Les Dieux que révéra notre ftupidité, Je l'apporte en naiffant, elle est écrite en moi dum. C'est ce que Cicéron répéte par-tout, qu'indépendamment de la récompenfe & de la punition, on doit rechercher la juftice à caufe d'elle - même. Il va jufqu'à fuppofer qu'un homme puiffe en remuant fimplement les doigts, fe faire mettre fur les teftamens des riches. Le fera-t-il, quand même il feroit certain qu'on ne le foupçonnera jamais d'avoir un fecret pareil? Cicéron décide que non, & ajoute cette paro'e fi belle: Ceux à qui ceci paroît étonnant, ignorent ce que c'est qu'un honnête-homme. Hoc qui admiratur, is fe, quid fit vir bonus, nefcire fatetur. Offic. Liv. 3. 435 Chez les Romains qui fe vantoient d'être les enfans de Mars & de Vénus, avant même qu'ils euffent des loix contre l'adultere, le malheur de Lucréce, qui fit chaffer les Rois de Rome, rendit fa vertu fameufe. Tite-Live lui fait dire, avant qu'elle fe tue, Corpus eft tantùm violatum, animus infons. Pourquoi donc fe tuer? comme Saint Auguftin l'a remarqué. On a eu raifon de louer fa douleur, mais non pas fa mort. 437 Cicéron a parlé de la Loi naturelle avec autant d'éloquence que de vérité. Eft quidem vera Lex, diffufa in omnes, conftans, fempiterna. Huic Legi non abrogari fas eft, neque derogari in hac aliquid licet, neque tota abrogari poteft, neque verò aut per Senatum, aut per Populum, folvi hác Lege poffumus.... Neque fi nulla erat Roma fcripta Lex de stupris, idcircò non A mon pere, à mon fils, à ma femme, à moi-même. La vertu qui n'admet que de fages plaifirs, contra illam Legem fempiternam Tarquinius vim Lucre tix attulit. Erat enim ratio profeta à rerum natural, & ad rectè faciendum impellens, & à delicto avocans que non tum denique incipit Lex effe, cùm fcripta eft, jed tùm cùm orta eft: orta eft autem cum mente divina. 444 Le perfide Métius & le cruel Tarquin n'étoient tranfgreffeurs d'aucune Loi écrite, puifque Rome n'en avoit point encore. Ils étoient condamnés par cette loi éternelle & irrévocable, qui précéde toute loi humaine. 454 Sénéque fait une réflexion très-jufte quand il dit, qu'il n'y a point de criminel qui n'aimât mieux . jouir des fruits du crime fans être criminel: Neminem reperies, qui non nequitia præmiis fine nequitia frui malit. De Benef. liv. 4. 440 445 450 455 Sous fes nobles couleurs souvent il fe déguise, Pour confoler du moins l'ame qu'il a furprise. Adorable Vertu, que tes divins attraits Dans un cœur qui te perd laissent de longs regrets! 460 Parois que le méchant te regarde, & frémiffe. 457 Claudien en fait ce beau tableau: Ipfa quidem virtus pretium fibi, folaque latè ... &c. Il eft certain, comme je le dirai au fixieme Chant, que fans la Religion chrétienne il n'y a point de vraie vertu cependant chez les Paiens même le fecret avantage de n'avoir rien à fe reprocher, nil confere fibi, nulla pallefcere culpâ, faifoit goûter à un Ariftide ce bonheur qu'un Catilina ne pouvoit goûter. Brutus, dira-t-on, prêt à fe tuer, s'emporta contre la vertu, jufqu'à s'écrier: O malheureufe Vertu ! tu n'es qu'un nom, & moi je te fervois comme fi tu e fes été une réalité mais j'éprouve que tu n'es que l'efclave de la fortune. Brutus qui faifoit confifter toute la Vertu dans fon farouche amour pour la libe té, lorfqu'il vit le parti d'Antoine victorieux, parle ainfi par défefpoir: Mais comment peut-il dire qu'il a été au fervice de la Vertu, lui qui a fi indignement affaffiné Céfar fon bienfaiteur ? Et perdant tout pour toi, l'heureux mortel qui t'aime, Qui te pourra, grand Dieu, méconnoître à ces traits? 478 Que l'homme ouvre les yeux fur le fpectacle de la nature, ou qu'il rentre en lui-même, de quelque côté qu'il tourne fes regards Dieu vient fe préfenter à lui. Cependant les Philofophes, ou n'ont rien vû que de matériel, ou uniffant l'intelligence à la matiere, ont confondu Dieu, la nature, l'ame du monde, &c. ou ont trouvé tout incertain. Les fens ne nous conduisent qu'aux chofes matérielles ; la raifon plongée dans les fens, ne nous conduit aux chofes fpirituelles qu'avec incertitude. Elle ne peut donc pas, comme les Déiftes le veulent, être notre feule regle, & nos ames claufa tenebris & carcere cæco, ont befoin d'une autre lumiere. 470 475 480 Tandis que de toi feul nous reftons féparés. Quel crime, quelle erreur nous a donc égarés ? Nos malheurs, ô mon Dieu, feroient-ils fans reffource? Sondons leur profondeur, remontons à leur fource. 485 Que l'Homme maintenant se présente à mes yeux; Quand je l'aurai connu, je te connoîtrai mieux. 486 Si la connoiffance anatomique de notre corps nous conduit à Dieu, comme je l'ai fait voir, combien y ferons-nous mieux conduits par la connoiffance de notre mifere & de notre grandeur! L'étude propre de l'homme eft l'homme, dit Pope. C'eft une étude cependant bien négligée; ce qui a fait dire à M. Pafcal: Les sciences abftraites n'étant pas propres aux hommes, je leur ai pardonné de ne s'y point appliquer; mais j'avois cru trouver au moins bien des compagnons dans l'étude de l'homme, puifque c'eft celle qui lui eft propre. J'ai été trompé. Il y en a encore moins qui l'étudient que la Géométrie. |