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Et leurs veilles ont fait la gloire de la Gréce:
Dans l'école d'Athène habita la fageffe.

Puiffe, pour m'expofer ce merveilleux tableau, 350 Raphaël prendre encor son sublime pinceau !

Que de héros fameux ! quels graves personnages ! Que vois-je ? la Discorde au milieu de ces Sages; Et de Maîtres, entr'eux fans caffe divifés, Naiffent des Sectateurs l'un à l'autre oppofés. 355 Nos folles vanités font pleurer Héraclite; Ces mêmes vanités font rire Démocrite.

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Quel remede à nos maux, que des ris ou des pleurs !
Qu'ils en cherchent la cause, & guériffent nos cœurs.
Habitant des tombeaux, que t'apprend leur filence?
» Les atômes erroient dans un espace immense:
» Déclinant de leur route ils fe font approchés.
» Durs, inégaux, fans peine ils se font accrochés.
"Le hafard a rendu la Nature parfaite.

"L'œil au-deffous du front fe creufa fa retraite :

355 Héraclite, furnommé le Pleureur, gémiffoit de la folie du genre humain : Démocrite s'en moquoit. Tous deux avoient raifon, & en même-temps tous deux étoient fous de porter les chofes à l'excès.

359 Démocrite qui fe retira dans les tombeaux d'Abdere, pour mieux méditer, attribuoit à la rencontre fortuite des atômes la création du monde, & même la liberté de l'homme. Quel rapport entre la déclinaifon des atômes & cette liberté? Ce fyflême qui fut auffi celui d'Epicure & de Lucréce, fait hofte à l'efprit humain.

Les bras au haut du corps fe trouverent liés: 365
La terre heureusement fe durcit fous nos pieds.

» L'Univers fut le fruit de ce prompt affemblage;

» L'Être libre & penfant en fut auffi l'ouvrage.
Par honneur, Hypocrate, ou par pitié du moins,
Va guérir ce Rêveur fi digne de tes soins.

C'est à l'eau dont tout fort que Thalès nous ramene.
L'air feul a tout produit, nous dit Anaximene.
Et l'éternel Pleureur affure que le feu,
De l'Univers naiflant mi les refforts en jeu.
Pirrhon qui n'a trouvé rien de sûr que fon doute,
De peur de s'égarer, ne prend aucune route.
Insensible à la vie, infenfible à la mort,
Il ne fait quand il veille, il ne fait quand il dort;
Et de fon indolence, au milieu d'un orage,
Un stupide animal est en effet l'image.
Orné de fa beface, & fier de fon manteau,
Cet orgueilleux n'apprend qu'à rouler un tonneau.

370 Les Abdéritains craignant que Démocrite ne devint fou, lui envoyerent Hypocrate pour rétablir fa fanté altérée.

371 La folie des Philofophes a toujours été de chercher l'origine des chofes. Suivant Thalès c'étoit l'eau, fuivant Anaximene c'étoit l'air, & fuivant Héraclite c'étoit le feu.

380 Pirrhon dans une tempête montra à ceux qui étoient avec lui dans le vaifeau, un pourceau qui mangeoit auffi tranquillement qu'à fen ordinaire. voulant les raffurer par cet exemple. Ce Philofophe qui doutoit de tout, a donné fon nom à une fecte nombreuse.

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Oui, fa lanterne en main Diogene m'irrite;

Il cherche un homme, & lui n'eft qu'un fou que j'évite.

C'est affez contempler ces aftres fi parfaits,
Anaxagore enfin dis-nous qui les a faits.
Mais quelle douce voix enchante mon oreille ?
Tandis qu'en ces jardins Epicure fommeille,
Que de voluptueux répétent fes leçons,
390 Mollement étendus fur de tendres gazons!
Malheureux, jouiffez promptement de la vie :
Hâtez-vous, le temps fuit, & la Parque ennemie,
D'un coup de fon ciseau va vous rendre au néant :
Par un plaifir encor volez-lui cet instant.
395 Votre auftere rival, pâle, mélancolique,
Fait de fes grands difcours refonner le Portique.

383 Diogene n'avoit ni religion, ni pudeur, ni raifon. Et quand Alexandre difoit qu'il voudroit être Diogene, s'il n'étoit pas Alexandre, il faifoit voir que fon envie de fe diftinguer du refte des hommes alloit jufqu'à la folie. Cet homme dévoué à la gloire dont il ne connoiffoit ni la nature ni les bornes, veut fe diftinguer à quelque prix que ce foit: & fi ce n'eft en dominant fur tout, comme conquérant, ce fera en méprisant tout comme Diogene.

385 Anaxagore interrogé pourquoi il étoit né, répondit: Pour contempler le Soleil & la Lune.

388 Epicure eft appellé par Cicéron homo voluptaTius; par Sénéque, Magifter voluptatis; & Horace ne prend pas cette volupté pour une joie spirituelle, quand il fe nomme Epicuri de grege porcum.

396 Le fameux Portique d'Athenes, fous lequel Zenon, chef des Stoïciens, tenoit fon école. Il fe fit

Je tremble en l'écoutant; fa vertu me fait peur.
Je ne puis comme lui tire dans la douleur;
J'ofe la croire un mal, & le crois fans attendre
Que la goutte en fureur me contraigne à l'apprendre. 400
L'Académie enfin par la voix de Platon

Va difuper en moi tout l'ennui de Zénon.

Mais de Platon lui-même, & qu'attendre & que croire,
Quand de ne rien savoir son Maître fait fa gloire?
Incertain comme lui, n'ofant rien hasarder,
Il réfute, il propose, & laisse à décider.
Par quelques vérités à peine il me confole:
Il s'arrête, il héfite, il doute & me défole.
Son Disciple jaloux, prompt à l'abandonner,
Se retire au Lycée, & m'y veut entraîner :

devenir pâle, parce que l'Oracle lui avoit recommandé de prendre la couleur des morts.

400 Les Stoïciens, dans leur orgueilleufe Philofophie, faifoient de leur Sage, un homme que rien ne pouvoit ébranler. Un d'eux dans les vives douleurs de la goutte s'écria: Tu as beau faire, douleur, je n'avouerai pas que tu fois un mal.

405 Socrate & Platon ont débité des vérités admirables, mais toujours avec un air de doute. Suum illud, nihil ut affirmet tenet ad extremum, dit Cicéron de Socrate; & il dit de Platon: In Platonis libris nil affirmatur: in utramque partem multa differuntur. 409 Ariftote, après avoir été long-temps Difciple de Platon, fe fépara de lui, & fe fit chef d'une Secte contraire. Il donnoit fes leçons en fe promenant dans le Lycée. On ne fait ce qu'il a penfé fur l'immortalité de l'ame: ce qui eft d'autant plus étonnant, qu'il a écrit fur l'ame, & a fait des Traités de Morale.

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Mais à l'homme inquiet, le Maître d'Alexandre
Du terrible avenir ne daigne rien apprendre.
Que me fait fa Morale, & tout fon vain favoir,
S'il me laiffe mourir fans un rayon d'espoir ?*
415 Loin des longs Raifonneurs que la Gréce publie
Le mystique Vieillard m'appelle en Italie,

La mort, fi je l'en crois, ne doit point m'affliger:
On ne périt jamais, on ne fait que changer:

Et l'homme & l'animal par un accord étrange,
420 De leurs ames entr'eux font un bifarre échange.
De prifons en prifons renfermés tour-à-tour,
Nous mourons feulement pour retourner au jour.
Trifte immortalité! frivole récompenfe

D'une abstinence auftere, & de tant de filence!

425 Philofophes que dis-je? antiques difcoureurs ; C'est prêter trop long-temps l'oreille à vos erreurs Ainfi donc étourdi de pompeufes paroles, Plus troublé que jamais, je fors de vos écoles. Vous promettez beaucoup; de vos grands noms frappé, 430 J'attendois tout de vous, & vous m'avez trompé.

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416 Pythagore, qui débitoit fes principes fous le voile des énigmes, ordonna à fes Difciples l'abstinence & le filence. On fait fon systême de la Métempficofe.

Omnia mutantur,
nihil interit, errat; & illinc
Huc venit, hinc illuc, & quoflibet occupat artus

Spiritus, eque feris humana in corpora tranfit;

Inque feras nofter.

Ovid.

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