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l'autre. La mine étoit chargée, il ,, n'y avoit plus que le feu à y mettre, chacun savoit ce qu'il avoit à faire dans l'action, & Tellier, prin,, cipal perfonnage, avoit déja commencé à en parler au Roi.

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Tout cela fe rapportoit chez Madame de Ventadour, fans voile ni ,, myftere, devant Mademoiselle de la Chaufferaye, fille d'unc naiffance ,, peu relevée en comparaifon des per. fonnes qu'elle fréquentoit; efpece de fubalterne, qu'on croyoit fort honoréé d'être reçue en pareille, ,, compagnie, qu'on regardoit comme fans conféquence, & devant laquelle on ne fe cachoit de rien. Mais cette ,, Demoiselle, fans qu'on ait jamais fu comment elle y parvint, étoit dans une intime familiarité avec le Roi. Il lui écrivoit fouvent, & la faifoit venir à Verfailles. C'étoit ,, par Blouin, Valet-de-Chambre de confiance. , que paffoient les lettres & les meffages, & c'étoit lui qui l'introduifoit

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les derrieres avec le plus grand fecret. Louis XIV se plaifoit beaucoup avec cette De,, moifelle, parce qu'elle étoit amu

1715.

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fante. Elle favoit cacher fon efprit, 1715. faire l'ingénue, paroître ne s'intéreffer ni aux affaires ni aux perfonnes. Par cet artifice, elle avoit ,, accoutumé le Roi à fe mettre à fon aife avec elle, à lui parler de tout avec confiance, & même à "goûter fes confeils. Cependant elle n'étoit rien moins qu'indifférente ,, pour le Cardinal de Noailles. Les , complots qu'on faifoit pour l'op. ,, primer la révoltoient. Sur le fimple ,, projet formé devant elle chez Madame de Ventadour, mais non en. ,, core tout arrangé, elle avoit déja averti l'Archevêque de ne pas fortir de Paris, dont le peuple l'ado,, roit, & où on n'auroit ofé l'enlever.

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De providence, le jour même ,, que le Père Tellier avoit entamé cette affaire avec le Roi, Mademoiselle de la Chaufferaye fut ap,, pellée auprès du Monarque. Il lui , parut triste & rêveur. Elle affecta ,, de lui trouver mauvais vifage, & d'être inquiete de fa fanté. Le ,, Roi, fans lui parler de l'enléve„ ment propofé, lui dit : Il est vrai

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que je me trouve extrémement tra", caffé de cette affaire de la Conftitu- 1715. tion. On me propofe des chofes fur ́,, lefquelles j'ai peine à me refoudre. J'ai difputé tout le matin là deffus. Ils fe relayoient pour m'étourdir fur les mêmes matieres, & je n'ai point de repos. Vous êtes bien ben, lui dit l'adroite Chaufferaye, de vous laiffer tourmenter de la forte. Il pa» roit que ces Meffieurs ne fe foucient " que de faire réuffir leur affaire, & ,, nullement de votre fanté. A votre ,, place, Sire, je m'en tiendrois à ce „ que j'ai fait. Je ne fongerois plus qu'à ,, vivre en repos, & je les laifferois

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,, difputer tant que bon leur fembleroit,
,, fans m'en mêler davantage, ni en
,, prendre du fouci, y perdre ma tran-
», quillité, & altérer ma fanté comme
,, il n'y paroît que trop à votre vifage.
, Moi, je n'entends ni ne veux en-
,, tendre rien à toutes ces questions
d'école. Je ne me foucie pas plus d'un
», parti que de l'autre ; je ne me foucie
,, que de votre vie que vous abrégez,
& que vous ne conferverez jamais
» qu'en les laiffant s'entre-battre tant
„ qu'ils voudront, fans vous en ema

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2715.

,, barraffer ni vous en mêler davan"tage.

Elle dit tout cela d'un air fi naïf & fi indifférent fur tous les partis, » fi pénétré du feul intérêt du Roi, » qu'il lui répondit : Vous avez rai»fon, je fuivrai votre confeil; à la fin » ces gens-là me feroient mourir, & » pour commencer, dès démain je leur » défendrai de me parler d'une chofe » qu'ils m'ont propofée & qui me peine » au dernier point. Ils y reviennent »- fans ceffe. J'ai été fur le point de »me laiffer entraîner; mais demain »je leur ferme la bouche là-deffus pour » toujours. La Chaufferaye, fans pa» roître vouloir pénétrer le fecret que » le Roi ne lui difoit qu'à demi, mais » qu'elle favoit auffi bien que lui, le » confirme dans fa résolution, le pi» que d'honneur fur ce qu'il eft dupe » & victime de gens qui ne travail> lent que pour eux-mêmes, enfin » elle fait tant, que le Roi lui re» nouvelle la parole pofitive & en

core plus affirmative d'exécuter le » lendemain ce qu'il vient de pro-. » mettre, & fans s'expliquer davan»tage, il la renvoye en lui difant:

Regardez la chofe comme rompue, je
qu'ils n'oferont plus

» parlerai fi net,
m'en importuner.

» En fortant de chez le Roi, la » Demoisellle va paffer la foirée chez » Madame de Ventadour. Elle trouve » la joie peinte fur tous les vifages. » Elle foupe, joue, & fe retire le plu » tôt qu'elle peut. Le lendemain elle » monte en chaife de pofte, fe fait » conduire à Paris, defcend près de » la Cathédrale, entre par l'Eglife » dans un coin de l'Archevêché, d'où » elle fait avertir le Cardinal, qui » vient la trouver par un escalier dé» robé; en un quart d'heure elle > lui conte fon aventure de la veille, » regagne fa chaife, reparoît à Ver

failles comme fi elle n'en étoit pas » fortie, va dîner chez Madame de » Ventadour, & y paffe l'après-midi, » pour tâcher de découvrir par la » contenance des gens, ou par leurs » difcours, fi le Roi lui a tenu parole. » Le foir, affez tard, arrive le Prince » de Roban, d'un air confterné; il » tire à part la Ducheffe; deux mots » qu'il lui dit lui communiquent toute fa trifteffe. Il refufe de jouer,

1715.

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