur de la signature pure et simple du formulaire d'Alexandre VII, et surtout en faveur de la bulle UNIGENITUS, que je regarde comme l'abomination de la désolation dans le lieu saint, et que j'anathématise comme telle. Au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit.

Je requiers acte de ma présente déclaration et opposition, protestant de nullité contre tout ce que l'on entreprendrait de faire au

contraire.

Fait à Paris, ce 30 jour d'août 1746. Cette pièce fait juger suffisamment de l'esprit qui régnait en effet dans un très-grand nombre, peut-être le plus grand nombre des membres de l'Oratoire; cependant, quelle que fût la condescendance ou la facilité des supérieurs pour les membres les plus coupables, le jansénisme semblait officiellement exclu de la congrégation par des décisions prises dans les assemblées générales; les généraux ont toujours travaillé, avec plus ou moins de zèle et de bonne volonté, avec plus ou moins de succès, à obtenir de leurs subordonnés la soumission à l'Eglise. Il y a eu toujours dans la société des hommes soumis de bonne foi et fâchés des excès de leurs

(1) Il est ici question de Bridaine, fameux missionnaire dans le Midi. Cet ecclésiastique distingué par sa soumission à l'Eglise comme par son zèle apostolique, est accusé, dans les Archives de l'Oratoire,

confrères, et je lis expressément dans les manuscrits de la congrégation : « M. Massillon entre en colère contre ses anciens confrères, parce qu'ils sont soupçonnés à Clermont d'avoir fourni un mémoire contre la mission de Bridaine (1). » Il nous suffit d'avoir parlé de cette fameuse assemblée de 1746, sans revenir en détail sur celles qui l'ont suivie. Elle fit, peut-être plus que toutes les autres, une commotion dans le corps de la congrégation, et dès le mois de juin avait paru contre elle un mémoire, que Gouju, par erreur, date de 1733, et qui fut donné par le P. Laborde sous ce titre : Mémoire sur une prétendue assemblée générale de l'Oratoire, qu'on se propose de tenir au mois de septembre prochain, et sur le caractère du témoignage que l'Eglise attend, soit de la part des prêtres qui ont droit de députer aux assemblées générales, soit de la part des simples confrères. (Juin 1746, seize pages in-4.)

la

Je me bornerai aussi à dire en général, que pendant le reste du temps de son existence, les dernières années exceptées, congrégation de l'Oratoire éprouva, de la part d'un grand nombre de supérieurs ecclésiastiques, des désagréments du genre de ceux signalés ci-dessus, et laissa dans l'esprit des fidèles des préventions défavorables sur sa soumission aux décisions de l'Eglise, préventions qui durent encore aujourd'hui dans le petit nombre de ceux qui savent apprécier ces matières spéciales; dans le nombre plus petit des personnes qui ont connu les débris de cette corporation.

La destruction des Jésuites ne dut pas être désagréable à l'Oratoire, qui s'était toujours maintenu dans une disposition de rivalité peu édifiante. Néanmoins ce corps perdit plus peut-être qu'il ne gagna à l'extinction de la compagnie de Jésus. Elle hérita de plusieurs des colléges dirigés par cette illustre compagnie. Le premier où elle entra fut celui de Lyon, qu'elle occupa dès 1763; elle prit ensuite celui de Tournon. De 1776 à 1782, elle prit encore cinq collèges des Jésuites; il fallait pourvoir à l'enseignement en tant de maisons, et l'étude de la théologie en souffrit. La réception des sujets fut peutêtre avantagée dans les derniers temps, parce que n'ayant plus la rivalité des Jésuites à craindre, on était à même de faire des choix plus éprouvés, et la malheureuse commission des réguliers ayant reculé la profession religieuse à vingt et un ans, les jeunes gens pouvaient préférer l'Oratoire où l'on recevait à tout âge et où l'on ne faisait point

de vœux.

J'ai eu sous les yeux le registre des réceptions, à dater de l'année 1741 jusqu'à l'année 1771; ce registre n'est vraisemblablement pas complet et on aura reçu des jeunes gens après cette époque, même à Paris. Le dernier qui s'y trouve inscrit est Edme-Augustin Jacquesson Olivotte. Il n'est d'avoir parlé en chaire contre les Pères de cette congrégation; ce qui est possible, car les honnêtes gens étaient indignés de leur résistance.

pas sans intérêt de faire connaître textuelleinent le modèle d'inscription; il est rédigé ainsi : « Le C. (confrère) Edme-Augustin Jacquesson Olivotte, laïque, âgé de vingt ans, natif de Tonnerre, diocèse de Langres, fils de M. Edme Jacquesson, officier chez le roi, et de dame Marie Tenaille, ayant fait ses humanités au collège de Troyes, est entré à l'institution le 26 février 1771 et a été admis au nombre des confrères le 8 mars, même année. Il payera la pension ordinaire et s'entretiendra. » Cette addition : il payera, ou il promet de payer, se trouve à presque tous les actes; néanmoins à quelques-uns on lit il ne payera point la pension. Il faut se rappeler que les Oratoriens ne renonçaient point à leurs propriétés, et souvent, comme en effet il était convenable, ils léguaient en mourant quelque chose à leur congrégation.

Quand on obligeait quelqu'un à sortir de la société, on lui adressait une lettre d'exclusion; le modèle en est court: « Le ..... se retirera de la congrégation à laquelle il n'est pas jugé propre. » L'intervalle qui se trouve ici rempli par des points contenait l'un de ces mols: Père ou Confrère.

La congrégation de l'Oratoire avait des maisons d'études ecclésiastiques pour les jeunes membres; la principale et la plus importante de ces maisons était celle de Montmorency. Il peut être utile à ceux qui s'intéressent davantage à ce qui concerne l'histoire de cette congrégation célèbre de faire connaître ici l'acte de visite dressé par le dernier supérieur général dans cette maison de Montmorency, en 1780. C'est peutéire le dernier acte de visite régulière dans cet établissement.

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« Acte de visite de notre maison d'Anguien (1), ci-devant Montmorency, comnencée le 2 août 1780 par nous Sauvé Moisset, supérieur général de la congrégation de l'Oratoire. Au nom de la trèssainte et très-adorable Trinité P. F. et S. Es prit, et en l'honneur de J.-C., époux de l'Eglise, qualité à laquelle cette maison est spécialement consacrée. Nous l'avons visitée et y avons trouvé résidents:

Le R. P. Louis Cotte, curé et supérieur pour la première année; le P. J.-B. Berthon ou Bertton; le P. Luc-François Lalande, professeur de théologie; le confrère JeanBaptisie Macé; le confrère Jean-Gabriel Lévêque de Vaudebrun, économe;

« Etudiants en théologie: le C. ClaudeJacques-François Féret; le C. Claude-François Lacoste; le C. Joseph Roland; le C. Antoine Billet; le C. Pierre DAUNOU (2); le C. Elienne Dumoulin; le C. Louis Rondeau;

<< Etudiants en philosophie: le Confrère René Geandron; le C. Jean-Baptiste Croiseuil; le C. Marie-Joseph Roche-Jean; le C. Thomas Dumont; le C. André-François

(1) On voit que dès 1780 Montmorency, qui a depuis repris son nom, était nommé Enghien; ce derbier nom est resté au village qui est situé au bas de la montagne, sur le bord du lac.

Lebriche: le Frère Jacque Poupart, infir mier; le F. Charles Chevance, jardinier; le F. François Bricon, portier; le F. Augustin Dessieux, dépensier; un cuisinier, un aidecuisine, un petit portier; en tout vingt-cinq personnes; mais par le fait, vu les surtier (?), les dixmeurs, bedeau, enfants de chœur et journaliers, il y en a constamment trente. >>

Cette visite, qui était la deuxième de l'année, et qui devait être suivie d'une autre à la fin de l'année, traile substantiellement des choses. Je remarque seulement qu'à la fin de l'année précédente la recette excédait la dépense de 907 livres 12 sous 16 de

niers.

Depuis l'époque à laquelle le P. Hélyot écrivait son Histoire, la congrégation de l'Oratoire a été gouvernée par quatre généraux, que je vais rappeler succinctement au lecteur, en nommant d'abord le P. de la Tour, contemporain d'Hélyot; en parlant de ces supérieurs généraux l'affaire du jansénisme se retrouve nécessairement sous ma plume.

Le P. Pierre-François de la Tour d'Arerey, d'une famille noble et distinguée, naquit à Paris, le 21 avril 1653. Après de bonnes études il entra dans la congrégation de l'Oratoire en 1672. Employé d'abord à l'enseignement, il devint ensuite supérieur du séminaire de Saint-Magloire, et se livra à l'exercice de la prédication avec beaucoup de succès.

Lorsque le P. de Sainte-Marthe, forcé de céder aux préventions qu'avaient assez justement peut-être inspirées contre lui à Louis XIV Mgr de Harlay et le P. de la Chaise, eu: pris la résolution de quitter le généralat, il se concerta avec M. de Noailles, nouvellement élevé sur le siége de Paris, pour avoir certainement le P. de la Tour pour successeur. Il l'eut en effet, et le nouveau général vit naftre dans sa congrégation les troubles que l'esprit de révolte amena à l'occasion de la bulle Unigenitus, qui parut en France en 1714. Le Père de la Tour fut d'abord un des opposants et l'un des premiers à proposer l'appel au futur concile. Il changea d'avis, et comme il avait la confiance du cardinal de Noailles, cette Eminence se conduisait par ses conseils dans ce qu'Elle fit pour révoquer son appel de la Constitution et son opposition au concile d'Embrun. Il n'eut pas le même succès dans sa congrégation, où les appelants étaient en grand nombre; mais malgré les moyens qu'il prit pour amener les récalcitrauts, et souvent en vain, il ne perdit ni leur confiance, ni l'estime qu'ils avaient pour sa vertu et son habileté. Parvenu à l'âge de quatre-vingts ans, il mourut d'apoplexie, dans la maison de Saint-Honoré, le 13 février 1733.

Le successeur du P. de la Tour fut le P. de

(2) Il est ici question de ce Daunou qui s'est rendu fameux à l'époque de la révolution, et dont il est parlé dans tous les dictionnaires biographiques.

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