Tantôt enveloppé du chagrin ténébreux. Loin de moi, quand je veux, va porter ma pensée, pointus & des dents aiguës; au lieu que l'homme a des ongles plats, & n'a qu'une dent canine de chaque côté parce que, dit cet Auteur, la Nature favoit bien qu'elle formoit un animal doux, qui devoit tirer fa force, non de fon corps, mais de fa raison. 201 Sur l'artifice admirable du corps humain, on peut lire Galien, Ray, Nieuwentyt & Derham. L'ouyrage de ce dernier eft le précis des fermons qu'il avoit compofés pour la Chaire fondée par M. Boyle en Angleterre, & deftinée aux preuves de l'existence de Dieu. Il est étonnant qu'on ait été obligé de fonder une pareille Chaire chez des Chrétiens. Pour Galien, il n'eft pas furprenant qu'il fe foit tant appliqué à faire remarquer le deffein du Créateur dans fes ouvrages: il avoit à confondre les Epicuriens, qui attribuoient tout au hafard. 209 La parole, figne certain de la pensée, n'est donnée qu'à l'homme. Plufieurs animaux ont comme 200 205 210 Quelle foule d'objets l'œil réunit ensemble! Que de rayons épars ce cercle étroit raffemble! Tout s'y peint tour-à-tour. Le mobile tableau Frappe un nerf qui l'éleve, & le porte au cerveau. 215 D'innombrables filets, Ciel! quel tiflu fragile! Cependant ma mémoire en a fait fon afyle, Et tient dans un dépôt fidele & précieux, Tout ce que m'ont appris mes oreilles, mes yeux: Elle y peut à toute heure & remettre & reprendre; 220 M'y garder mes trésors, exacte à me les rendre. Là ces efprits fubtils toujours prêts à partir Attendent le fignal qui les doit avertir. nous les organes de la voix, & nous les inftruifons prononcer quelques mots: mais leur imitation de la parole n'eft qu'une imitation machinale, & jamais les mots qu'ils prononcent ne font en eux des fignes de pensée. 211 Nous avons deux yeux fans voir les objets doubles, afin que l'un puiffe réparer la perte de l'autre. Les araignées en ont 4, 6 & 8, parce que n'ayant point de cou, & ne pouvant remuer la tête, la multiplicité des yeux fupplée au défaut de ce mouvement. Le deffein du Créateur paroît en tout. C'eft ainfi que les dents ne viennent aux enfans qu'après l'àge où ils font à la mamelle; parce que fi les dents venoient plutôt, elles feroient préjudiciables aux nourriffons & aux nourrices. 215 Que de chofes différentes renfermées dans le fpacieux magafin de la mémoire! Tout se présente au premier fignal; quand ce que nous n'appellons pas, fe préfente malgré nous, nous favons l'écarter. Qua dam ftatim prodeunt, quædam requiruntur diutiùs, quadam catervatim proruunt. S. Aug. Conf. L. 10. Mon ame les envoie : & miniftres dociles Je les fens répandus dans mes membres agiles: 221 Je veux parler; que de mouvemens dans ma langue, dans mes levres, dans mes poumons! Suivant que je regarde de loin ou de près, ma prunelle fe dilate ou fe refferre, ma volonté n'y contribue pas: elle ne peut fufpendre ou précipiter ma respiration ce qui eft avantageux pour parler. Cependant quand je dors, je refpire fans le favoir & fans le vouloir: ce qui prouve que fi notre ame a un empire fur notre corps, elle ne tient pas cet empire d'elle-même, mais d'une puiffance plus grande que la fienne. 234 Les veines & les vaiffeaux lymphatiques ont d'efpace en efpace des valvules, qui font l'office d'une foupape dans une pompe'; c'est-à-dire, qui s'ouvrent d'un côté & se ferment de l'autre, pour ouvrir 225 230 235 Il s'épaiffit en chair, dans mes chairs qu'il arrofe 240 En ma propre fubftance il fe métamorphose. Eft-ce moi qui préfide au maintien de ces loix; Je les connois à peine. Une attentive adreffe le paffage à la liqueur, & l'empêcher de retourner vers les parties d'où elle vient. 241 De toutes les extravagances dont l'efprit humain est capable, celle des Epicuriens paroît la plus grande. Ils s'imaginoient que le hafard avoit tout fait que les parties de notre corps n'avoient point été deftinées à quelqu'ufage, mais que nous en avions fait ufage, parce que nous les avions trouvées que les premiers hommes naquirent de la terre échauffée par le Soleil. La Terre dans fa jeuneffe, dit Lucrece, liv. 5, enfanta des hommes & des animaux: depuis elle devint ftérile comme une femme le devient par l'âge. Cette opinion qui commença en Egypte, paroiffoit vraisemblable aux Anciens, à caufe de ces grenouilles qu'ils s'imaginoient voir naître de la terre dans le temps de pluie. Nos Phyficiens nous ont appris à rire de cette erreur. 243 L'Anatomie, qui s'eft beaucoup perfectionnée dans ces derniers temps, nous doit rappeller à Dieu, autant que l'Aftronomie. M. Fontenelle, après avoir parlé dans fes Eloges de la piété de M. Caffini, & de celle de M. Meri, ajoute cette judicieuse réflexion: L'Aftronomie & l'Anatomie font les deux fciences où font le plus fenfiblement marqués les caracteres du fouverain Etre. L'une annonce fon immenfité, l'autre fon intelligence.... On peut même croire que l'Anatoquelqu'avantage. L'intelligence prouve encore mie a plus que l'immenfité. De cet ordre fecret reconnoiffons l'Auteur. Où font-ils ces objets de ma reconnoiffance? 246 Le Traducteur Italien a rendu fidellement ce vers. Senza Legiflator non fur mai Leggi. 247 L'objection du mal phyfique & du mal moral, donna naiffance à l'ancienne opinion des deux Principes, renouvellée par les Manichéens. On ne peut répondre à cette objection, que par la Religion chrétienne. Bayle qui dans l'article des Manichéens, & dans celui des Pauliciens, fe plaît à étendre cette difficulté, avoue qu'on n'y peut répondre que par la révélation, qui nous apprend la caufe du défordre. Je ferai auffi cette objection aux Déiftes dans le cinquieme Chant; mais ayant à répondre aux Athées dans celui-ci, il me fuffit de leur faire voir que le monde n'eft pas l'ouvrage du hasard, & que les défordres que nous y croyons voir, n'empêchent pas de seconnoître par-tout une Intelligence fuprême. 245 250 255 |