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m'apprenant les caufes de tous les défordres,' & de nos malheurs, m'apprend à mettre ces malheurs à profit, & me montre que notre ignorance, peine du péché, doit nous engager à ne pas perdre un temps fi court dans des recherches inutiles. Une Religion qui me répond plus clairement que la philofophie, & qui fe fuit avec tant d'ordre, ne peut être une invention humaine. Je n'ai plus de doute, & ma raifon n'en trouve point la lumière contraire à la fienne: mais ces deux flambeaux fe réuniffent, & ne font qu'une clarté pour moi.

CHANT V I.

Après avoir combattu les Athées dans le premier Chant, & les Déïftes dans les quatre fuivans, j'attaque dans le dernier ceux qui ne font incrédules que par lâcheté. Leur oppofition à croire ne vient que de leur oppofition à pratiquer : ils feroient à la Religion le facrifice de leurs lumieres, fi elle n'exigeoit pas encore le facrifice des paffions. Quand le coeur n'eft point touché, l'efprit qui en eft toujours la dupe, cherche des prétextes pour excuser sa fa révolte. C'eft auffi le cœur que j'attaque, en montrant la conformité de la morale de la Rai fon avec celle de la Religion. La premiere a été connue des Poëtes, même les plus voluptueux; mais elle n'a point été pratiquée par les Philofophes, même les plus févères; au lieu que la morale de la Religion a changé l'Univers, parce qu'elle eft fondée fur l'amour, qui rend tous les préceptes faciles. Cet amour qui a allumé la ferveur des premiers fiécles, va toug

jours en s'affoiblissant, ainsi qu'il a été prédit : quand il fera prêt à s'éteindre, Dieu viendra juger les hommes; & au dernier jour du monde fera confommé le grand ouvrage de la Religion,qui commença le premier jour du monde.

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Un fujet fi vafte, fi intéressant & fi riche, n'a pas befoin, pour se foutenir, d'autres ornemens que de ceux qu'il fournit de fon propre fonds. Je perdrois le refpect que je dois à mon fujet, fi je m'égarois en quelques fictions. Dans tout autre Poëme didactique, elles pourroient trouver place de temps en temps pour délaffer de la froideur des préceptes & des raifonnemens; mais elles n'en peuvent trouver dans celui-ci. La Religion eft fi grave, que la fiction la plus fage prend auprès d'elle un air de fable, qui ne peut s'allier avec la vérité.

C'eft ce mêlange monftrueux qu'on condamne avecraifon dans le Poëme de Sannazar: on fe rebute d'entendre les merveilles faintes dans la bouche de Protée, le catalogue des Néréides qui environnent Jefus-Chrift lorfqu'il marche fur les eaux; & l'on méprise les hommages que lui rend Neptune, lorfqu'à fon afpect il baiffe fon trident. Cependant ce Poëme, qui coûta vingt ans de travail à l'Auteur, lui attira des Brefs honorables de deux Sɔuverains Pontifes, dans l'un defquels Léon X remercie la Providence, qui a permis que l'Eglife trouvât un fi grand défenfeur que Sannadans un temps où elle étoit attaquée par tant d'ennemis. Divinâ factum providentiâ ut divina Sponfa tot impiis oppugnatoribus la—

zar,

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ceratoribufque laceffita, talem tantumque nacta fit propugnatorem. Non qu'un Pape fi éclairé pût approuver l'abus que le Poëte avoit fait des ornemens de la fable, ni penser que le Jourdain parlant de Jefus-Chrift à fes Nymphes, pût convertir les hérétiques & les incrédules; mais parce qu'on a toujours fenti combien il étoit louable à un Poëte de confacrer fon travail à des fujets utiles, & fur tout à la gloire de la Religion.

J'avoue qu'en renonçant aux beautés brillantes de la fiction, il faut peut-être renoncer auffi au titre de Poëte, & fe contenter du rang de verfificateur; mais comme l'utilité des hommes doit être le principal objet d'un Ecrivain fage, je ferois affez récompensé de mon travail, fi ma versification contribuoit à imprimer plus facilement dans la mémoire, des vérités qui intéreffent tous les hommes. Quelquefois même la verfification eft gènée par la matiere, qui ne permet pas qu'on fe livre à toute fon imagination, & dans laquelle on doit facrifier, quand il le faut, les ornemens à la jufteffe du raifonnement.

Ce fut le feul amour de l'utilité publique, &, non l'ambition de paffer pour Poëte, qui engagea le célébre Grotius à mettre d'abord en vers Hollandois, quoique dans un ftyle fimple & à la portée du vulgaire, fon excellent Traité de la vérité de la Religion Chrétienne, qu'il donna depuis en profe Latine, & qui a été traduit en tant de Langues. Il voulut fournir à fes compatriotes, que le commerce con

duit parmi tant de Nations, & par conféquent parmi tant d'opinions, un ouvrage dont la lecture fervît à les affermir dans la Foi, en même temps qu'elle les délafferoit pendant ces momens d'oifiveté que laiffe une longue navigation. Et lorfqu'il ofa mettre en vers un fujet pareil, il s'attendit à cette indulgence qu'on doit avoir pour les Auteurs, qui, fuivant les paroles d'un Ancien, dans une entreprise dont Îa difficulté ne les a point rebutés, ont préféré le defir d'être utiles, à l'ambition de plaire Qui difficultatibus vidis, utilitatem juvandi pratulerunt gratiæ placendi.

C'est encore à l'exemple de cet homme illuftre, que j'ai ajouté des notes, dont la plupart font abfolument néceffaires, ou pour développer les raifonnemens, ou pour autorifer les faits. J'établis prefque tous ces faits fur le témoignage des Ecrivains Païens, parce que les aveux de nos ennemis font des preuves pour nous. Si je cite quelquefois les Poëtes & les Philofophes profanes, c'est pour faire voir que fur des vérités fi importantes, les plus grands génies de l'antiquité ont pensé comme nous parce que la raifon a tenu le même langage à tous ceux qui l'ont écoutée attentivement: que loin d'être contraire à la Religion, comme le croient ceux qui ne l'ont pas bien confultée, c'eft elle au contraire qui nous en a fait fentir la néceffité; qui nous y conduit comme par la main, & qui, en entrant avec nous dans le Temple, s'y profterne, & écoute en filence.

* Plin. Nat.

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LA

LA RELIGION,

РОЁМЕ.

CHANT PREMIER.`

LA RAISON dans mes vers conduit l'homme à la Foi.
C'eft elle, qui portant fon flambeau devant moi,
M'encourage à chercher mon appui véritable,
M'apprend à le connoître, & me le rend aimable.

Faux Sages, faux Savans, indociles Efprits,
Un moment, fiers Mortels, fufpendez vos mépris,
La Raifon, dites-vous, doit être notre guide.
A tous mes pas auffi cette Raifon préfide.
Sous la divine loi que vous ofez braver,

C'est elle-même ici, qui va me captiver,

Et parle à tous les cœurs, qu'elle invite à s'y rendre: Vous donc qui la vantez, daignez du moins l'entendre.

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