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A nos yeux attentifs, que le fpectacle change!
Retournons fur la terre, où jusques dans la fange

L'infecte nous appelle, & certain de fon prix 150 Ofe nous demander raison de nos mépris.

De fecretes beautés quel amas innombrable! Plus l'Auteur s'eft caché, plus il est admirable. Quoiqu'un fier éléphant, malgré l'énorme tour, Qui de fon vafte dos me cache le contour, 155 S'avance, fans ployer fous ce poids qu'il méprise; Je ne t'admire pas avec moins de surprise, Toi qui vis dans la boue, & traînes ta prifon, Toi que fouvent ma haine écrafe avec raison,

152 La nature, dit Pline, n'eft jamais fi entiere que dans les petites chofes ; & fa majesté comme refferrée à l'étroit, n'en devient que plus admirabie. Natura nunquam magis quàm in minimis tota.... in arctum coarctata naturæ majeftas, nullâ fui parte mirabilior. Elle s'y réunit comme dans un point, c'estlà qu'elle fe retranche toute entiere.

153 Nous admirons, dit Pline, ces épaules des éléphans chargées de tours, turrigeros elephantorum miramur humeros. Mais quelle perfection incompréhenfible dans ces petits animaux, qui ne font rien ! in his tàm parvis, atque tàm nullis, quàm inextricabilis perfectio!

158 Le Traducteur Allemand de ce Poëme, s'écrie ici dans fa note. Qu'a donc fait à M. Racine le pauvre limaçon ? Les dégâts qu'il fait dans nos jardins juftifient ma haine; mais quoiqu'odieux, fa machine eft admirable. Ariftote avoit avancé que les animaux à coquille n'avoient pas d'yeux. Le microfcope a fait revenir de cette erreur. Les cornes du limaçon font des

Toi-même infecte impur, quand tu me développes
Les étonnans refforts de tes longs télescopes,
Oui, toi, lorsqu'à mes yeux tu préfentes les tiens
Qu'élevent par degrés leurs mobiles foutiens.
C'est dans un foible objet, imperceptible ouvrage,
Que l'art de l'ouvrier me frappe davantage.

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Dans un champ de blés mûrs, tout un peuple prudent 165
Raffemble pour l'Etat un tréfor abondant.

Fatigués du butin qu'ils traînent avec peine,
De foibles voyageurs arrivent fans haleine
A leurs greniers publics, immenses souterrains,
Où par eux en monceaux font élevés ces grains,

nerfs optiques, au haut defquels chaque oil eft placé. C'est ce que nous affurent plufieurs célebres Obfervateurs. D'autres, à la vérité, en doutent, auffi-bien que des greniers des fourmis les Obfervateurs ne font donc pas toujours d'accord. Dans mon cinquieme Chant, en parlant de notre ignorance dans les fecrets de la nature, je dis que nous en favons quelques faits, jamais les caufes. Les faits même ne font pas toujours certains, parce que Dieu qui nous donne des yeux pour nous conduire, ne nous en donne pas pour voir tous fes ouvrages. Mais nous en voyons affez pour connoître l'ouvrier & l'admirer.

163 Comme le dit le Cardinal Polignac :

In minimis.

Miracula magna

Maximus in minimis certe Deus, & mihi major, Quàm vafto cali in templo, aftrorumque caterva. Galien a fait la même réflexion, auffi-bien que Pline, que j'ai déja cité.

170 On a prétendu même qu'elles en rongeõient le

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Dont le Pere commun de tous tant que nous sommes,
Nourrit également les fourmis & les hommes.
Et tous nourris par lui, nous paffons fans retour,
Tandis qu'une chenille eft rappellée au jour.
175 De l'empire de l'air cet habitant volage,

Qui porte à tant de fleurs fon inconftant hommage,
Et leur ravit un fuc qui n'étoit pas pour lui;
Chez fes freres rampans qu'il méprise aujourd'hui,

germe pour prévenir l'inconvénient de l'humidité. Aldrovandus dit avoir vu leurs greniers. Derham en rapporte plufieurs autres particularités étonnantes, Cependant M. de Réaumur prétend que les fourmis dorment tout l'hiver, & ne mangent point: que les grains qu'on leur voit emporter, ne fervent qu'à la conftruction de leurs édifices; voilà donc tous leurs magafins détruits. Mais en attendant que la nouvelle obfervation foit généralement connue, on peut parler fuivant l'opinion ancienne, qui eft autorifée non-feulement par Salomon, mais par plufieurs Naturaliftes. Si les fourmis n'ont plus de greniers, il faut du moins admirer leurs édifices, qui font toujours une preuve de leur prévoyance de l'avenir. Enfin Derham parle de petits animaux qu'on trouve dans l'Ukraine, qui paffent tout l'hiver fous terre, après avoir pendant l'été amaffé leurs provifions.

178 L'Auteur du Spectacle de la Nature appelle les papillons les reffufcités du peuple chenille. Ils ravifSent aux fleurs un fuc qui femble destiné aux abeilles. Ovide n'étoit pas bien inftruit des merveilles de cette réfurrection, lorfqu'il s'eft contenté de dire, livre 15.

Agreftes tinea (res obfervata colonis )

Ferali mutant cum papilione figuram,

!

Sur la terre autrefois traînant fa vie obfcure,
Sembloit vouloir cacher sa honteuse figure.
Mais les temps font changés, sa mort fut un fommeil.
On le vit plein de gloire à son brillant réveil,
Laiffant dans le tombeau fa dépouille groffiere,
Par un fublime effor voler vers la lumiere.
O ver, à qui je dois mes nobles vêtemens,

De tes travaux fi courts que les fruits font charmans!
N'eft-ce donc que pour moi que tu reçois la vie?
Ton ouvrage achevé, ta carriere eft finie:
Tu laiffes de ton art des héritiers nombreux,
Qui ne verront jamais leur pere malheureux.
Je te plains, & j'ai dû parler de tes merveilles ;
Mais ce n'est qu'à Virgile à chanter les abeilles.

Le Roi pour qui font faits tant de biens précieux,
L'homme éleve un front noble, & regarde les Cieux.

Ce qui fait dire à Dante, que nous fommes de vers
nés
pour être changés en anges.

Noi fiam vermi

Nati à formar l'angelica farfalla.

192 Il en débite des nouvelles, fouvent fauffes; mais celles qu'en débitent nos modernes Obfervateurs ne font pas moins étonnantes: elles font même encore plus admirables dans Meffieurs Maraldi & Réaumur que dans Virgile.

193 Cette propofition, que tout eft fait pour l'homme, eft vraie dans un fens, & fauffe dans un autre. Tout n'eft pas fait pour lui directement, puifqu'il ne connoît pas même une partie des biens de la terre: mais tout ce qu'elle renferme en entretient où

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195 Ce front, vaste théâtre où l'ame fe déploie, Eft tantôt éclairé des rayons de la joie,

la beauté ou la confervation : en ce fens tout le rapporte indirectement à l'homme ; & comme il est le feul Etre raisonnable, & que par fon efprit & fon induftrie, il fait s'approprier tous les biens de la terre, il en eft juftement nommé le Roi.

194 On oppofe quelques animaux qu'on dit marcher droits comme l'homme, & le poiffon dont parle Galien qu'il nomme uranofcope, parce que fes yeux font tournés vers le Ciel. On oppofe encore les oifeaux à long col, qui ont plus de facilité que l'homme à regarder le Ciel. Ces objections font puériles: on ne prétend pas attribuer à l'homme un privilege unique. Il paroît même que fes yeux font plutôt faits pour regarder en-bas qu'en-haut, puifqu'il a fa paupiere fupérieure plus grande que l'inférieure. Mais il eft le feul dont l'épine du dos foit en ligne directe avec les os des cuiffes: dans tous les animaux elle forme un angle. La pofture droite, qui eft la plus noble, eft donc fa pofture naturelle, & Ovide a eu raifon de dire:

Os homini fublime dedit, Cœlumque tueri

Juffit, & erectos ad fidera tollere vultus.

On oppofe que les enfans marchent à quatre pieds. Oui, mais par foibleffe, & parce que les deux colonnes, fur lesquelles leur corps doit porter, ne font point encore affermies.

195 Nous avons plufieurs parties communes avec les animaux: mais nous en avons qui ne conviennent qu'à un Être créé pour regarder le Ciel, marcher debout, parler, &c. Telles font les parties du front celles des mains, celles qui fervent à la voix. Galien obferve que les animaux carnaciers ont des ongles

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